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Jours tranquilles à Paris
23 juin 2020

Comment la Chine vend les « organes halal » de ses prisonniers Ouïghours aux riches

coeur humain

Enfermées dans des camps d'internement, les minorités musulmanes chinoises serviraient de banque à organes. Des organes appelés "halal" prélevés de force et revendus à prix d'or dans les pays du Golfe.

Par Justine Reix ; illustrations Benjamin Tejero

ILLUSTRATION DE BENJAMIN TEJERO

Il ne fait pas bon être d'une autre ethnie que les Han, la majoritaire, en Chine. Depuis de nombreuses années, les minorités religieuses sont persécutées en Chine. Musulmans, catholiques, Tibétains ou encore Falung gong sont considérés comme des ennemis de l'État de par leurs croyances. En 2014, des camps d'internement ont été construits dans la province autonome du Xinjiang, dans le nord-ouest de la Chine. Le but étant d'y enfermer des centaines de milliers de musulmans Ouïghours, Kirghiz, Hui et Kazakhs. Selon Amnesty International, un million de Ouïghours seraient actuellement détenus sans procès, ni raison particulière. Mais en plus de travail forcé dans ces camps, les organes des détenus seraient prélevés pour être revendus.

Après avoir longtemps nié l'existence de ces camps, la Chine a fini par les reconnaître officiellement, en octobre 2018, sous le nom de « camps de transformation par l'éducation». Certains n'en sortent jamais. Selon bon nombre d'enquêteurs la raison de ces disparitions serait simple : ils seraient tués pour leurs organes.

Depuis 2016, le gouvernement chinois a lancé une vaste campagne de bilan médical dans la région autonome du Xinjiang. Des tests uniquement obligatoires pour ses habitants Ouïghours âgés de 12 à 65 ans. Dans la batterie de tests proposés, du sang est prélevé mais aussi des examens échographiques sont parfois réalisés. Ces derniers permettent de visualiser la taille, la forme et la structure interne d'un organe. Des bilans médicaux douteux que la Chine n'a jamais cherché à justifier.

Pour beaucoup, cela ne fait aucun doute, ces tests permettent de récolter une base de données de futurs donneurs. Le journaliste d'investigation américain, Ethan Gutmann, a travaillé pendant plusieurs années sur les prélèvements d'organes en Chine. Pour lui, il est évident que la Chine tente de garder un œil sur les minorités ethniques à travers ces contrôles médicaux : « Tous les rescapés de camps que j'ai pu interviewer, qu'ils soient Ouïghours, Kazakh, Kyrgyz ou Hui, ont eu des prélèvements sanguins tous les mois. On pourrait se dire que c'est pour éviter des maladies infectieuses mais ce n'est pas possible puisque les Chinois Han représentent plus de la moitié de la population dans le Xinjiang et pourtant ils ne sont pas testés. Ces bilans permettent donc de les surveiller et de potentiellement les repérer pour des prélèvements d'organes. » Grâce à ces tests, le gouvernement peut donc connaître et collecter le groupe sanguin des Ouïghours ainsi que l'état de leurs organes.

La Chine fait partie des pays où le temps d'attente pour une greffe est le moins long. Pourtant dans la culture chinoise, il est important de garder intact le corps après la mort et donc ne pas faire don de ses organes. Alors que les dons d'organes ne sont pas monnaie courante, les donneurs sont pourtant toujours disponibles. Comment la Chine obtient-elle tous ces organes ? L'attente se compte souvent en jours et parfois en semaines. Alors que pour beaucoup de pays, il faut parfois attendre plusieurs mois voire années. Aux États-Unis, il faut en moyenne 3,6 ans pour obtenir une greffe alors que 145 millions de personnes sont enregistrées donneurs d'organes. En Chine, il faut environ 12 jours seulement pour la même demande alors que 373 536 personnes sont enregistrées donneurs d'organes. Certaines personnes apprennent même à l'avance la date exacte de la transplantation. En d'autres termes, les hôpitaux connaissent à l'avance les dates des décès des patients.

Les prélèvements d'organes ne sont pas nouveaux en Chine. Durant de nombreuses années, le pays a prélevé sur des condamnés à mort avant d'annoncer à la communauté internationale en 2015 la fin de cette pratique.

Enver Tohti, un ancien médecin ouïghour, a assisté et participé à des prélèvements d'organes sur des condamnés à mort en 1995. Il a, depuis, fui la Chine. Son chef de service lui a ordonné à l'époque de prélever des organes sur un condamné à mort. « On attendait les coups de feu pour sortir du véhicule dans lequel les autres médecins et moi étions. Il y avait plein de cadavres allongés par terre. Mon chef m'a ordonné de retirer un foie et un rein. Alors c'est ce que j'ai fait », raconte l'intéressé. Sauf que ce condamné à mort était encore en vie. Lorsque Enver Tohti a commencé à opérer l'homme, du sang a jailli, preuve que son coeur battait toujours. « Il a gesticulé. Son corps essayait de lutter mais il était trop faible pour résister. Il n'était pas mort et je lui ai quand même retiré son foie et son rein. Mon chef a récupéré les organes et m'a dit de tout oublier. » Les condamnés à mort ont longtemps servi de banques à organes et rien ne prouve que cette pratique s'est vraiment arrêtée en 2015.

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