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Jours tranquilles à Paris
20 mai 2020

Delphine Batho : «Notre groupe donnera à l’écologie une force de frappe au Parlement»

Par Laure Equy 

 

LREM dissidents

Albane Gaillot, Yolaine de Courson, Sabine Thillaye, Cédric Villani, Delphine Batho et Fréderique Tuffnell, membres d’EDS. (Photo François Guillot. AFP)

L’ex-ministre sera vice-présidente d’Ecologie Démocratie Solidarité, le groupe majoritairement composé d’anciens marcheurs qui a été créé ce mardi à l’Assemblée.

Les macronistes n’ont pas chômé, ces derniers jours, pour tenter de rattraper par le col certains élus chancelants. Sans parvenir à torpiller l’initiative : 17 députés ont annoncé mardi la création d’un neuvième groupe baptisé «Ecologie Démocratie Solidarité» (EDS). Le départ de sept députés macronistes a donc fait chuter le groupe LREM (288 membres) sous le seuil de la majorité absolue… à un siège près. Un gadin symbolique (avec le Modem, le gouvernement peut toujours compter sur une confortable majorité) et probablement provisoire (LREM pourrait récupérer le siège d’un député élu maire). Mais le revers est de taille pour ce groupe, pléthorique en 2017, qui s’effrite depuis des mois. «Nous soutiendrons toutes les décisions à la hauteur des enjeux, mais saurons nous opposer dans les autres cas», annoncent dans leur déclaration politique les 17, qui se veulent «un groupe indépendant, ne se situant ni dans la majorité ni dans l’opposition». Parmi ces ex-marcheurs - dont les présidents, Matthieu Orphelin et Paula Forteza -, la présence de Delphine Batho, l’une des vice-présidentes d’EDS, détonne. L’ex-ministre (PS) de l’Ecologie et présidente de Génération Ecologie se réjouit d’une initiative d’élus «aux parcours divers» qui veulent «créer des majorités d’idées».

Le groupe EDS est essentiellement composé de députés élus sous l’étiquette LREM. En quoi cette aventure est-elle la vôtre ?

Construire un groupe écologiste à l’Assemblée est une très bonne nouvelle pour cette cause et les forces qui la défendent. J’en discute depuis longtemps avec Matthieu Orphelin, avec lequel j’ai porté de nombreuses batailles. Avec mes collègues, nous voulons travailler ensemble, là où s’exerce notre responsabilité, pour donner à l’écologie une force de frappe au Parlement.

Mais qu’avez-vous en commun avec des élus qui ont soutenu Macron ?

On a des parcours divers, on n’est pas dans les mêmes formations politiques. Mais je vois dans notre volonté de se réunir les effets différés des combats contre le glyphosate ou la ratification du Ceta, de la mobilisation de la jeunesse pour le climat mais aussi les traces laissées par la démission de Nicolas Hulot ou les débats sur la suppression de l’ISF. Nous nous sommes déjà retrouvés sur des sujets communs liés à l’écologie. Chacun a sa sensibilité, son degré d’engagement, mais le cheminement est incontestable. Et le fait que ce groupe soit à 65 % féminin est déterminant, c’est aussi une histoire de liberté et d’émancipation.

Ce groupe ne s’inscrit pas dans l’opposition. Cela vous dérange-t-il ?

Je déteste le sectarisme. J’ai voté la loi sur la fin des hydrocarbures en 2017, comme un amendement du Modem pour mettre fin à la niche fiscale en faveur de l’huile de palme, avant que le gouvernement ne revienne dessus. Le clivage opposition-majorité n’est pas ma grille de lecture, l’écologie restructure le paysage politique entre terriens et destructeurs de l’environnement.

Pensez-vous pouvoir peser à 17 ?

