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Jours tranquilles à Paris
8 juin 2020

Jean-Yves Le Drian à l’heure de la succession

le drian

Son maintien au gouvernement, les rumeurs sur Matignon, son poids en Bretagne... L’avenir politique de Jean-Yves Le Drian s’écrit en pointillés pendant que son dauphin poursuit sa stratégie d’autonomie.

Comme Brett Sinclair et Daniel Wilde dans la série « Amicalement vôtre », Jean-Yves Le Drian et Loïg Chesnais-Girard forment un duo aux styles bien opposés.

Petit-fils de docker et fils d’ouvriers lorientais, Jean-Yves - Danny - Le Drian porte en lui ce côté tête brûlée et hors-cadre de Wilde, prêt à jouer des poings au moindre coup de Trafalgar. Qui a déjà subi les foudres et les coups de gueule du menhir en sait quelque chose. Sa récente menace de démission du gouvernement, racontée par Le Canard Enchaîné, pour sauver les 300 emplois des Fonderies de Bretagne à Caudan (56) en est l’illustration. Même si, au final, ce coup à la Hulot a fait un peu pschitt suite aux déclarations du patron de Renault Jean-Dominique Sénard, qui n’a pas caché sa volonté de vendre l’usine.

Passage de témoin en 2017

Enfant de Trébeurden (22) ayant grandi à Liffré (35), après la séparation de ses parents, Loïg - Brett - Chesnais-Girard garde pour sa part le style poli et sage du banquier du Crédit Lyonnais qu’il était au début des années 2000. Une image qu’il s’efforce de « populariser », alors qu’il brigue la succession de Le Drian dans les urnes, en mars 2021, après avoir hérité de son fauteuil en 2017, au gré des virages politiques de son mentor. Profitant en 2019 de l’élection aux Européennes de son vice-président brestois Pierre Karleskind, le patron de l’exécutif régional s’est immédiatement autosaisi de son portefeuille à la mer. Et depuis, il multiplie les déplacements sur la pointe bretonne, ne manquant jamais d’envoyer une carte postale vidéo sur les réseaux sociaux le montrant au bord de la mer ou sur un chalutier. Son omniprésence sur le combat de l’ouverture des plages pour le déconfinement confirme cette stratégie. Occasion trop belle pour ce Breton de l’Est d’arroser son CV de quelques embruns.

Le cas pratique des écolos

Dans la manière de gérer un exécutif, Le Drian et Chesnais-Girard sont là encore bien différents. Par sa stature d’homme d’État et son parcours ministériel, le premier en imposait lorsqu’il était aux commandes de la Région. Pas besoin pour lui de gérer les contradictions d’une majorité : il avait étouffé les remuants écologistes avant même l’élection (2010 et 2015).

Ex-maire d’une petite ville, Chesnais-Girard, lui, est plus proche d’un François Hollande, homme de la synthèse avec lequel il lui arrive d’échanger. Au point même parfois de lui ressembler physiquement. Un côté « ancien monde » qu’il s’est toutefois appliqué à corriger en septembre dernier en rangeant de sages lunettes et optant pour une monture transparente façon Philippe Starck.

Comme chez Le Drian en son temps, les écologistes sont sans doute la plus grosse menace de défaite pour Chesnais-Girard. Mais osera-t-il le même bras d’honneur que son aîné ? Rien n’est moins sûr pour un homme qui ménage souvent la chèvre et le chou. Le psychodrame autour de la bande dessinée d’Inès Léraud sur le dossier des algues vertes en est un exemple. Mais sur ce point, c’est peut-être une question de génération… et d’époque.

L’agriculture pour frontière

Nourri au rêve de productivisme du Célib (*), Le Drian se place encore en fervent défenseur de la puissante agro-industrie. S’il ne peut faire sans le poids économique de la filière dans la région, Chesnais-Girard est plus nuancé dès que des considérations écologiques entrent en ligne de compte.

C’est d’ailleurs un sujet réel d’opposition - ou plutôt de vision du monde différente - entre les deux hommes aux trente ans d’écart, malgré une amitié réelle. Et sur lequel le quadragénaire ne demande jamais conseil à son prédécesseur lors d’échanges de moins en moins fréquents. Histoire de montrer à ses détracteurs que le « bleu » sait aussi s’affirmer. Même si on en a déjà eu la preuve. C’était en mai 2019.

Profitant d’un déplacement à Saint-Brieuc pour rencontrer les maires de Bretagne, Emmanuel Macron avait littéralement coincé Chesnais-Girard pour le contraindre à soutenir la liste Renaissance de LREM aux Européennes. Malgré l’insistance du président de la République et de Richard Ferrand, le président de Région avait tenu bon et appelait, un mois et demi plus tard, à soutenir les socialistes européens. Une fidélité à son parti qu’il n’a jamais trahie depuis. Cette année, pour les municipales, il soutient Nathalie Appéré à Rennes et François Cuillandre à Brest. Avec sans doute un succès à la clé pour eux, donc pour lui. Ce qui est loin d’être le cas pour Jean-Yves Le Drian, dont l’influence en Bretagne a pris un sérieux coup.

Une page se tourne

Il y a d’abord le Breizh Lab, son think tank, là encore aux racines célibiennes, qui devait réfléchir à l’avenir de la Bretagne et dont on a perdu trace avec le coronavirus. Il y a aussi et surtout son soutien à géométrie variable aux marcheurs Laurent Tonnerre, Marc Coatanéa et Carole Gandon à Lorient, Brest et Rennes pour les municipales. Avec les résultats - provisoires - que l’on connaît. Une page se tourne inexorablement, mais le chapitre suivant est encore à écrire…

* Le Comité d’étude et de liaison des intérêts bretons contribua à poser les bases d’un nouveau développement économique régional dès le début des années 50.

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