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Jours tranquilles à Paris
21 juillet 2020

Décryptages - Ces cinémas qui n’ont pas rouvert

cinema salle

Par Nicole Vulser

Faute de films porteurs qui leur assureraient une rentabilité, 10 % des salles de l’Hexagone ont gardé porte close depuis le 22 juin.

Entre cent et deux cents cinémas, répartis sur tout le territoire français ont gardé porte close malgré le feu vert donné à leur réouverture le 22 juin. Ils représentent près de 10 % du parc hexagonal. Pourquoi un tel choix ? Rentabilité insuffisante, offre cinématographique trop maigre pour attirer les foules, difficultés à recruter des bénévoles dans les salles associatives, période estivale de travaux ou de vacances annuelles… Les raisons s’avèrent multiples et souvent s’additionnent.

A Saint-Etienne, Paul-Marie Claret a coupé la poire en deux. Cet exploitant a ouvert les quatre salles du Méliès Jean Jaurès, mais pas les deux du Méliès Saint François, « qui me coûteraient trop cher », explique-t-il. Déjà, « il faudrait 3 000 spectateurs pour que le Jean Jaurès soit rentable, nous n’en sommes qu’à 1 230 par semaine », se désole -t-il.

Cette molle reprise de la fréquentation ne lui permet pas de faire face à ses frais fixes. « Pour la première fois, dit-il, j’ai dû imposer trois semaines de vacances à mes dix salariés ». Il a souscrit à un prêt garanti par l’Etat de 150 000 euros. Et encore, se console-t-il, « j’ai la chance d’être propriétaire des murs ». Paul-Marie Claret constate une concurrence plus exacerbée que jamais en termes de programmation avec les multiplexes. « Avec seulement neuf nouveaux films cette semaine, ils n’ont rien à se mettre sous la dent », dit-il.

LES BLOCKBUSTERS AMÉRICAINS VOIENT LEURS SORTIES MONDIALES SANS CESSE REPOUSSÉES POUR DES RAISONS SANITAIRES

La pénurie de films forts c’est bien le problème. « A Coulommiers [Seine-et-Marne], on ne peut pas tenir, faute de sorties. Hors de Paris, la fréquentation en salles peut s’écrouler de 80 %. Tout le monde attend Hollywood comme le Messie », lance Dragan Klisaric qui a fermé l’Hemisphère Theater. Pas de toile donc cet été dans la municipalité de l’ancien ministre de la culture Franck Riester.

Les blockbusters américains voient leurs sorties mondiales sans cesse repoussées pour des raisons sanitaires. Pas avant octobre pour Black Widow de Cate Shortland avec Scarlett Johansson, le dernierJames Bond de Cary Joji Fukunaga ou encore Trolls 2 pour les enfants. « S’il n’y a pas de deuxième vague du Covid, le dernier trimestre proposera une offre très riche, grâce aussi aux films populaires français comme Les Tuche 4. Mais pour l’instant, je préfère garder de la trésorerie et rouvrir quand le marché sera plus porteur », explique Dragan Klisaric. L’autre salle qu’il exploite, L’Epée de bois, à Paris, accueille en revanche du public. La baisse de fréquentation, jugulée à 20 %, est compensée par les aides de la mairie.

« 90 % des salles françaises sont ouvertes »

« 90 % des salles françaises sont ouvertes, mais tous les étés certains cinémas choisissent de fermer », tempère Marc-Olivier Sebbag, délégué général de la Fédération nationale des cinémas français (FNCF). Il ne cache pas que les trois premières semaines de reprise se sont avérées « très complexes » entre « une fréquentation très basse », avec un million de spectateurs par semaine (quatre fois moins qu’habituellement), « très peu de films inédits et une réduction très importante du nombre de séances ». La FNCF a d’ailleurs proposé vendredi 17 juillet au gouvernement un « plan d’urgence et de relance » des cinémas.

Marc-Olivier Sebbag note toutefois des indices positifs, comme la reconstitution progressive de l’offre de nouveaux films ou encore la présence massive du public dès que les salles organisent des avant-premières. A contrario, l’hypothèse du port du masque même pendant les séances pourrait encore rebuter les cinéphiles.

NOMBRE DE SALLES ASSOCIATIVES, QUI FONCTIONNENT GRÂCE À DES ÉQUIPES DE BÉNÉVOLES SOUVENT RETRAITÉS, N’OUVRIRONT PAS AVANT SEPTEMBRE

A Nantes, le plus important cinéma du centre-ville le Gaumont (douze écrans) n’a pas rouvert pour des raisons de sécurité, parce qu’un morceau de la verrière de la façade s’est brisée le 2 juin. Une expertise est en cours.

Même si la mairie incite Le Concorde (quatre écrans) à rester ouvert tout l’été, son exploitant Sylvain Clochard fermera boutique du 5 au 25 août comme chaque année, pour que ses six salariés prennent leurs vacances. Et aussi « parce que ce ne serait pas assez rentable », ajoute-t-il. Sans concurrence frontale, ses recettes ont fondu de plus de 30 % par rapport à 2019, l’obligeant à mettre son équipe au chômage partiel, une semaine par mois.

Fermer pour se refaire une beauté, c’est la stratégie d’une petite dizaine de cinémas qui profitent du creux de l’été pour effectuer des travaux de rénovation. C’est le cas par exemple des 7 Parnassiens ou de l’Escurial à Paris.

Enfin bon nombre de salles associatives, qui fonctionnent grâce à des équipes de bénévoles souvent retraités, n’ouvriront pas avant septembre. « Dès la mi-mars, plusieurs bénévoles nous ont dit qu’ils n’assureraient pas l’été », explique Nathalie Legrand, secrétaire du bureau du cinéma La Bobine à Pontchâteau (Loire-Atlantique). « De plus, avec les nouvelles règles sanitaires, personne n’avait envie de faire du ménage à 23 heures », ajoute-t-elle.

Au Celtic à Baud (Morbihan), François-Yves Burban président de l’association qui gère ce cinéma, lui-même confronté à des problèmes de santé, ne voulait pas faire peser des risques sanitaires inutiles aux bénévoles de plus de 65 ans. Mais surtout, lui aussi trouve que la pénurie de films est telle qu’il n’a pas lieu d’ouvrir. Plutôt pessimiste, il confie : « Bon nombre de mes collègues du Morbihan qui ont rouvert le 22 juin se demandent s’ils ne vont pas fermer ».

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