Nous sommes ouverts et voulons créer des majorités d’idées. En mettant en commun nos capacités de travail, on se heurtera à des résistances, mais on gagnera des batailles. Avec François Ruffin, nous avons plaidé pour la suppression des liaisons aériennes intérieures inutiles [quand une alternative ferroviaire existe, ndlr]. La proposition passait pour farfelue, mais elle est aujourd’hui partiellement reprise par le gouvernement. Signe que les idées font leur chemin. Nous influerons par la qualité de notre travail, en lien avec la société civile, et notre expertise. Sur chaque projet de loi, une étude d’impact sera menée pour mesurer ses effets sur le climat et les limites planétaires, l’égalité femmes-hommes et les équilibres sociaux.

Pourquoi créer ce groupe maintenant, quand la crise force Macron à réécrire la suite du quinquennat ?

C’est précisément le bon moment. La nation est face à des choix majeurs : soit réparer l’ancien modèle de production et de consommation, soit se saisir du fait qu’il n’y a plus de pacte de stabilité financière pour réorganiser nos modes de vie et sortir des énergies fossiles dans le respect de la justice sociale. Il faudrait réunir un «Conseil national de la résilience» pour construire ce nouveau modèle tourné vers la préservation du vivant et la lutte contre le changement climatique. Aucune décision n’a été prise en ce sens par le gouvernement, à part le modeste plan vélo d’Elisabeth Borne. Sept milliards d’euros ont été injectés pour sauver Air France sans contrepartie écologique. Des «actes II» ont souvent été annoncés, qui ne sont jamais venus.

Restez-vous en lien avec d’autres responsables écologistes ou des partis de gauche ?

L’immédiateté parlementaire est une chose, les prochaines échéances électorales en sont une autre. Je parle très souvent avec Julien Bayou [secrétaire national d’EE-LV] et Yannick Jadot [eurodéputé EE-LV]. Je travaille depuis des mois à l’unité des écologistes, pour que nous soyons en situation d’exercer le pouvoir. Il ne s’agit pas de brûler les étapes dans une logique de coalition avec les uns et les autres. L’écologisation des partis de gauche, je ne la vérifie pas toujours à l’Assemblée, où certains ont voté les aides à Air France sans contrepartie. L’heure est à l’affirmation de l’indépendance de l’écologie et à la construction de notre crédibilité.

LREM

Création d’un 9e groupe à l’Assemblée : LREM perd de justesse la majorité absolue

Pas un « cataclysme », mais une épine pour la majorité : des « marcheurs » et ex- « marcheurs », dont Matthieu Orphelin et Cédric Villani (ci-contre), ont lancé, mardi, un nouveau groupe à l’Assemblée. À deux ans de la fin du quinquennat et après « beaucoup de pressions » du gouvernement ou de cadres macronistes, ils sont finalement 17 à avoir intégré cette nouvelle entité baptisée « Écologie Démocratie Solidarité », en gestation depuis plusieurs mois.

Ces élus entendent œuvrer au « monde d’après » la crise du coronavirus au sein d’un groupe « petit mais costaud », a affirmé, mardi, Matthieu Orphelin (proche de Nicolas Hulot), coprésident avec l’ex-LREM Paula Forteza.

Parmi les élus du nouveau groupe figurent sept membres du groupe majoritaire, dont les membres de l’aile gauche Aurélien Taché, Guillaume Chiche et donc Cédric Villani (exclu du parti mais toujours membre jusqu’alors du groupe LREM). Tous ont été élus sous l’étiquette d’Emmanuel Macron, à l’exception de l’ex-ministre PS à l’Écologie, Delphine Batho. « Nous pousserons et soutiendrons toutes les décisions à la hauteur des enjeux, mais saurons nous opposer dans tous les autres cas », préviennent-ils dans leur déclaration politique.

« Tribulations de la vie parlementaire »

Avec cette neuvième entité - un record au Palais Bourbon sous la Ve République - le groupe LREM, qui comptait 314 députés en 2017, tombe à 288, juste sous le seuil de la majorité absolue (289 sièges) qu’il détenait jusqu’alors à lui seul. Un coup dur pour le camp présidentiel.

