Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Jours tranquilles à Paris
30 juin 2020

Le lent redémarrage des salles de cinéma

cinema33

Par Clarisse Fabre

Une semaine après la réouverture, le moral des exploitants oscille entre soulagement et inquiétude car tous les publics ne sont pas au rendez-vous. Faute de productions américaines, les films français bénéficient, eux, d’un espace inédit.

Dire que les chiffres d’entrées en salle sont bons serait malhonnête. Mais crier à la catastrophe serait excessif. Une semaine après la réouverture des cinémas en France, lundi 22 juin, le moral des exploitants oscille entre soulagement et inquiétude. Après plus de trois mois de fermeture (depuis le 14 mars) en raison de l’épidémie de coronavirus, 90 % du parc de salles (sur un total de 6 000 écrans) a pu rouvrir et accueille à nouveau des spectateurs. Mais tous les publics ne sont pas au rendez-vous.

Selon le bureau d’études Rentrak Comscore – lequel collecte les entrées en salle quotidiennement, pour les commercialiser ensuite auprès des distributeurs –, environ 870 000 entrées ont été comptabilisées du lundi 22 juin au dimanche soir 28 juin. Ce chiffre n’englobe pas, toutefois, l’ensemble des établissements qui ont rouvert, et les professionnels estiment qu’en réalité près d’un million de tickets ont été vendus en sept jours.

Le pari de la reprise de films sortis en salle le 11 mars, juste avant le confinement, semble porter ses fruits : La Bonne épouse, de Martin Provost, a réalisé 125 217 entrées depuis le 22 juin, lesquelles s’ajoutent aux 171 000 précédemment comptabilisées ; de même, De Gaulle, de Gabriel Le Bomin, a séduit 96 030 spectateurs supplémentaires la semaine passée. En revanche, le film Disney En avant, sorti le 4 mars, qui avait bien démarré avec près de 500 000 entrées avant le confinement, n’a généré « que » 55 534 entrées depuis la reprise. Nouveau à l’affiche, L’Ombre de Staline de Agnieszka Holland ne s’en tire pas trop mal avec 66 927 entrées.

Richard Patry, président de la Fédération nationale des cinémas français (FNCF), qui rassemble la totalité des salles, veut rester positif : « Ce que je vois, depuis le lundi 22 juin, c’est qu’un million de spectateurs – et plutôt un public d’habitués – sont revenus en salle alors qu’il y a très peu de nouveaux films à l’affiche. A présent, il faut reconquérir le public occasionnel ou familial. Mais la déprogrammation des films américains n’est pas une bonne nouvelle », reconnaît le patron de la FNCF.

« Nous restons optimistes »

Initialement fixée au 22 juillet, la sortie de Tenet de Christopher Nolan est désormais reportée au 12 août – et la reprise de Inception (2010) du même réalisateur est prévue le 29 juillet. Mulan de Disney attendra le 19 août et aux dernières nouvelles, Bob l’éponge - le film : éponge en eaux troubles, qui devait arriver sur les écrans fin juillet, va sortir en VOD en 2021.

Les circuits et leurs multiplexes, dont la fréquentation est tirée par les blockbusters, accusent le coup – quand on sait que les films américains représentent une part de marché de 55 % en France. « Tous les films qui portent notre fréquentation ne sont pas au rendez-vous. Alors que les Etats-Unis sont en pleine pandémie, et que des salles ont refermé en Chine, les productions qui ont une sortie mondiale, comme Tenet, préfèrent attendre. La France va devoir patienter comme les autres. Les chiffres ne sont pas bons, mais on a rouvert le 22 juin avec une température estivale, et de surcroît le jour où reprenait l’école. Nous restons optimistes : on sent que le public est heureux de revenir, et que les pratiques n’ont pas été bouleversées pendant le confinement », estime-t-on à la direction marketing du circuit CGR, qui a lancé une opération tarifaire jusqu’au 27 juillet à 5 euros pour tous les publics.

Sollicitée par Le Monde, la direction des cinémas Pathé-Gaumont estime qu’il est trop tôt pour tirer des analyses. L’été finira bien par se « parer » de nouveautés. Des comédies françaises sont attendues, Tout simplement noir de Jean-Pascal Zadi et John Wax, le 8 juillet, puis Divorce Club de Michaël Youn le 14 juillet. Ensuite arrivera sur les écrans le film d’animation belge Bigfoot Family de Ben Stassen et Jérémie Degruson, le 5 août.

Tapis rouge pour les distributeurs français

Du fait de leur programmation de films d’auteur, les « indépendants » semblent légèrement moins touchés que les gros circuits, du moins pour l’instant. La situation n’est pas la même dans ce multiplexe situé dans le Grand Est, dont le directeur pronostiquait ce dimanche qu’il allait « faire » 700 entrées au lieu des 3 500 habituelles, et dans une salle art et essai de la capitale, qui voit tout de même sa fréquentation chuter entre 40 % et 50 %.

« Je vais bien comme une exploitante qui a rouvert son cinéma avec plein de spectateurs. Lundi 22 juin, en soirée, on avait programmé Once Upon a Time... in Hollywood de Tarantino, en 35 millimètres. Il y avait une ferveur exceptionnelle », raconte Isabelle Gibbal-Hardy, la patronne du Grand Action, à Paris (5e arrondissement), lequel fait partie de l’association des Cinémas indépendants parisiens (CIP). « Aux exploitants qui disent avoir peur de manquer de nouveaux films, je réponds qu’il faut organiser des cycles : on a un patrimoine cinématographique tellement riche, c’est le moment de l’explorer ! », dit-elle.

Le président de l’Association française des salles d’art et essai (Afcace), François Aymé, trouve d’autres raisons d’espérer. « Certes, on est loin des chiffres du mois de juin des dernières années, avec 1,5 million d’entrées par semaine. Mais c’est en France que la réouverture des salles est la plus réussie, par rapport à l’Allemagne, les Pays-Bas ou le Mexique. En France, on dépend moins du marché américain, et on a rouvert les salles à l’échelle nationale, ce qui incite davantage les distributeurs à sortir des films », souligne le directeur du Jean-Eustache à Pessac (Gironde), près de Bordeaux.

C’est tapis rouge pour les distributeurs français. Il y a une place à occuper, plaide le patron de la FNCF, Richard Patry : « Je remercie les distributeurs qui sortent des films dans cette période. Aux autres, je dis ceci : les spectateurs ne viennent pas pour voir des salles. Il n’est pas trop tard pour sortir un film fin juillet. La moitié du marché est absente, soit les Américains. Les salles sont ouvertes, elles vous attendent ! »

Publicité
Commentaires
Publicité