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Jours tranquilles à Paris
7 juillet 2020

Gouvernement Castex : quelques surprises, une droite renforcée mais « pas de gros changement »

castex66

Par Cédric Pietralunga, Alexandre Lemarié

Eric Dupond-Moretti nommé à la justice et Roselyne Bachelot à la culture sont les seules véritables surprises d’un nouveau gouvernement qui consacre l’évolution du macronisme vers la droite.

Il avait promis de se « réinventer », de promouvoir « de nouveaux visages », et de donner une coloration plus sociale et écologique à la fin de son quinquennat. Mais au final, Emmanuel Macron n’a pas décidé de renverser la table.

Après avoir affirmé à plusieurs reprises qu’il ne changerait pas le fond de sa politique, puis avoir nommé Jean Castex à Matignon, un homme du centre droit, comme Edouard Philippe, la composition du gouvernement, présentée lundi 6 juillet, ressemble elle aussi à une forme de changement dans la continuité.

Alors que de « nombreuses surprises » étaient annoncées, la nouvelle équipe − composée de trente ministres et ministres délégués − enregistre peu de nouvelles prises. Lors d’une rencontre avec les parlementaires de la majorité, lundi soir, le nouveau premier ministre a lui-même reconnu qu’il n’y avait « pas de gros changement ».

« Dupond-Moretti, c’est le choix paillettes »

Les principales surprises sont l’arrivée de l’ex-ministre de la santé, Roselyne Bachelot, à la culture, et de l’avocat médiatique et souvent en butte avec la magistrature, Eric Dupond-Moretti, à la justice. Deux figures connues du grand public, destinées à donner du clinquant à l’exécutif, parfois jugé trop terne, trop « techno ». « Dupond-Moretti, c’est le choix paillettes du président », concède un intime du chef de l’Etat.

Autre enseignement : la promotion de Gérald Darmanin à l’intérieur, en remplacement de Christophe Castaner, qui avait perdu la confiance des forces de l’ordre. Un choix qui confirme la place de premier plan occupée par le maire de Tourcoing (Nord) au sein de la Macronie, après avoir réussi un sans-faute au budget et avoir été réélu au premier tour des municipales. « Darmanin a donné des gages. Il est loyal vis-à-vis du président et méritait cette promotion », justifie un conseiller du chef de l’Etat. Un choix qui étonne néanmoins au sein de la majorité, où l’on souligne que ce transfuge de la droite reste proche de Nicolas Sarkozy et de Xavier Bertrand, un potentiel rival de M. Macron pour la présidentielle de 2022.

Parmi les huit entrants figurent également la députée La République en marche (LRM) de la Somme, Barbara Pompili, qui devient ministre de la transition écologique et gagne le logement. L’ex-secrétaire d’Etat sous François Hollande aura la lourde responsabilité d’incarner le volontarisme vert de M. Macron, après le départ de Nicolas Hulot en 2018 et le passage jugé trop effacé de sa prédécesseure, Elisabeth Borne, qui avait succédé à François de Rugy. Le député (ex-LRM) de Maine-et-Loire Matthieu Orphelin, proche de Nicolas Hulot, l’exhorte à « tenir bon pour traduire sans filtre les 146 engagements de la convention citoyenne et pour gagner de beaux arbitrages budgétaires ».

Les grands équilibres restent inchangés

Au-delà de ces nouveautés, les grands équilibres restent inchangés. Neuf ministres conservent leur portefeuille, parfois avec des ajustements.

Parmi les poids lourds, Bruno Le Maire garde Bercy, en élargissant son périmètre (économie, finances) à la relance. Pas de mouvement non plus pour Jean-Yves Le Drian (Quai d’Orsay), Florence Parly (défense), Olivier Véran (solidarités et santé), ou encore Jean-Michel Blanquer (éducation, jeunesse et sports). Pour le reste, ce remaniement consiste essentiellement à des changements de portefeuille. Julien Denormandie prend ainsi l’agriculture, laissant le logement à Emmanuelle Wargon. Autre exemple : Sébastien Lecornu passe des collectivités territoriales à l’outre-mer.

Une absence de nouveautés qui peut s’expliquer par la volonté d’avoir des ministres capables « d’entrer en action tout de suite », comme l’a souhaité M. Castex, la veille. « Ce gouvernement affiche une forme de normalisation, il ressemble davantage à la France, il est très hétérogène, très composite », vante l’Elysée.