Mais « la majorité a toujours la majorité », avec l’appui du MoDem et ses 46 élus, s’est agacé, mardi matin, le président de l’Assemblée, Richard Ferrand (LREM), raillant des « tribulations de la vie parlementaire ». « La majorité n’est pas en danger, loin de là », a renchéri le ministre Jean-Yves Le Drian.

groupe lrem

La perte de la majorité absolue à l’Assemblée, un coup dur pour Emmanuel Macron

Par Olivier Faye, Alexandre Lemarié

La constitution d’un nouveau groupe axé sur l’écologie et le social fait descendre La République en marche sous la barre symbolique des 289 députés.

Ils refusaient de croire à un tel scénario. Fin 2019, alors que les députés continuaient de quitter les uns après les autres le groupe macroniste à l’Assemblée nationale, un cadre de La République en marche (LRM) s’alarmait, sous le couvert de l’anonymat : « En cas de perte de la majorité absolue, les médias titreront “la fin du pouvoir Macron”. Ce n’est pas possible ! » L’hypothèse semblait tellement catastrophique aux yeux du président du groupe LRM, Gilles Le Gendre, qu’il ne voulait pas l’envisager. « Arithmétiquement, c’est toujours possible, mais je n’en vois pas le risque », assurait-il, en octobre 2019, avant d’affirmer : « L’érosion a eu lieu il y a quelque temps, mais elle est finie. »

La prédiction ne s’est pas vérifiée : mardi 19 mai, le parti présidentiel est descendu sous la barre symbolique des 289 députés, qui lui permettait, depuis trois ans, de disposer à lui seul de la majorité absolue. Sept de ses membres sont partis constituer un nouveau groupe − le neuvième au Palais-Bourbon, un record − baptisé « Ecologie, démocratie, solidarité ». Arrivés triomphants à l’Assemblée nationale en 2017, avec un effectif de 314 membres, les députés LRM ne sont plus aujourd’hui que 288.

Lors d’une conférence de presse en ligne, mardi matin, les dix-sept députés à l’origine de ce nouveau groupe ont mis en avant leur volonté d’œuvrer au « monde d’après » en allant « plus loin et plus vite » sur les thématiques de l’environnement et du social. « Nous voulons apporter au débat un nouvel élan dans la méthode et les idées », a expliqué Matthieu Orphelin, en vantant un collectif transpartisan « petit mais costaud ». Ce proche de Nicolas Hulot le codirigera avec Paula Forteza, proche de Cédric Villani, également inscrit. Les « marcheurs » Aurélien Taché, Guillaume Chiche et Emilie Cariou, issus du Parti socialiste, y figurent également.

Ligne jugée « trop à droite »

Ce nouveau groupe, qui se veut « positif » et de « proposition », sera inscrit en « groupe minoritaire » à l’Assemblée. Une manière de ne se situer ni dans la majorité ni dans l’opposition. « Si le président de la République lance un troisième temps du quinquennat qui répond à nos priorités, nous le validerons. En revanche, si cela percute les priorités de notre groupe, nous nous opposerons », a expliqué M. Chiche.

Aurélien Taché a mis en garde sur le risque de voir le Rassemblement national l’emporter à la présidentielle. « Si nous n’avançons pas et si nous n’avons pas des résultats très vite, malheureusement, en 2022, les Français risquent de faire le choix du pire. »

« LA CRÉATION D’UN GROUPE AXÉ SUR L’ÉCOLOGIE ET LE SOCIAL MONTRE QUE LE PRÉSIDENT NE RÉPOND PAS COMPLÈTEMENT AUX ASPIRATIONS DE SON PROPRE CAMP SUR CES SUJETS », ESTIME BRUNO CAUTRÈS, POLITOLOGUE ET CHERCHEUR AU CEVIPOF

