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Jours tranquilles à Paris
1 avril 2020

Pandémie . “Si le virus débarque ici, c’est ‘game over’” : plongée dans un township d'Afrique du Sud

DAILY MAVERICK

coronavirus

Dessin de Glez, Ouagadougou, paru dans Courrier International.

Avec près de 1 300 cas déclarés de malades du Covid-19 au 30 mars, l’Afrique du Sud est à ce jour le pays le plus touché d’Afrique. Juste avant qu’un confinement strict ne soit mise en oeuvre, jeudi 26 mars, ce journaliste s’est rendu dans un township de la banlieue du Cap, où l’on craint une catastrophe.

Quand j’arrive à Kayamandi, la vie ne semble pas avoir beaucoup changé. Les gens continuent de jaillir des taxis pour rentrer chez eux tandis que les enfants jouent dans la rue. Alors que les classes moyennes paniquées se bousculent pour acheter du papier toilette, la vie en dehors de ces cercles privilégiés paraît continuer comme si de rien n’était. Un instant, cela me semble réconfortant. Un sentiment bien vite éclipsé par l’inquiétude quand je me suis mis à imaginer à quoi ressembleraient Kayamandi et les autres townships d’Afrique du Sud dans quelques jours.

Je m’arrête devant la maison de mon ami Vusi Mokoena. Elle ne comporte qu’une pièce, mais Vusi est l’un des rares habitants de Kayamandi à avoir la “chance” de posséder une maison en brique. Il a accepté de me faire visiter la township pour interviewer les passants à propos du Covid-19. Je lui ai apporté un gâteau. Il me remercie, puis va toquer à la porte de son voisin, à qui il en offre la moitié.

Les familles s’entassent dans des taudis bondés

“À Kayamandi, les gens partagent tout”, m’explique-t-il, avant de m’avouer qu’il craint que cette communauté, où tout le monde vit sur un pied d’égalité, ne soit incroyablement vulnérable face au coronavirus. Il est clair que l’on n’y pratique pas la distanciation sociale, et qu’elle ne saurait y être appliquée. Alors que nous déambulons dans les rues, je vois des gens se toucher les coudes en plaisantant, et j’entends parfois le mot “corona”. La nouvelle circule, mais la vie ne change pas. “C’est une maladie de Blanc”, m’affirme un habitant.

Comme me le dit Vusi, “si le virus débarque ici, ou dans n’importe quelle township, c’est game over”. Dans ces zones urbaines, le système de santé est déjà saturé et les dispensaires sont pleins à craquer. À moins que les cliniques et les hôpitaux publics ne reçoivent une aide immédiate et substantielle, il est peu probable qu’ils puissent faire face à l’épidémie.

À LIRE AUSSI Afrique du Sud. Un malade du Covid-19 poursuivi pour tentative de meurtre après être sorti travailler

Manifestement, la vie dans les townships n’est pas faite pour se préparer à une maladie aussi contagieuse. Les toilettes et les éviers publics sont partagés par des centaines de résidents. Des familles s’entassent dans des taudis bondés, et l’eau courante est rare. Je redoute les effets à long terme. Le Covid-19 va inévitablement se transformer en “maladie des pauvres”, et quand la vie reprendra ses droits dans les cercles privilégiés, dans les townships et les campagnes, le combat contre le virus continuera.

Un moment qui pourrait être révolutionnaire

Mais en dépit de leurs inquiétudes, rares sont les habitants qui sont capables de reconnaître qu’ils ont peur. Certains croient que les Africains ont développé une immunité, compte tenu de toutes les autres épidémies auxquelles ils ont “survécu”. Peut-être la peur est-elle un luxe que ne peuvent s’offrir ces Sud-Africains dont le principal souci est de savoir ce qu’ils vont pouvoir trouver pour leur prochain repas.

C’est dans les townships et les zones rurales que le virus aura l’impact le plus désastreux et le plus durable. Les gens vont perdre leur emploi et leur foyer. Nous sommes à l’aube d’un moment de l’histoire qui pourrait s’avérer révolutionnaire. Ce qu’il adviendra après dépend de nos actes, dès maintenant.

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