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Jours tranquilles à Paris
5 mai 2020

« Chaque pays doit se préparer à un nouveau risque pandémique »

Expert au sein de l’OMS animale, le Breton Patrice Gautier, ici sur un marché alimentaire, aux Philippines, pour une mission d’évaluation des services vétérinaires du pays. 

Article de Jacques Chanteau - Le Télégramme

Maire d’Evran (22) et vétérinaire de profession, Patrice Gautier  est aussi expert auprès de l’Organisation mondiale de la santé animale. « Chaque pays doit se préparer individuellement à un nouveau risque pandémique », prévient-il.

En quoi consiste votre mission au sein de l’OMS animale ?Nous sommes une cinquantaine de vétérinaires de différentes nationalités à nous déplacer à la demande des pays pour évaluer la performance de leur administration en matière de services vétérinaires vis-à-vis des standards de l’OIE (Organisation mondiale de la santé animale – ex-Office international des épizooties) depuis 2008.

Vous avez aussi été responsable de Vétérinaires sans frontières et dans ce cadre-là, présent au Vietnam, en 2003, lors de l’épidémie du Sras, puis, quelques mois plus tard, de l’influenza aviaire. Ces épidémies sont-elles comparables avec la pandémie de Covid-19 ?

L’origine du Sras est similaire à celle du Covid-19 : deux coronavirus (CoV-1 et CoV-2), tous deux hébergés par les chauves-souris. Les deux virus sont très contagieux. Le CoV-1 était plus létal. Les personnes atteintes de Sras avaient moins de chance d’avoir contaminé d’autres personnes avant qu’on ne les ait identifiées. Lorsqu’un patient Covid-19 consulte, il est plus probable qu’il ait déjà transmis la maladie à d’autres. Mais on ne sait pas encore tout, loin de là. L’influenza aviaire a été une expérience extraordinaire. Il y a évidemment des similarités entre la gestion d’une épizootie et celle d’une épidémie. Nous avions ainsi formé des centaines de vétérinaires sur le terrain pour rechercher tout ce qui avait pu être en contact avec les élevages positifs, afin de détecter ceux qui allaient devenir positifs. Le canard posait particulièrement problème car souvent asymptomatique.

Selon vous, la chauve-souris est bel et bien à l’origine de cette pandémie.

Depuis au moins une dizaine d’années, on sait que les chauves-souris hébergent des centaines de CoV. Les premières contaminations interhumaines ont sans doute eu lieu sur le marché de Wuhan.

Un virologue breton, Meriadeg Le Gouil, annonce pourtant que la chauve-souris est plus victime que coupable.

Je dirais que la chauve-souris est « coupable » d’héberger des coronavirus. Mais si l’homme laissait cet animal tranquille dans son habitat, le risque que ces CoV infectent l’homme serait plus faible. La chauve-souris est une victime des actions de l’homme qui se rapproche beaucoup trop de son habitat. C’est pour cela qu’il faut limiter la proximité entre la faune sauvage et l’homme, et que les vétérinaires doivent surveiller ces pathogènes des animaux sauvages.

D’autres animaux peuvent-ils propager un virus tel que le Sars-CoV-2 ?

Pour le CoV-1, c’est la civette qui a fait l’intermédiaire entre la chauve-souris et l’homme. Pour le CoV-2, le pangolin pourrait avoir été l’intermédiaire. À ce stade, rien n’indique que d’autres animaux soient impliqués. Mais il faudrait que les services vétérinaires en Chine nous en disent plus sur leurs activités de surveillance des pathogènes dans la faune sauvage.

Quelle(s) mesure(s) faudrait-il prendre pour éviter, à nouveau, une telle pandémie ?

La première mesure devra consister dans l’évaluation de ce qui s’est passé en Chine de fin 2019 à début 2020, de son suivi par l’OMS et, pour ce qui est de la France, de l’analyse faite au tout début par notre ambassade à Pékin et le Centre opérationnel de régulation et de réponse aux urgences sanitaires et sociales (Corruss) du ministère de la Santé. Cela permettra d’apprendre des erreurs et de réformer en fonction. Les réformes concerneront plusieurs niveaux d’action, avec des effets à court ou long terme.

Premièrement, le renforcement des capacités des services vétérinaires en Chine et dans plusieurs autres pays devient une urgence et devra, notamment, inclure : la surveillance du microbisme présent dans la faune sauvage, le contrôle strict de l’hygiène dans les marchés, la garantie que ces services soient indépendants de toute pression politique, économique ou populaire. Les États doivent leur donner les moyens d’agir. Les forces de l’ordre doivent les aider, notamment à faire respecter l’interdiction du commerce de cette faune sauvage non « surveillée » en Chine. C’est l’action la plus urgente.

Deuxièmement, la détection des nouveaux risques d’épidémie et leur déclaration à l’OMS doivent être plus rapides, afin qu’elle puisse évaluer le risque de menace mondiale et informer la communauté internationale. Dans le cas du Covid-19, cela a pris plusieurs semaines !

Troisièmement, chaque pays doit se préparer individuellement à un nouveau risque pandémique. Le Covid-19 a montré que beaucoup, parmi les pays les plus riches, étaient moins préparés que des pays bien moins riches. C’est une grande leçon. Avoir des hôpitaux, de bons médecins praticiens et un bon service de santé est une chose mais être capable de réagir vite et gérer une urgence sanitaire en est une autre.

Enfin, des pays comme la Chine ne vont pas pouvoir continuer à envahir les habitats de la faune sauvage. La mise en place de réglementations freinant l’urbanisation, le développement des infrastructures de transport… est vraiment nécessaire.

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