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Jours tranquilles à Paris
7 mai 2020

Valéry Giscard d’Estaing visé par une plainte pour agression sexuelle

vge

Par Thomas Wieder, Berlin, correspondant

Une journaliste allemande accuse l’ancien chef de l’Etat de lui avoir posé la main sur les fesses lors d’un entretien à Paris, en décembre 2018.

L’ancien président de la République, Valéry Giscard d’Estaing, fait l’objet d’une plainte pour agression sexuelle. La journaliste allemande Ann-Kathrin Stracke, âgée de 37 ans, affirme que l’ex-chef de l’Etat (de 1974 à 1981) lui a posé la main sur les fesses lors d’une interview, fin 2018. Sa plainte, dont Le Monde et le quotidien allemand Süddeutsche Zeitung ont eu connaissance, a été adressée au parquet de Paris, le 10 mars, qui a accusé réception.

Les faits remontent au 18 décembre 2018. Ce jour-là, Mme Stracke a rendez-vous avec M. Giscard d’Estaing dans son bureau du boulevard Saint-Germain, à Paris. L’objet de la rencontre : une interview pour la chaîne publique allemande WDR, à l’occasion du 100e anniversaire de la naissance de l’ancien chancelier fédéral, Helmut Schmidt (1918-2015), au pouvoir quand « VGE » était à l’Elysée.

A l’issue de l’entretien, Mme Stracke demande à M. Giscard d’Estaing s’il veut bien poser pour une photographie avec elle, son cameraman et sa preneuse de son. Ce qu’il accepte. Mais à ce moment, la journaliste raconte que l’ancien président l’a entourée de son bras, lui a touché la taille et posé la main sur une fesse. Et la journaliste d’affirmer dans sa plainte :

« Très surprise et désapprouvant ces atteintes qui m’ont mise extrêmement mal à l’aise, j’ai tenté de repousser la main de M. Giscard d’Estaing, sans toutefois y parvenir. »

La photo étant de mauvaise qualité, une deuxième prise de vue est réalisée. Comme la première fois, c’est l’assistante de « VGE » qui tient l’appareil. A nouveau, Mme Stracke se souvient que celui-ci lui a touché la taille et la fesse. « J’ai eu l’impression qu’il insistait », raconte-t-elle.

Une situation « dégradante »

L’incident aurait pu en rester là. Mais avant le départ de l’équipe de tournage, l’ancien président de la République tient encore à montrer à Ann-Kathrin Stracke une série de photographies accrochées au mur de son bureau, où on le voit aux côtés des grands de ce monde. Selon la journaliste, M. Giscard d’Estaing lui a de nouveau touché les fesses, elle-même essayant de dégager la main de celui-ci « plusieurs fois et de toutes [ses] forces ».

Afin de la libérer d’une situation qu’elle qualifie de « dégradante », son cameraman aurait alors, affirme-t-elle, cherché à faire diversion en renversant l’abat-jour d’une lampe située sur un buffet et en plaçant une chaise entre l’ex-président et elle.

Juste après, au moment de quitter l’appartement, Mme Stracke raconte que M. Giscard d’Estaing lui a dit au revoir en lui faisant « des baisers appuyés sur les joues », tout en lui susurrant dans le creux de l’oreille, en allemand : « träumen sie süss » (« faites de beaux rêves »). « Eh bien, vous l’avez sacrément charmé », lui aurait glissé, sur le pas de la porte, l’assistante de l’ancien chef de l’Etat, là aussi en allemand.

De retour à Cologne, où se trouvent les bureaux de la WDR, Ann-Kathrin Stracke relate l’histoire à sa hiérarchie. Estimant que les accusations sont graves, la direction de la chaîne mandate un cabinet d’avocats pour recueillir le témoignage de la journaliste. Egalement interrogé, le cameraman confirme le récit de sa collègue, ajoutant que la situation lui a semblé « étrange », et que la façon dont s’est comporté M. Giscard d’Estaing avec Mme Stracke lui a paru « inappropriée, venant d’un ancien chef d’Etat ». Sollicitée elle aussi, la preneuse de son, en revanche, refuse de témoigner, sans expliquer pourquoi.

Après le mouvement #metoo

A la suite de la remise de ce rapport, long de treize pages, la WDR envoie une lettre à M. Giscard d’Estaing, le 23 mai 2019, pour résumer l’affaire, où il est notamment écrit :

« Madame Stracke a été extrêmement choquée par vos agissements. (…) Nous ne saurions tolérer que nos collaborateurs soient confrontés à de telles situations et espérons donc vivement qu’un tel comportement ne se répétera envers aucun d’entre eux à l’avenir. »

Le cabinet de VGE répondra, quelques semaines plus tard, par un simple accusé de réception.

Pourquoi Mme Stracke a-t-elle attendu un peu plus d’un an avant de saisir la justice ? « Dans un premier temps, je n’ai pas pensé porter plainte, d’autant que je n’avais aucune idée de la façon dont fonctionne la justice française », explique-t-elle au Monde. Mais au fil des mois, dans le sillage du mouvement #metoo, la journaliste change d’avis. « Ce mouvement m’a montré à quel point il est important de débattre de ces sujets dans la société. »

Contacté par Le Monde et la Süddeutsche Zeitung, le directeur de cabinet de M. Giscard d’Estaing, Olivier Revol, affirme que l’ancien président de la République, âgé de 94 ans, ne garde « aucun souvenir de sa rencontre » avec Mme Stracke. « Si ce qui lui est reproché était vrai, il en serait bien sûr navré, mais il ne se souvient de rien », ajoute M. Revol, qui se dit d’autant plus « étonné » par cette histoire que c’est la première fois, assure-t-il, que l’ancien chef de l’Etat est visé par ce type d’accusations.

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