Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Jours tranquilles à Paris
3 mai 2020

Etats-Unis : accusé de viol par une ancienne assistante, Joe Biden dément

Par Gilles Paris, Washington, correspondant

« Ce n’est jamais arrivé », a affirmé le candidat démocrate à la présidentielle américaine à propos de faits rapportés par Tara Reade, qui remonteraient à 1993.

Joe Biden est sorti de son silence, vendredi 1er mai au matin. L’ancien vice-président américain et candidat démocrate à la présidentielle de novembre a nié catégoriquement les accusations de viol formulées depuis le 25 mars par une ancienne assistante, Tara Reade. « Cela n’est pas vrai, ce n’est jamais arrivé », a-t-il assuré sur la chaîne MSNBC, quelques minutes après avoir publié un long communiqué dans lequel il a articulé sa défense.

« Les femmes méritent d’être traitées avec dignité et respect et lorsqu’elles s’expriment, elles doivent être entendues et non réduites au silence », mais « leurs histoires doivent faire l’objet d’une enquête et d’un examen appropriés », a-t-il écrit. « Je ne vais pas me poser des questions sur ses motivations, pourquoi elle dit ça, je ne vais pas l’attaquer. Elle a le droit de dire ce qu’elle veut. Et j’ai le droit de dire, regardez les faits, vérifiez », a-t-il ajouté sur MSNBC. « La vérité compte (…), je n’ai rien à cacher », a-t-il poursuivi.

Les faits rapportés par Tara Reade, qui s’exprimera sur la chaîne Fox News dimanche 3 mai, remonteraient à 1993, à une époque où elle travaillait au sein de l’équipe des collaborateurs de Joe Biden au Sénat, où elle était notamment chargée de la supervision des stagiaires. Alors élu du Delaware depuis plus de vingt ans, le sénateur y présidait la commission des affaires juridiques. Selon Tara Reade, âgée alors de 29 ans, Joe Biden l’aurait un jour « plaquée contre un mur » et embrassée avant de la « pénétrer avec ses doigts ». Tara Reade avait quitté quelques semaines plus tard le bureau de Joe Biden après neuf mois passés dans son équipe.

JOE BIDEN A RAPPELÉ QU’AUCUN DE SES COLLABORATEURS DE L’ÉPOQUE, INTERROGÉS PAR LE WASHINGTON POST ET LE NEW YORK TIMES, N’AVAIT LE SOUVENIR DE L’ÉPISODE RAPPORTÉ PAR TARA READE

Depuis que ces accusations ont été rendues publiques, elles ont été corroborées par plusieurs personnes auxquelles la jeune femme s’était confiée quelques années plus tard, après s’être installée en Californie, ainsi que par son frère. En 2019, après la déclaration de candidature de Joe Biden à la primaire démocrate, Tara Reade avait pris une première fois la parole pour rapporter des gestes jugés déplacés de l’ancien sénateur remontant à la même époque, mais elle n’avait pas mentionné un viol. Le 9 avril, elle a fait une déclaration à la police de Washington dans laquelle elle affirme avoir été « victime d’une agression sexuelle » en 1993, couverte par la prescription, sans citer le nom de Joe Biden.

Hommages à son « ancien patron »

Très active sur les réseaux sociaux, Tara Reade a multiplié les hommages à son « ancien patron » au cours des années précédentes, y compris en approuvant des messages relatifs à son engagement dans la lutte contre les violences faites aux femmes. Elle a également avancé des explications contradictoires à propos de son départ de Washington, en 1993.

Vendredi matin, Joe Biden a rappelé qu’aucun de ses collaborateurs de l’époque, interrogés par le Washington Post et le New York Times au cours d’enquêtes approfondies, n’avait le souvenir de l’épisode rapporté par Tara Reade. Cette dernière a assuré avoir averti à l’époque trois responsables de son bureau. Deux d’entre eux ont catégoriquement démenti. Une troisième, Marianne Baker, présente au côté de Joe Biden de 1982 à 2000, a assuré que « pendant toutes mes années à travailler pour le sénateur Biden, je n’ai jamais été témoin, ni entendu parler, ni reçu de rapports de conduite inappropriée, jamais, pas de Mme Reade, ni de personne d’autre ».

L’ancien vice-président a enjoint les archives du Sénat à rendre publique une éventuelle plainte que la jeune femme aurait déposée en interne au moment des faits et dont elle dit ne pas avoir gardé la trace. Cette plainte, de son propre aveu, concernerait le comportement des collaborateurs du sénateur à son égard et non une éventuelle agression. Les deux quotidiens qui se sont penchés sur le dossier n’ont pas trouvé de documents appuyant ses affirmations.

L’incapacité dans laquelle se trouve Tara Reade à fournir des détails précis concernant le jour et le lieu de l’agression dont elle assure avoir été la victime empêche par ailleurs toute vérification avec les agendas du sénateur. Dans son témoignage au Washington Post, son frère, Collin Mouthon, n’avait initialement mentionné que les gestes déplacés, il a rajouté la mention du viol par la suite, dans un message.

« Deux poids, deux mesures »

L’ancien vice-président a assuré vendredi que ses archives personnelles, déposées à l’université du Delaware, ne contiennent aucun document privé concernant ses collaborateurs. Il a ajouté qu’il ne souhaite pas qu’elles soient rendues publiques avant la présidentielle. Il a justifié sa position en estimant qu’elles pourraient être utilisées à ses dépens par son adversaire pendant la campagne présidentielle.

L’accusation portée par Tara Reade, qui se revendique démocrate, a été exploitée par la gauche du Parti démocrate, frustrée par la défaite de son champion, Bernie Sanders, lors des primaires démocrates, tout comme par l’écosystème médiatique conservateur. Ce dernier dénonce un « deux poids, deux mesures » de la part des démocrates en opposant l’attitude du parti dans la controverse autour de Brett Kavanaugh, en 1998, et celle adoptée aujourd’hui.

Lorsque le candidat de Donald Trump pour la Cour suprême avait été accusé d’une agression sexuelle vieille d’une trentaine d’années, qu’il niait farouchement, les démocrates avaient assuré « croire » sa victime présumée. La majorité des élus a apporté ces derniers jours son soutien à Joe Biden, y compris la sénatrice de l’Etat de New York, Kirsten Gillibrand, très en pointe dans le mouvement #metoo. L’ancien sénateur s’est engagé à choisir une femme pour le poste de vice-présidente à l’élection de novembre.

Jeudi 30 avril, Donald Trump, lui-même visé par de nombreuses accusations d’agressions sexuelles, avait jugé indispensable que Joe Biden s’exprime, tout en ajoutant que l’ancien vice-président pouvait être « faussement » mis en cause. « Je dirais juste à Joe Biden : lève-toi et bats-toi », a ajouté vendredi le président des Etats-Unis.

Publicité
Commentaires
Publicité