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Jours tranquilles à Paris
14 juin 2020

Coronavirus : au Chili, le ministre de la santé démissionne au plus fort de l’épidémie

Par Aude Villiers-Moriamé, Buenos Aires, correspondante

La gestion de Jaime Mañalich avait été vivement critiquée depuis le début de l’épidémie de Covid-19, qui s’accélère dans le pays. Dans la région de Santiago, près de 100 % des lits de réanimation et soins intensifs sont occupés.

« Je suis, en ce qui me concerne, parvenu à la conviction que cette nouvelle étape de lutte contre le coronavirus requiert un nouveau leadership. » Masque chirurgical sur le visage et drapeau chilien épinglé à la veste, Jaime Mañalich a officiellement annoncé sa démission du poste de ministre de la santé, samedi 13 juin, après plusieurs mois d’une gestion marquée par des hésitations et déclarations polémiques.

Cet ancien médecin de 66 ans, proche du président de droite Sebastián Piñera, dont il fut déjà le ministre de la santé lors de son premier mandat (2010-2014), était particulièrement critiqué par l’Ordre des médecins du Chili, qui lui reprochait de n’avoir pas agi à temps face à l’avancée de l’épidémie dans le pays. Le gouvernement, pariant sur une stratégie d’immunité collective, s’était en effet contenté, dans un premier temps, d’un confinement obligatoire ciblé, concernant quelques communes uniquement, alors que de nombreux professionnels de santé l’exhortaient à étendre la mesure à toute la région de Santiago, qui concentre 7,5 des 18 millions d’habitants du Chili.

Une épidémie sous-estimée

Jaime Mañalich, qui a été radié de l’Ordre des médecins en 2015 pour manquements à l’éthique (une sanction annulée par la suite, le médecin spécialisé en néphrologie et épidémiologie ayant déjà quitté l’Ordre à ce moment-là), a semblé à plusieurs reprises sous-estimer la gravité de l’épidémie, allant jusqu’à s’interroger, le 21 mars : « Que se passerait-il si ce virus mutait vers une forme plus bénigne ? Que se passerait-il s’il mutait et se transformait en bon virus ? ».

M. Mañalich s’était également fait l’avocat de la stratégie de « Nouvelle normalité », invoquée dès la fin avril, alors que le pic de l’épidémie n’avait pas été atteint, par le gouvernement pour relancer l’activité économique du pays. « A mesure que les mesures s’assouplissent, les citoyens peuvent, en prenant toutes les précautions possibles, reprendre une vie un peu normale, plaidait l’ex-ministre, manger une empanada ou aller boire une bière, par exemple. » Des recommandations vite retirées, face à la nette augmentation du nombre de nouveaux cas au mois de mai, qui a contraint le gouvernement à prendre des mesures plus strictes.

Un confinement obligatoire de toute la région de Santiago a finalement été décrété à la mi-mai. Trop tard, selon l’Ordre des médecins et une partie de l’opposition. Le Chili traverse actuellement sa phase la plus grave de l’épidémie : dans la région de Santiago, la plus touchée par le coronavirus, 96 % des lits de réanimation et soins intensifs sont occupés, selon la société chilienne de médecine intensive. Plus de 167 000 cas positifs ont été recensés dans le pays au 13 juin, ce qui représente un taux de contagion parmi les plus élevés au monde, même s’il convient de signaler que le Chili a conduit jusqu’ici davantage de tests que ses voisins, de l’ordre de 40 000 par million d’habitants, contre 5 000 en Argentine.

Polémique autour du nombre de décès liés au Covid-19

La démission du ministre intervient également alors qu’une polémique vient d’éclater au sujet de la comptabilisation du nombre de décès de coronavirus dans le pays. Le média en ligne d’investigation Ciper a révélé, samedi 13 juin, que le ministère de la santé chilien communiquait à l’Organisation mondiale de la santé (OMS) des chiffres nettement plus élevés que ceux annoncés publiquement lors de son bilan journalier. Ce bilan transmis à l’OMS, qui prendrait en compte des morts « suspectes ou attribuables au coronavirus », selon l’article du Ciper, fait état de 5 000 morts liés au Covid-19 dans le pays, contre 3 101 communiqués lors du point presse du ministère de la santé le 13 juin. Ce n’est pas la première polémique liée au décompte des décès qui tâche le mandat de Jaime Mañalich : mi-avril, ce dernier avait affirmé, à tort, que les Chiliens morts du Covid-19 étaient comptabilisés parmi les chiffres de guérison car ils ne « contaminaient plus ». L’erreur de communication fut corrigée quelques jours plus tard, mais le mal était fait, l’information avait déjà circulé dans les médias nationaux et internationaux, provoquant surprise et indignation.

Jaime Mañalich a été qualifié par le président Sebastián Piñera de « grand serviteur public qui a mis la santé des Chiliens au-dessus de tous ses intérêts légitimes et n’a lésiné sur aucun sacrifice ». Il a été remplacé au pied levé par Enrique Paris, 71 ans. Lui aussi médecin de formation et proche du président Sebastian Piñera, cet ancien président de l’Ordre des médecins a déclaré se trouver « face à un défi qui [le] préoccupe » et appelé « au dialogue et à la coopération », dans une société toujours marquée par le mouvement social contre les inégalités initié au mois d’octobre 2019 et par une forte défiance envers les institutions politiques.

La nomination de M. Paris a été saluée par les professionnels de santé. « Le nouveau ministre de la santé, le Dr Enrique Paris, fait face à l’immense défi de modifier profondément la stratégie sanitaire, de la transformer en une stratégie de collaboration, de transparence, avec des mesures concrètes pour interrompre la chaîne de contagion [du coronavirus], a publié sur Twitter la présidente de l’Ordre des médecins Izkia Siches, ce samedi 13 juin, pour mener à bien cette tâche, vous pouvez compter sur la complète disposition de l’Ordre des médecins. »

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