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Jours tranquilles à Paris
27 avril 2020

LIBERATION - Kim Jong-un disparu des radars ou disparu tout court ?

Par Louis Palligiano, correspondant à Séoul 

Covid-19, opération du cœur ratée… Plusieurs médias étrangers se sont fait l’écho du décès du leader nord-coréen, dont la dernière apparition publique remonte au 11 avril, sans confirmer l’information.

Le mystère s’épaissit chaque jour autour du dirigeant nord-coréen Kim Jong-un, invisible depuis le 11 avril, tandis que le régime, traditionnellement peu enclin à réagir aux spéculations sur la santé du «cher leader», reste de marbre. Lors de sa dernière apparition relayée par l’agence centrale de presse nord-coréenne (KCNA), Kim présidait une réunion du politburo du Parti des travailleurs, le parti unique au pouvoir, appelant à des mesures renforcées contre le coronavirus qui, selon Pyongyang, épargne toujours miraculeusement le Nord. Depuis, les médias d’Etat se sont bornés à rapporter l’envoi par Kim de lettres diplomatiques (au président syrien Bachar al-Assad notamment), de cadeaux à des citoyens d’honneur ou encore, dimanche, d’un message de remerciement à des travailleurs nord-coréens. Mais sans publier d’articles ou de photos montrant des activités publiques.

C’est l’absence exceptionnelle de Kim Jong-un lors d’un événement majeur célébrant l’anniversaire de son défunt grand-père et fondateur de la nation, Kim Il-sung, au Palais du Soleil de Kumsusan le 15 avril, qui a déclenché des rumeurs sur son état de santé. Et pour cause, il n’avait jamais manqué cette cérémonie annuelle depuis son accession au pouvoir fin 2011.

Tabagisme

Après que le site d’informations sud-coréen Daily NK a annoncé que Kim avait subi une chirurgie cardiaque le 12 avril, en se basant sur les dires d’une seule source anonyme à Pyongyang, les spéculations ont circulé à plein régime. Le site américain TMZ a rapporté sa mort due à une opération du cœur ratée, sans confirmer l’information, en citant des médias chinois et japonais. De son côté, la chaîne américaine CNN a affirmé que Kim Jong-un «pourrait courir un grave danger après une intervention chirurgicale» en s’appuyant sur les confidences d’un haut fonctionnaire américain qui a préféré garder son identité secrète. Des assertions qui se basent donc, pour les plus sensationnalistes, sur quelques rares sources anonymes.

Plus concrètement, des images satellites relayées dimanche par 38 North, site web américain spécialisé dans les affaires nord-coréennes, montrent un train qui serait vraisemblablement celui de Kim Jong-un stationné dans la ville côtière nord-coréenne de Wonsan, un lieu de villégiature connu des Kim. La présence de ce train à proximité de cette résidence, équipée d’installations médicales, ajoute de la crédibilité aux rapports selon lesquels le leader du Nord reçoit des soins ou se trouve en convalescence à Wonsan, sans pour autant donner d’indication sur son état de santé. Il pourrait également s’être confiné, un cas de Covid-19 ayant été détecté parmi les membres de sa garde rapprochée, d’après le quotidien sud-coréen Joong-ang Ilbo. L’envoi d’une cinquantaine de médecins chinois en Corée du Nord, rapporté par plusieurs médias internationaux, pourrait justement être lié à la pandémie. Citant un responsable du Parti communiste chinois, le quotidien japonais Asahi Shimbun écrit que l’envoi d’une équipe de cette ampleur semble disproportionné dans le seul but d’offrir un soutien médical à Kim et pourrait être le fruit d’un partenariat Pékin-Pyongyang afin de lutter contre le Covid-19.

Les rumeurs d’une opération cardiaque qui aurait mal tourné s’appuient sur différents indices tangibles quant à la santé fragile de Kim Jong-un. Son tabagisme et son goût excessif pour l’alcool, son importante prise de poids ces dernières années ainsi que des antécédents familiaux de maladies cardiovasculaires - son père Kim Jong-il a été terrassé par une crise cardiaque - sont autant de facteurs pouvant mener cet homme de 36 ans vers une mort précoce. L’ancien passionné de basket qui voulait «gagner tous les matchs», selon l’un de ses camarades de l’école Liebefeld-Steinhölzli de Köniz, en Suisse, où il a passé une partie de son adolescence, se déplaçait avec difficulté lors de ses dernières apparitions publiques. Et son embonpoint, destiné à lui conférer la stature d’un chef d’Etat pour pallier son jeune âge, semble désormais mettre son règne en péril.

Le leader n’avait que 27 ans lorsqu’il a succédé à son père en 2011, devenant le plus jeune dirigeant du monde, mais ses neuf ans passés au pouvoir, marqués par des échanges diplomatiques sans précédent avec les Etats-Unis et par la politique dite du Byongjin - un exercice périlleux qui consiste à mener de front le développement économique et les programmes nucléaires et balistiques du régime - semblent l’avoir profondément usé.

Béquille

Néanmoins, cette absence de deux semaines n’est pas inédite pour le troisième dirigeant de la dynastie des Kim. Plus tôt dans l’année, il s’était déjà tenu éloigné de la vie publique pendant vingt-et-un jours. Et en 2014, Kim Jong-un n’était pas apparu pendant plus d’un mois avant que la télévision d’Etat nord-coréenne ne le montre marchant avec une béquille, après une opération de la cheville. A l’époque déjà, les rumeurs d’un grave problème de santé ou d’une crise politique interne s’étaient multipliées.

En Corée du Nord, la vie paraît suivre son cours : malgré cette absence prolongée, aucun événement inhabituel n’a été rapporté. Dans l’édition de dimanche de Rodong Sinmun, le quotidien officiel du régime, aucune mention n’est faite du chef suprême. Même chose sur la télévision d’Etat, KCTV. En Corée du Sud, les officiels réfutent les récents rapports des médias à propos de la mort de Kim, en soulignant qu’il n’y a aucun signe émanant de Pyongyang qui pourrait l’indiquer. Séoul maintient que tout semble se dérouler normalement au Nord et que Kim Jong-un se trouve simplement «en province», et non à Pyongyang.

Néanmoins, lorsque Kim Jong-il est mort, les médias officiels du régime nord-coréen ne l’avaient révélé que deux jours plus tard, et aucune agence de renseignement au monde n’était au courant de son décès.

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