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Jours tranquilles à Paris
29 juin 2020

Municipales 2020 : une vague verte historique déferle sur les grandes villes françaises

Par Abel Mestre - Le Monde

En gagnant à Lyon, Bordeaux, Strasbourg, Poitiers ou Grenoble, et en participant à la victoire à Paris ou Marseille, les écologistes s’imposent comme une force politique de premier plan.

C’est une bascule historique. Europe Ecologie-Les Verts (EELV) n’est plus le même parti après le second tour des élections municipales, le 28 juin. Petite structure de quatre salariés, sans député à l’Assemblée nationale, EELV a ravi plusieurs grandes villes, devenant ainsi une force majeure de l’opposition au président de la République Emmanuel Macron. Les écologistes gagnent – seuls ou à la tête de coalitions – des communes comme Lyon, Bordeaux, Strasbourg, Poitiers, Besançon, Annecy ou encore Colombes (Hauts-de-Seine).

Ils gardent Grenoble et participent à la victoire à Paris, Montpellier ou encore à Marseille où la situation reste encore un peu floue pour le « troisième tour », l’élection du maire par les conseillers municipaux. Toutes ces villes devront être les vitrines de cette écologie politique qui est entrée dans sa phase de maturité, qui n’a plus peur de dire qu’elle veut le pouvoir et l’exercer.

« Cela ressemble aux municipales de 1977 [gagnées par la gauche et qui préfiguraient la victoire de François Mitterrand en 1981]. Malgré les coalitions anti-climat, malgré les insultes dans la campagne, les maires écologistes sont réélus et de nouvelles victoires permettent à l’écologie de s’ancrer durablement dans les territoires, dans de nombreuses villes et grandes métropoles. Mais aussi dans de nombreux villages et quartiers populaires, sur lesquels l’attention se porte moins : Schiltigheim [Bas-Rhin], Bègles [Gironde], Arcueil [Val-de-Marne]… », se félicite Julien Bayou, secrétaire national d’EELV.

« Un tournant politique pour notre pays »

Yannick Jadot, député européen et homme fort des Verts, abonde : « C’est un tournant politique pour notre pays. Le paysage se recompose autour de l’écologie, d’un projet riche. C’est une réaction à l’impuissance et aux non-choix du gouvernement sur les questions écologiques et sociales, à la verticalité de son pouvoir. »

Malgré une abstention record, cette vague verte était pressentie après les bons résultats du premier tour des élections municipales le 15 mars. L’interruption due à l’épidémie du coronavirus et le confinement auraient pu casser l’élan écologiste. Il n’en a rien été, au contraire.

« La grille de lecture de l’épidémie s’est faite autour de l’écologie, avec les questionnements autour de nos modes de vie et de consommation qui mettent à trop rudes épreuves nos écosystèmes », décrypte Jérôme Fourquet, directeur du département opinion de l’IFOP et coauteur avec Marie Gariazzo, Gaspard Jaboulay, François Kraus et Sarah Wolber du livre En immersion, enquête sur une société confinée (Seuil). Il ajoute : « Le confinement a été un accélérateur. Les gens demandent du localisme, une baisse de la consommation frénétique. Cette période a renforcé les thèmes d’EELV. »

L’aboutissement d’un chemin politique et stratégique

Ces résultats sont aussi l’aboutissement d’un chemin politique et stratégique, entamé après l’élection présidentielle de 2017 où le candidat écologiste, Yannick Jadot, s’était retiré au profit de Benoît Hamon. Avaient suivi des législatives calamiteuses. Au creux de la vague, EELV avait, sous la direction de David Cormand, alors patron des Verts, suivi M. Jadot dans sa volonté d’autonomie en présentant une liste EELV aux élections européennes. Les écologistes avaient créé la surprise avec 13,5 % des voix et une troisième position derrière le Rassemblement national (RN) et La République en marche (LRM). Cette année, il s’agissait de confirmer et d’amplifier ce mouvement. C’est chose faite dimanche soir. « On a fait un travail de respectabilité, on n’a pas transigé avec le fond », se félicite un membre de la direction.

« On sort de nos zones de confort, on est capable de gagner dans des fiefs de gauche comme à Poitiers, mais aussi d’être la force propulsive pour battre LR et LRM comme à Bordeaux ou Lyon, note David Cormand. On devient une valeur refuge pour les électeurs En Marche ! qui ont rompu avec Macron, mais aussi pour un électorat de gauche qui voit que le récit social-démocrate classique est obsolète, intenable. Notre récit prend le pas sur la gauche productiviste. »

Car les résultats de dimanche rebattent les cartes à gauche. Le Parti communiste durablement affaibli par de nombreuses pertes de bastions (Saint-Denis, Aubervilliers, Choisy-le-Roi, Champigny-sur-Marne en banlieue parisienne, mais aussi Arles ou encore Saint-Pierre-des-Corps en Indre-et-Loire) et la quasi-absence de La France insoumise lors de ce scrutin laissent les écolos en tête-à-tête avec le Parti socialiste. Avec la razzia verte, une inversion du rapport de force est en train de se mettre en place. Les écologistes devenant la force principale, non pas par le poids de leur appareil, mais en imposant leurs thèmes.

« La question n’est pas celle de la concurrence avec le PS, confirme M. Jadot. L’alternance se fait autour de l’écologie. Là où l’on gagne, c’est avec des rassemblements larges, avec des projets qui ont trois pieds, l’écologie, la solidarité et la démocratie. Notre responsabilité est de rassembler autour de ce projet. » En clair : pas question pour EELV de chercher à être hégémonique et à froisser les camarades socialistes. L’élection municipale de cette année a pu ainsi être une sorte de répétition générale ayant permis de tester la formule gagnante puisque les Verts ont été à la tête de nombreuses coalitions, le PS acceptant de se retrouver derrière EELV. Un tel schéma pourrait très facilement se décliner lors de la présidentielle de 2022 avec un candidat écologiste soutenu par le PS.

« Le projet est plus important que les personnes »

Pour Sandra Regol, numéro deux d’EELV, il y a, en tout cas, de quoi espérer : « Le clivage politique se fait désormais autour du paradigme écologiste. Le projet est plus important que les personnes. Ce qui a gagné le 28 juin, ce sont des listes qui travaillent transversalement, avec les citoyens. Il y a une volonté de changement, c’est plus large qu’EELV. » Julien Bayou résume : « C’est l’écologie qui a le leadership, pas EELV. »

La position de force des écologistes et de leurs thèmes va également avoir des conséquences sur la politique du gouvernement. Dès l’annonce des résultats, les ténors Verts en ont profité pour demander à l’exécutif de transcrire en acte les propositions de la convention citoyenne pour le climat. L’Elysée a fait savoir que le chef de l’Etat apporterait des « réponses fortes » et « à la hauteur des enjeux et des attentes » en recevant lundi 29 juin les membres de la convention.

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