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Jours tranquilles à Paris
4 août 2020

Alan Parker, l’esthétique du cinéma à thème

Article de Jean-François Rauger

Le réalisateur britannique de « Midnight Express », récompensé à Cannes pour « Birdy », est mort le 31 juillet

DISPARITION

Il fit partie, avec les frères Scott (Ridley et Tony), Adrian Lyne ou bien Hugh Hudson, de ces réalisateurs anglais, parfois venus de la publicité et trop à l’étroit dans le système de production britannique, à qui Hollywood ouvrit ses portes à la fin des années 1970. C’est une génération qui contribua indiscutablement à donner son clinquant visuel, tout autant qu’une certaine manière, plutôt rustique, de travailler les affects du spectateur, à un cinéma qui voulait en finir avec une décennie de doutes et d’ambiguïté douloureuse. A la profondeur inquiète allait succéder un art, tout en surface, de la séduction immédiate et de la sentimentalité facile.

Alan Parker, dont les films rencontrèrent souvent le succès commercial, aura été l’un des plus évidents artisans de ce changement de perspective, quelqu’un qui aura parfois usé de la formule du « grand sujet moral » pour faire passer la pilule d’une imagerie « à la mode », à moins que ce ne soit l’inverse. Le cinéaste britannique est mort à Londres le 31 juillet des suites d’une longue maladie à l’âge de 76 ans.

Alan Parker est né à Islington, une banlieue ouvrière du nord de Londres, le 14 février 1944. D’origine modeste (sa mère est couturière, son père peintre en bâtiment) il fait ses études au Dame Alice Owen’s School. A l’âge de 18 ans, il rentre, comme garçon de courses, dans le milieu de la publicité espérant, dira-t-il au cours d’une interview en 1982, « que ce serait un bon moyen pour rencontrer des filles ». Il grimpe les échelons de l’industrie publicitaire et se met à écrire des scénarios pour des spots télévisés. Il rencontre, à l’agence Collett Dickenson & Pearce, le producteur David Puttnam qui lui mettra plus tard le pied à l’étrier de la réalisation de films pour le cinéma. En attendant, il passe de l’écriture à la mise en scène de publicités pour le petit écran. Certains de ses spots sont très remarqués et obtiennent des récompenses. En 1976, la BBC lui propose alors de réaliser The Evacuees, un drame de guerre situé à Manchester.

Son premier film pour le cinéma sera Bugsy Malone en 1976. Le concept est habile. Il s’agit d’une parodie du film de gangsters entièrement jouée par des enfants. On y découvre l’enfant prodige Jodie Foster dans un des rôles principaux. Le film, et surtout sa jeune actrice, est remarqué et sera pour Parker une voie royale pour s’introduire dans l’industrie hollywoodienne.

En 1978, Midnight Express rencontre un succès planétaire. Cette histoire, basée sur le récit de Billy Hayes, un jeune Américain passé par les geôles turques après avoir été arrêté pour trafic de drogue, comble la paranoïa d’un public adolescent mondial. Le scénario d’Oliver Stone et la musique de Giorgio Moroder constituent les instruments, peu regardants, d’une fiction complaisante quoique efficace. Stone et Moroder obtiendront tous deux un Oscar. A ce film succédera Fame, la peinture d’un groupe de jeunes élèves d’une école d’art dramatique dont le succès phénoménal engendrera même une série télévisée. The Wall, tourné en 1982, est une expérimentation filmique, un trip mental, mêlant prises de vues réelles et images animées, élaborée à partir d’un album des Pink Floyd.

Une forme d’authenticité

Dès lors, Parker enchaînera les films à thèmes indiscutables. Comme celui du retour des combattants du Vietnam traumatisés (Birdy, qui obtint le Grand Prix du jury au Festival de Cannes en 1985) ; le combat pour les droits civiques au début des années 1960 au cœur du Sud raciste des Etats-Unis vu à travers le regard de deux agents du FBI incarnés par Gene Hackman et Willem Dafoe (Mississippi Burning, en 1988) ; le sort de citoyens d’origine japonaise aux Etats-Unis après l’attaque de Pearl Harbor (Bienvenue au paradis, en 1990).

En 1987, il signe Angel Heart, adapté d’un roman de William Hjorstberg paru en France, dans la Série noire, sous le titre Le Sabbat à Central Park. Il s’agit d’un pastiche de film noir mettant en scène un détective new-yorkais (Mickey Rourke) à la recherche, au mitan des années 1950, d’un crooner disparu dont il découvrira qu’il n’est autre que lui-même. Son mystérieux commanditaire, le diable en personne, est incarné par un Robert De Niro portant catogan et ongles démesurément longs. L’imagerie du film noir y est passée à la moulinette d’une esthétique grandiloquente. L’épaisseur de la façon avec laquelle Parker aborde certains sujets, tout autant que ses choix dramaturgiques et ses idées (l’envol final du personnage principal de Birdy !) ont bien incarné le style d’une période durant laquelle un certain cinéma hollywoodien remplaçait toute nuance par une technique (publicitaire pour le coup) de la sensation pure et un mauvais goût qui, il faut bien le dire, ne passe guère les décennies.

Les Commitments, en 1991, est l’histoire de la formation d’un groupe de rock irlandais par de jeunes musiciens issus de la classe ouvrière. Parker semble tout à coup se tenir à distance des scénarios intimidants qu’il adorait tourner pour atteindre à une forme d’authenticité. Les Cendres d’Angela, en 1999, ne sera pourtant, ensuite, qu’un mélo social décoratif et La Vie de David Gale, en 2003, un retour au grand sujet (ici la peine de mort) maladroitement traité. Entre-temps, en 1996, il aura mis en scène pour le cinéma la comédie musicale Evita, biographie hagiographique d’Eva Peron avec Madonna dans le rôle-titre. On lui doit d’ailleurs la mise en scène de plusieurs clips de la chanteuse à la même époque.

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