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Jours tranquilles à Paris
11 avril 2020

La crise économique pourrait entraîner l’effondrement de nombreux États arabes

emirates

HA’ARETZ (TEL-AVIV)

La pandémie qui frappe de plein fouet les économies des pays arabes tombe au moment où la chute du prix du pétrole pousse les pays du Golfe à expulser les immigrés arabes des pays pauvres. Et cette fois-ci, les États arabes riches ne pourront pas aider les États pauvres

À peine a-t-on fait une estimation des dommages économiques que la pandémie de Covid-19 occasionne au Moyen-Orient qu’une prévision encore plus catastrophique lui succède.

L’Organisation arabe du tourisme, par exemple, prévoit des pertes de 40 milliards de dollars dans le secteur du tourisme d’ici fin avril s’il n’y a pas de changement dans l’évolution de l’épidémie, et cela n’inclut pas les pertes directes de plus de 14 milliards de dollars que les compagnies aériennes arabes pourraient subir.

Ces estimations n’incluent pas non plus les dommages indirects causés, par exemple, par le licenciement de milliers d’employés, les indemnisations et les aides aux nouveaux chômeurs et aux compagnies aériennes.

Dans certains pays de la région, comme l’Égypte ou la Jordanie, le tourisme est un élément stratégique de l’économie et constitue une part importante de leur PIB. Cela pourrait prendre d’un an et demi à deux ans pour remettre ce secteur sur pied.

Double guerre de survie

À l’heure actuelle, les pays arabes sont divisés entre ceux qui sont riches et détiennent d’énormes réserves de devises étrangères qui peuvent aider à financer des plans d’assistance économique impressionnants et ceux qui sont pauvres et cherchent maintenant à savoir comment ils financeront les besoins de base dès lors que les institutions financières internationales hésitent consentir des prêts à risque.

Dans chacun des pays de la région, riches et pauvres, il y a une double guerre de survie simultanée : l’une de la part des gouvernements essayant de protéger les économies de leur pays et l’autre de la part des citoyens, qui sont à la recherche d’alternatives face à l’impuissance de leurs gouvernements.

Les Émirats arabes unis et l’Arabie Saoudite ont créé des fonds spéciaux avec des dizaines de milliards de dollars de financement, à travers lesquels ils octroient des subventions et des prêts à des taux d’intérêt négligeables aux propriétaires d’entreprises et aux particuliers.

En même temps, en Syrie, en Jordanie et au Maroc, l’aide est minime précisément à un moment où les citoyens sont scandaleusement mis sous pression par les grandes entreprises et par les fournisseurs de denrées alimentaires et d’autres produits de base.

Marchands et contrebandiers

Des rapports en provenance de Syrie racontent comment les commerçants ont amassé d’énormes quantités de désinfectant au cours des derniers mois et les vendent maintenant à des prix dix fois supérieurs au taux pratiqué avant la pandémie de Covid-19.

En Arabie Saoudite, les autorités ont également découvert un entrepôt géant avec environ 1 million de masques. Au Maroc, des paquets de 50 masques sont vendus pour environ 50 dollars. Avant l’épidémie, ils coûtaient 3,50 dollars.

Porter plainte auprès des ministères de la Santé de la région au sujet de la hausse des prix est généralement inutile, en l’absence de personnel suffisant pour assurer la surveillance.

Dans une grande partie du monde arabe, des groupes de marchands et de contrebandiers font actuellement d’énormes profits sur la vente de masques et de gants, dont la plupart ne répondent pas aux normes internationales et peuvent même mettre en danger la santé des utilisateurs.

Des groupes de pression

Désormais, les citoyens craignent que les défaillances administratives de leurs États n’affectent également l’effort d’assistance gouvernementale. La plupart des plans sont assez vagues, les critères d’admissibilité à l’aide ne sont pas bien définis et les sommes que les particuliers peuvent espérer recevoir et comment ils les recevront restent souvent un mystère.

Des groupes de pression et des associations professionnelles commencent à harceler leurs ministères des Finances et du Commerce, chaque groupe cherchant à servir les intérêts de sa propre circonscription.

Ainsi, au Liban, des chauffeurs qui travaillent dans les transports publics et le fret ont organisé une manifestation demandant une compensation suite à une décision du gouvernement qui a réduit les transports. Les manifestants affirment que cette décision a touché plus de 50 000 familles libanaises.

En Irak, le personnel médical demande une compensation pour les longues heures de travail et cela s’ajoute à leurs plaintes concernant la pénurie aiguë de médicaments et de respirateurs dans le pays.

Expulsion massive des travailleurs étrangers

Les programmes d’aide incluent généralement des reports ou des exonérations d’impôts et de cotisations sociales et la suspension ou le report du remboursement de la dette aux banques, mais pour le moment, ceux qui ont perdu leur emploi ou dont les revenus ont été considérablement réduits en raison du ralentissement de la région n’ont nulle part où s’adresser.

Une autre menace guette les pays les plus pauvres de la région, dont des millions de citoyens travaillent dans les États du golfe Persique.

La semaine dernière, le Koweït a annoncé son intention de renvoyer chez eux environ 17 000 enseignants égyptiens qui travaillent dans le système éducatif koweïtien. Le Koweït a déclaré la fermeture des écoles jusqu’en août et n’a pas besoin d’enseignants jusqu’à la rentrée des classes.

Au Koweït, il y a environ 800 000 travailleurs égyptiens et 1 million d’Indiens parmi les 3,5 millions de travailleurs étrangers du pays.

Les pays riches ne peuvent plus rien promettre

Avec la contraction de l’industrie pétrolière [le baril de pétrole était à 60 dollars en décembre 2019. Début avril, il était autour de 20 dollars] et l’évaporation du commerce international au Koweït et dans d’autres pays du Golfe, on peut imaginer que les semaines à venir pourraient voir des millions d’autres travailleurs étrangers rentrer chez eux, où ils deviendront un fardeau pour leurs gouvernements.

La perspective de retrouver leur ancien emploi dépendra de l’ampleur de la pandémie et de la capacité de reprise des économies du Golfe et du reste du monde arabe. Dans des circonstances normales, les gouvernements des pays les plus pauvres auraient pu s’attendre à l’aide des plus riches de la région, dans le cadre de la tradition de solidarité arabe qui a fait ses preuves à maintes reprises.

Cette fois cependant, les pays riches ne peuvent plus rien leur promettre, pas même des colis alimentaires.

Zvi Barel

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