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Jours tranquilles à Paris
4 juin 2020

Commémorations : comment le Covid-19 fait les affaires de Pékin à Hongkong

tian

Par Anne-Sophie Labadie, correspondante à Hongkong — Libération

Le massacre de la place Tiananmen ne sera pas commémoré ce jeudi dans l’ex-colonie britannique, officiellement pour cause de coronavirus. Mais les militants pro-démocratie y voient une nouvelle preuve de la restriction des libertés par le régime chinois.

Pour la première fois en trente ans, la veillée aux bougies dans le parc Victoria, au cœur de Hongkong, n’aura pas lieu. Ce rassemblement annuel en hommage aux milliers de morts tombés sous les balles des soldats chinois dans la nuit du 3 au 4 juin 1989, place Tiananmen, est un baromètre politique. Plus l’inquiétude des Hongkongais devant la répression de Pékin sur leur région semi-autonome s’accentue, plus la mobilisation est importante : elle dépasse les 100 000 participants depuis 2007, selon les organisateurs. Mais cette année, le rassemblement a été interdit pour des raisons sanitaires liées au Covid-19 : les regroupements de plus de huit personnes sont bannis.

Pour les opposants, c’est une preuve supplémentaire des restrictions sans cesse plus fortes aux libertés d’opinion et d’expression, pourtant accordées en théorie jusqu’en 2047. C’est grâce à son statut spécifique que l’ex-colonie britannique peut commémorer la répression du Printemps de Pékin.

«J’avais 17 ans et j’allais embaucher le 4 juin 1989 quand j’ai vu à la télé ce qui se passait place Tiananmen, les corps ensanglantés, les étudiants évacués sur des civières, les canons des blindés. Je suis allé manifester au lieu d’aller travailler», se souvient Sam qui, chaque année, manifeste le 4 juin. En 1989, Hongkong était encore britannique et se préparait à la rétrocession. «C’était la première fois que nous voyions comment le régime communiste étouffait la moindre once de critique et réprimait la foule. Les gamins ne faisaient que réclamer l’ouverture de réformes démocratiques et ça été terrifiant de voir comment l’armée les a traités.»

Trente-et-un ans plus tard, ceux qui avaient assisté, horrifiés, au massacre, redoutent de subir un sort similaire, mais de manière insidieuse, sans les effusions de sang. L’Assemblée nationale populaire chinoise (ANP) a validé le 28 mai le principe d’une loi de «sûreté nationale» contre la trahison et les ingérences étrangères. Le texte criminalisera aussi tout acte ou action jugée «subversif». Le gouvernement assurait lundi que plus de 2,9 millions d’habitants avaient signé une pétition en faveur du texte.

«Faire la promotion de la démocratie ou réclamer la fin du régime à parti unique pourrait valoir la prison, ou un procès en Chine, suppose Richard Tsoi, secrétaire de l’Alliance de soutien aux mouvements patriotiques démocratiques de Chine, qui organise la veillée du 4 juin. Nous ne céderons pas à la peur et continuerons à préserver, sans nous autocensurer, ce pan d’histoire sur Tiananmen que le Parti communiste nie et veut effacer à jamais.»

A l’étranger, personne n’est dupe. «Il s’agit de bâillonner les Hongkongais et de les rendre similaires aux Chinois du continent. Voilà ce qu’il reste du principe "un pays, deux systèmes"», a twitté le secrétaire d’Etat américain, Mike Pompeo.

Les partisans de la démocratie entendent toutefois se faire entendre. A Hongkong, rendez-vous a été donné ce jeudi pour allumer des bougies un peu partout à 20 heures. Qui est également jour de vote de la très controversée loi sur l’hymne chinois.

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