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Jours tranquilles à Paris
29 mai 2020

Technologie - Donald Trump attaque les réseaux sociaux

trump versus reseaux sociaux

COURRIER INTERNATIONAL (PARIS)

Deux jours après que Twitter a signalé deux de ses tweets, le président américain a signé un décret censé limiter la protection dont bénéficient les réseaux sociaux. Mais le texte risque de faire face à de nombreux obstacles juridiques avant d’entrer en vigueur.

Assis dans le Bureau ovale, le ministre de la Justice à ses côtés, Donald Trump a signé jeudi un décret centré sur les réseaux sociaux. “Nous sommes ici aujourd’hui pour défendre la liberté d’expression face à un grand danger”, a-t-il annoncé aux journalistes. Selon lui, des entreprises comme Facebook ou Twitter “peuvent en toute impunité censurer, restreindre, monter, modeler, cacher et altérer toute forme de communication entre des citoyens”.

CNBC remarque que son initiative est “largement perçue par ses critiques comme des représailles contre Twitter”, pendant que TechCrunch parle de “guerre” et CNN d’“escalade spectaculaire”. Mardi, le site de microblogging a ajouté la mention “vérifiez les faits” à deux de ses tweets suggérant que le vote par correspondance générait de la fraude et des élections truquées. Il s’agissait d’une première pour Twitter, très vite accusé par M. Trump de “réduire au silence” les voix des conservateurs.

Le site Business Insider souligne que le décret “cite explicitement” l’incident. “Twitter décide désormais de manière sélective de placer un avertissement sur certains tweets reflétant clairement un biais politique”, dit le texte.

Pour The Verge, Donald Trump “engage une sale dispute avec Internet tout entier”. Le site spécialiste des nouvelles technologies évoque “une proposition extraordinairement ambitieuse, probablement la plus grande tentative de régulation des plateformes”. Cette proposition consiste à réinterpréter la section 230 du Communications Decency Act, “parfois appelée la loi la plus importante d’Internet”, précise The Verge.

Cette loi de 1996, poursuit le site, protège Twitter, Google, Facebook et d’autres de poursuites judiciaires relatives aux contenus publiés sur leurs plateformes et leur laisse une marge de manœuvre significative quant à la modération de ces mêmes plateformes.

L’administration Trump ne peut pas changer la législation toute seule, insiste toutefois USA Today. Une intervention du Congrès est nécessaire si l’on en croit de nombreux experts. Le décret a donc de grandes chances d’être attaqué en justice. “Mais qu’est-ce qui ne l’est pas ?” a commenté le pensionnaire de la Maison-Blanche.

Il est la cible d’une tribune acide dans le Washington Post. Le texte, signé par deux professeurs de droit, note par exemple que “comme d’habitude, Trump se trompe sur la loi, mais cette fois il se trompe encore plus que d’habitude”. Le président américain estime que Twitter trahit la liberté d’expression inscrite dans la Constitution. Or le premier amendement “s’applique au gouvernement, pas aux acteurs privés”, rappelle la tribune.

“L’ironie, c’est que Donald Trump est un grand bénéficiaire de la section 230”, mentionne l’Union américaine pour les libertés civiles, citée par CNBC. “Si les plateformes n’étaient pas protégées par la loi, elles ne prendraient pas le risque d’héberger le compte de Donald Trump et d’être tenues pour responsables de ses mensonges, diffamations et menaces.”

Le président américain va continuer à tweeter

Une tribune du site de NBC News invite à s’inquiéter. “Le président – n’importe quel président – ne devrait pas se servir de sa fonction et du gouvernement américain pour cibler les entreprises du secteur privé qu’il considère comme des ennemis politiques, dénonce le texte. La croisade dangereuse de Trump […] doit être décrite telle qu’elle est : tyrannique.”

Mais, d’après les experts interviewés par ABC News, cette réécriture de la section 230, un texte par ailleurs critiqué depuis des années autant par les démocrates que les républicains mais pour des raisons différentes, n’aura sans doute pas d’effet en fin de compte.

Tout cela ne serait donc que du “théâtre politique”, comme le confie la professeure de droit Kate Klonick à la radio NPR. Une analyse partagée par CNN. Donald Trump cherche juste à entretenir l’idée qu’“il existe une alliance de forces puissantes contre lui dans les médias et qu’il est la seule voix à laquelle ses partisans peuvent se fier”.

“Trump veut se bagarrer avec un grand nom de la technologie plutôt que mettre en place une politique”, confirme The Verge, voyant dans la séquence actuelle un moyen de faire oublier la crise sanitaire liée au coronavirus et montrer qu’il est “prêt à transformer les six prochains mois en campagne d’intimidation”. Le site se demande quel type de réponse offriront les plateformes concernées.

Et justement, Twitter n’a pas plié, avance le New York Times. Le quotidien signale que, mercredi soir, le réseau social a ajouté, comme pour Donald Trump, la mention “vérifiez les faits” à des messages d’un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, ainsi qu’une alerte sur des tweets propageant de fausses informations à propos du policier impliqué dans la mort d’un Afro-Américain à Minneapolis.

Mark Zuckerberg a, quant à lui, déclaré sur Fox News que “choisir de censurer une plateforme par crainte de la censure” ne lui paraissait pas “le meilleur réflexe”. Il a ajouté qu’à ses yeux Facebook et ses concurrents n’avaient pas à devenir “des arbitres de la vérité”. L’expression n’a pas plu à Jack Dorsey, le patron de Twitter.

Si l’initiative de Donald Trump a suscité de multiples critiques, elle a aussi été saluée par le sénateur républicain du Missouri Josh Hawley, rapporte Business Insider. L’ajout d’une mention à un tweet impliquerait une décision éditoriale et, à ce titre, Twitter ne serait plus un forum de discussion mais un média. Dès lors, la protection fournie par la section 230 ne se justifie plus, dit-il.

Pour régler le problème, le sénateur démocrate Chuck Schumer a proposé une solution simple au leader du monde libre : “Rendez-nous service et cessez de tweeter.” Mais Donald Trump n’envisage pas de quitter la plateforme, indique le New York Post. “Si nous avions une presse juste dans ce pays, je le ferais dans la seconde”, a-t-il assuré aux journalistes dans le Bureau ovale.

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