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Jours tranquilles à Paris
11 juillet 2020

En dépit des menaces de représailles, l’Australie ne veut rien céder à la Chine sur Hongkong

Par Isabelle Dellerba, Sydney, correspondance

L’Australie a annoncé, jeudi, la suspension de son traité d’extradition avec Hongkong, et l’extension des visas des Hongkongais vivant sur son territoire.

Confrontée à une dégradation rapide de sa relation avec la Chine, l’Australie a défini une stratégie qui tient en trois mots : ne rien céder. Jeudi 9 juillet, ignorant les mises en garde de Pékin qui lui avait intimé de « ne pas s’aventurer davantage sur la mauvaise voie » en se mêlant du dossier hongkongais, le premier ministre conservateur Scott Morrison a pris des mesures pour répondre au « changement fondamental de la situation » dans l’ex-colonie britannique de Hongkong. Fin juin, le régime communiste avait imposé, à sa région administrative spéciale, l’adoption d’une nouvelle loi sur la sécurité.

Parce que cette législation, « à notre avis, sape la propre loi fondamentale de Hongkong et le haut degré d’autonomie garanti dans la déclaration conjointe sino-britannique » – qui avait établi le principe « un pays, deux systèmes » jusqu’en 2047 –, le chef du gouvernement australien a annoncé que son pays suspendait son traité d’extradition avec Hongkong et proposait un refuge à des milliers de Hongkongais en prolongeant de cinq ans la durée des visas accordés aux étudiants et aux travailleurs qualifiés.

Dix mille personnes, vivant déjà « down under », bénéficieront immédiatement de cette décision qui leur permettra, à terme, de déposer une demande de nationalité. Canberra a emboîté le pas au Royaume-Uni, qui avait offert, début juillet, un permis de résidence à trois millions de personnes. En parallèle, l’Australie va faciliter l’installation d’entreprises, actuellement domiciliées sur le territoire de Hongkong, sur l’île-continent. Par contre, elle n’a pas proposé, comme le réclamaient des organisations de défense des droits de l’homme, un programme de protection humanitaire qui aurait eu une cible plus large.

Dans les heures qui ont suivi ces annonces, le porte-parole de l’ambassade de Chine à Canberra a fustigé les responsables australiens. « Ils ont manifestement interféré dans les affaires intérieures de la Chine en faisant des remarques irresponsables », a-t-il déclaré avant d’ajouter que l’Australie devait arrêter « immédiatement » faute de quoi « elle se tirerait une balle dans le pied ».

La Chine considérée comme toujours plus menaçante

Anticipant de possibles mesures de représailles, le gouvernement de Scott Morrison avait, depuis plusieurs jours, mis en garde ses ressortissants installés en Chine et à Hongkong, contre « un risque accru de détention pour des motifs de sécurité nationale vaguement définis ». « Evidemment, ces décisions ne vont pas contribuer à apaiser les tensions mais la relation était déjà tellement dégradée que cela ne devrait pas changer grand-chose », lâche Rory Medcalf, directeur du National Security College.

Les deux pays sont à couteaux tirés depuis que, à la mi-avril, l’Australie a pris l’initiative de demander l’ouverture d’une enquête internationale sur l’origine et la propagation de la pandémie de Covid-19. Accusant Canberra de faire le jeu des Etats-Unis, Pékin a multiplié les insultes et les mesures de rétorsion économiques : restriction des importations de bœuf australien, droits de douanes de 80,5 % sur l’orge, conseil à ses touristes et étudiants de ne pas se rendre aux antipodes. Pour l’île-continent, qui envoie 32,6 % de ses exportations vers la Chine, son premier partenaire commercial, le coup a été rude mais pas fatal. Elle estime que Pékin peut difficilement toucher à son secteur d’exportation le plus lucratif – le minerai de fer – faute d’alternative.

Quoi qu’il arrive, le gouvernement conservateur a surtout décidé de ne pas plier face à un empire du Milieu considéré comme toujours plus menaçant. Selon les observateurs, l’Australie se méfie autant de ses ambitions régionales qui débordent jusque dans son précarré, le Pacifique Sud, que de ses tentatives d’ingérences sur la scène politique locale.

Dernier incident en date, le 19 juin, quand Canberra s’est dit la cible d’une vaste cyberattaque d’un « acteur étatique ». Si elle n’a pas nommé la Chine, tous les regards se sont tournés vers Pékin. Quelques jours plus tard, le premier ministre Scott Morrison a annoncé que son pays allait investir 1,35 milliard de dollars australiens (826,2 millions d’euros) dans la cybersécurité.

« Compétition stratégique croissante »

Canberra a aussi entrepris de durcir sa législation sur les ingérences étrangères fin 2017, ce qui avait provoqué la première flambée des tensions avec la Chine. Ces nouvelles lois sont à l’origine d’une première enquête, portée à la connaissance du grand public le 26 juin, qui s’intéresse aux tentatives de manipulations qui auraient visé un élu local, Shaoquett Moselmane, connu pour avoir loué le « leadership à toute épreuve » du régime chinois dans la crise due au nouveau coronavirus. Il aurait, entre autres, été fréquemment invité en Chine, tous frais payés.

Enfin, l’Australie a dévoilé, le 1er juillet, un tournant majeur dans sa stratégie de défense. Estimant qu’elle doit désormais concentrer l’essentiel de ses forces dans la région indo-pacifique, « épicentre d’une compétition stratégique croissante » et où le « risque d’une erreur de calcul et même d’un conflit augmente », selon Scott Morrison, elle va développer des « capacités de dissuasion plus fortes » notamment en se dotant d’une capacité de frappe à longue portée.

Parallèlement, le pays, allié historique des Etats-Unis, continue de renforcer ses liens avec d’autres puissances moyennes régionales. Après la signature, début juin, de nouveaux accords de défense avec l’Inde, le premier ministre australien a rencontré, jeudi, au cours d’un sommet virtuel, son homologue japonais Shinzo Abe pour discuter d’un renforcement du partenariat des deux pays.

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