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Jours tranquilles à Paris
27 juillet 2020

Récit - Sous les pavés de Mai 68, la plage et la Méhari

Par Jean-Michel Normand

Sur la route des vacances – Bien valeureux ceux qui pourraient faire un Lille-Marseille à son bord, mais synonyme de soleil, de sable fin et de conduite en tongs, cette Citroën est « la » voiture dont on n’a pas besoin, mais dont tout le monde a envie !

Les Anglais plébiscitent la Mini Moke, les Américains le dune buggy, les Français, eux, votent des deux mains pour la Méhari. Au rayon bigarré des voitures de plage, cette curieuse automobile ouverte à tous les vents, qui continue de faire résonner son bruit de crécelle autour des pontons des stations balnéaires et des marchés de village, a marqué son territoire.

ELLE MÈNERA UNE DRÔLE DE DOUBLE CARRIÈRE MILITAIRE. EN VERSION 4 × 4, POUR L’ARMÉE FRANÇAISE, ET AU CINÉMA, DU CÔTÉ DE SAINT-TROPEZ, DANS LA SÉRIE DES « GENDARMES » AVEC LOUIS DE FUNÈS.

Au volant de cette Citroën spartiate, à conduire en sandales et bermuda, que l’on vit se multiplier dans les années 1960 et 1970, on ne part pas – heureusement ! – en vacances : on les vit. Taillée pour les chemins terreux et les bords de mer, elle ne se prend pas au sérieux, fait la joie des enfants et peut rendre tout un tas de services. Bref, c’est la bagnole que tout le monde voudrait pour sa maison de campagne.

N’en déplaise à son statut d’icône, la Citroën Méhari n’est pas le creuset fondateur de la voiture de plage. Avant elle, il y eut la méconnue Baby Brousse, créée en 1963 à Abidjan par des industriels français sur la base d’une 2 CV. Une étonnante et ingénieuse création qui ressemblait bien plus à un dromadaire que la Méhari, dont le nom désigne pourtant cet animal chez les Touareg.

En 1964, l’Austin Mini avait inspiré la Mini Moke, petit engin passe-partout issu d’un projet de véhicule tout-chemin abandonné par l’armée britannique. Ces pionnières ouvriront le chemin à la Méhari que Citroën dévoile en mai 1968, la veille de la grève générale. Autant dire dans une totale indifférence.

La banquette arrière, une option

Conçue sur le châssis de la Dyane, elle emprunte le modeste bicylindre à plat de l’Ami 6, les feux arrière du fourgon Type H et l’esprit rustique de la 2 CV. Nonobstant l’effet « tôle ondulée » sur ses flancs, la Méhari reçoit une carrosserie en plastique PVC. Un élément de pure modernité en cette fin des années 1960 et un atout pour une automobile qui ne craint ni la boue ni le sable. La banquette arrière est livrée en option (comme le pare-brise, elle est rabattable), les portières sont démontables, la capote claque joyeusement au vent et l’habitacle se lave à grande eau. Parfait pour aller aux champignons.

La Méhari n’est pas un caprice foldingue imaginé par une marque anticonformiste. Ce que subodore Citroën à travers ce modèle, c’est l’émergence de la société des loisirs. Nimbée d’un vague esprit soixante-huitard, la Méhari – la voiture dont on n’a pas besoin mais envie – fera le bonheur de familles aisées. Ce véhicule sans chichi mènera une drôle de double carrière militaire. En version 4 × 4, pour l’armée française qui en commandera 7 000 unités, et au cinéma, du côté de Saint-Tropez, dans la série des « Gendarmes » avec Louis de Funès.

Sa cote de popularité n’a jamais faibli. La série d’incendies volontaires dont elle fut victime à Paris pendant l’hiver 1973-1974 (soixante-trois véhicules détruits) plonge dans l’incrédulité. Produite à 145 000 exemplaires jusqu’en 1987, la Méhari aura eu pour seule rivale la Rodéo conçue par Renault en 1970 sur une base de 4L. Son style un peu gauche et son manque patent de joie de vivre ne lui permettront pas de rivaliser avec la Citroën.

D’autres voitures de plage, à la diffusion plus ou moins confidentielle, verront le jour dans le sillage de la Méhari. La Dallas, aux allures de fausse Jeep, fabriquée elle aussi sur une base de Renault 4 et commercialisée par l’ex-chanteur yéyé Frank Alamo. La charmante Fiat 500 Jolly signée Ghia, la jolie et méconnue Spartana de la marque roumaine Aro ou encore l’éphémère Fargo, conçue au début des années 2000 sous la marque De Frémond avec une mécanique de Peugeot 106.

La rationalisation poussée à l’extrème de l’industrie automobile, le renforcement des normes de sécurité et l’explosion des coûts engendrés par les petites séries ont finalement eu raison des voitures de plage, un genre qui n’a jamais pu être renouvelé. La preuve : aujourd’hui, la refabrication ex nihilo de Méhari – y compris en version électrique – est une activité en plein essor.

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