Tous ont été élus en 2017 sous l’étiquette macroniste, à l’exception de l’ex-ministre PS de l’écologie Delphine Batho. Tous se montrent mal à l’aise avec la ligne impulsée par l’exécutif depuis le début du quinquennat, jugée « trop à droite ». Mme Cariou a présenté la création du nouveau groupe comme « des retrouvailles » avec les « valeurs » originelles du macronisme. « Aucun de nous ne trahit ses engagements de 2017, c’est plutôt la majorité qui s’en est éloignée », a tranché le député du Rhône, Hubert Julien-Laferrière, issu de LRM. Une remise en cause claire de l’action du chef de l’Etat. « Cela ne va pas empêcher l’exécutif de trouver des majorités, mais ce sera au prix d’une plus grande écoute de ses alliés du MoDem et d’Agir. Le problème est davantage pour l’image d’Emmanuel Macron. La création d’un groupe axé sur l’écologie et le social montre que le président ne répond pas complètement aux aspirations de son propre camp sur ces sujets », estime Bruno Cautrès, politologue et chercheur au Cevipof.

Officiellement, cette annonce est accueillie avec sérénité par l’exécutif. « Il y a une part de symbolique, certes, mais cela a une incidence assez mineure : ces derniers mois, sur nombre de votes, la majorité d’entre eux n’avaient pas suivi la ligne du groupe », minimise Marc Fesneau, ministre chargé des relations avec le Parlement. De son côté, le président de l’Assemblée, Richard Ferrand, a renvoyé cet événement à de simples « tribulations de la vie parlementaire » qui seraient à ses yeux « anecdotiques ». « La majorité LRM-MoDem est large et solide. Elle n’a jamais fait défaut au président et au premier ministre, et la réciproque est vraie, estime-t-on dans l’entourage d’Edouard Philippe. Tout est une question de loyauté, tant vis-à-vis du président que des électeurs de juin 2017. Chacun jugera. »

« Méthode Coué »

Mais d’aucuns reconnaissent que le coup porté par ces défections n’a rien d’anodin. « Dire que c’est anecdotique, comme l’a fait Richard Ferrand, c’est la méthode Coué », relève un député resté chez LRM. « Ce n’est jamais positif pour une majorité, on ne va pas raconter de salades », ajoute une ministre, rappelant qu’il « est rarissime que le parti majoritaire perde sa majorité absolue ». Cela avait été le cas pour le Parti socialiste lors du quinquennat précédent, quand François Hollande avait eu à gérer la « fronde » d’une partie de sa majorité. « La République en marche est un mouvement politique qui s’est formé sans base philosophique et historique. Forcément, ce parti est plus chahuté que les autres, car il est composé d’élus soit sans formation soit venant du PS, ce qui n’est pas la meilleure école de cohésion… », sourit un visiteur du soir de M. Macron.

Le chef de l’Etat aurait-il découvert ses frondeurs, reproduisant ainsi le modèle honni de François Hollande ? « Ces deux périodes ne sont pas comparables : lors du précédent quinquennat, les fractures à l’œuvre étaient très profondes. Au sein du Parti socialiste, on avait des gens qui ne pensaient plus la même chose sur des sujets fondamentaux. La question des frondeurs était plus massive et plus profonde », veut croire le délégué général de LRM, Stanislas Guerini.

Aux yeux de certains, cette efflorescence de groupes doit néanmoins amener la majorité à s’interroger sur sa stratégie, alors que M. Macron promettait durant sa campagne présidentielle de former des « majorités de projet » en allant chercher des soutiens différents en fonction des textes défendus. « Cet émiettement n’est pas fondé sur des positions politiques extrêmement affirmées. La question de fond c’est de savoir si le fonctionnement de la majorité peut changer. Y a-t-il la capacité à faire exister des débats et à ce qu’ils débouchent sur des positions politiques ? », interroge l’ex-président de l’Assemblée François de Rugy, qui a retrouvé sa place au sein du groupe LRM après avoir quitté le gouvernement à l’été 2019.

« La situation nécessite de renforcer le dialogue avec la majorité », reconnaît M. Fesneau. Une donnée qui risque dans tous les cas de ne pas peser bien lourd au moment de retourner devant les électeurs en 2022, tant la Ve République procède du chef de l’Etat. Amusé, un député souligne : « Il est parfois dit que les frondeurs du PS ont été sanctionnés dans les urnes en 2017. Mais ceux qui sont restés fidèles aussi. »

assemblée

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