Mais ce nouvel exécutif fait aussi tiquer au sein de la Macronie. « Ce n’est qu’un jeu de chaises musicales. Pas sûr qu’on soit en train de se réinventer juste avec Bachelot et Dupond-Moretti », peste un cadre de LRM.

L’aile gauche de la majorité s’interroge notamment sur le poids pris par les ministres venus de la droite. Roselyne Bachelot et Brigitte Klinkert, ex-Les Républicains (LR) elle aussi, viennent s’ajouter à Bruno Le Maire, Gérald Darmanin, Sébastien Lecornu, Franck Riester et Amélie de Montchalin, déjà présents. Sans compter le chef du gouvernement, issu lui aussi de LR. En face, les éléments issus de la gauche − Jean-Yves Le Drian, Florence Parly, Barbara Pompili, Olivier Dussopt ou Brigitte Bourguignon − sont moins nombreux à occuper des postes clés.

« La droite tient les rênes »

Matignon, Beauvau, Bercy… « La droite tient les rênes. La gauche est sur les accessoires et les ministres délégués », grimace un fidèle du chef de l’Etat, qui pointe les départs de Christophe Castaner, Didier Guillaume, Sibeth Ndiaye et Nicole Belloubet, tous ex-socialistes.

« Ce n’est pas un remaniement mais un reniement. Celui des valeurs fondatrices d’En Marche ! et du dépassement politique », s’emporte un cadre de la majorité. « La droite paraît renforcée. Il va pourtant falloir tenir compte du résultat des municipales, avec la poussée de la gauche et des écologistes », prévient la députée (LRM) des Bouches-du-Rhône Claire Pitollat. Certains de ses collègues pointent un gouvernement « giscardo-sarkozyste » et l’évolution de LRM vers un parti de centre droit, ressemblant à l’UDF.

La veille du remaniement, l’Elysée décrivait pourtant un chef de l’Etat « toujours dans l’esprit du “en même temps” », désireux de « continuer à travailler au dépassement politique ». « La poutre va continuer à travailler des deux côtés », assurait un conseiller, promettant des « surprises » venues de la gauche. Certaines personnalités ont bien été approchées mais ont refusé les offres de l’exécutif, comme la présidente du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, Valérie Rabault, ou l’écologiste Laurence Tubiana.

Sans surprise, l’Elysée se défend de tout parti pris. Au contraire, « ce gouvernement conforte le “en même temps” prôné par le président. Les grands ministères sont aux mains de marcheurs de la première heure, Le Drian, Véran, Le Maire, Blanquer, le directeur de cabinet de Matignon vient de la gauche… », énumère un proche de M. Macron. De même, pas question de voir dans le nouvel exécutif l’ombre de Nicolas Sarkozy, comme accusent certains macronistes. « Péchenard, Fontenoy, Bazin n’ont pas été nommés, contrairement à ce que certains disaient, c’est la preuve que Sarkozy n’impose rien », assure un conseiller.

Les historiques de la campagne de 2017 ne sont pas reconduits

En ne reconduisant pas Christophe Castaner à Beauvau ni Sibeth Ndiaye au porte-parolat, M. Macron coupe aussi les ponts avec les historiques de sa campagne de 2017.

Sibeth Ndiaye « a eu de belles propositions pour continuer dans ce gouvernement mais elle a pris la décision d’arrêter », indique son entourage, évoquant « un choix personnel ». Outre Gabriel Attal, qui la remplace, seuls Julien Denormandie et Marlène Schiappa sont pour l’instant sauvés par le président.

« C’est la fin de l’aventure initiale », regrette un macroniste historique. « Christophe Castaner et Sibeth Ndiaye sont les deux grands brûlés du remaniement », concède un habitué de l’Elysée. Le premier conseil des ministres du nouveau gouvernement aura lieu mardi, avant l’annonce de la dizaine de secrétaires d’Etat, qui viendront compléter l’équipe, dans les prochains jours.

En attendant, ce nouveau casting consacre d’ores et déjà la prééminence de M. Macron. Alors qu’il avait dans un premier temps prévu de prononcer sa déclaration de politique générale devant l’Assemblée nationale dès le milieu de cette semaine, M. Castex devra finalement attendre que le chef de l’Etat s’exprime le 14 juillet.

En juillet 2017, ce dernier avait procédé de la même manière avec Edouard Philippe. Il avait déjà tracé les grandes lignes de son quinquennat devant le Parlement réuni en Congrès, à Versailles, à la veille du discours de son premier ministre.

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