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Jours tranquilles à Paris
16 août 2020

Géopolitique - Téhéran et Pékin main dans la main

HA’ARETZ (TEL-AVIV)

Un accord économique et militaire devrait voir le jour entre les deux pays. Il sauverait l’Iran de l’effondrement et imposerait la Chine comme nouvelle grande puissance au Moyen-Orient, estime ce quotidien israélien.

Les informations faisant état d’une négociation stratégique entre l’Iran et la Chine poussent certains à se dire qu’un accord permettrait peut-être de contourner les sanctions américaines contre la République islamique. D’autres imaginent qu’il pourrait transformer l’Iran en une puissance mondiale susceptible de faire de l’ombre à des économies du Moyen-Orient et de l’Asie de l’Est, ou, pire, de compromettre la surveillance de son programme nucléaire. Mais la conclusion d’un accord, si tant est qu’elle soit possible, reste un long processus.

D’après des rumeurs et des témoignages informels en Iran, l’accord prévoirait 400 milliards de dollars d’investissements sur vingt-cinq ans, principalement dans les transports, l’industrie, l’exploitation pétrolière, les télécommunications et la médecine.

Selon des estimations, l’Iran pourrait devenir un grand fabricant d’armes avec l’aide de la Chine et lui acheter des armements perfectionnés – notamment des avions de chasse, des navires et des sous-marins. Le gouvernement iranien ne communique aucune précision sur l’accord lui-même ou sa portée, mais le secret qui l’entoure éveille la suspicion des élus conservateurs au Parlement.

Ceux-ci ont exprimé leur crainte que le président, Hassan Rohani, ne cherche à faire de l’Iran une colonie chinoise, et ont rappelé que les accords signés avec la Russie au XIXe siècle avaient entraîné la cession de vastes territoires.

La crainte d’une mainmise sur le pétrole iranien

Les rumeurs qui circulent laissent entendre que l’Iran vendra des îles à la Chine dans le golfe Persique, y compris l’île de Kish. D’autres augurent que la Chine finira par dicter la politique étrangère iranienne et sera autorisée à poster 5 000 soldats sur son territoire afin de protéger les installations pétrolières qu’elle aura construites.

Mais la principale inquiétude est le risque que l’Iran hypothèque son pétrole pendant des décennies au bénéfice de la Chine, qui aurait ainsi accès à du pétrole bon marché et aurait la mainmise sur le secteur comme c’était le cas des Britanniques au XXe siècle.

Les conservateurs sont furieux que l’Iran signe des accords avec un pays qui opprime sa minorité musulmane, les Ouïgours, et que ces ententes soient ensuite mises sur le compte du talent de Hassan Rohani, renforçant ainsi les mouvements réformistes.

Le Président iranien a promis que le secret visait à empêcher que des pays ennemis ne détalent avec l’accord et publient son contenu avant que les détails ne soient finalisés. Les négociations relatives à ce pacte ont commencé en 2016, peu après la signature de l’accord sur le nucléaire iranien avec les grandes puissances. L’atmosphère à l’époque était optimiste, voire euphorique. Le marché iranien a suscité une concurrence qui a attiré des représentants de grands groupes du monde entier (outre des entreprises américaines). Des accords commerciaux ont été conclus à un rythme effréné.

Une année 2020 difficile pour Téhéran

Les journaux iraniens publiaient constamment des photos montrant des poignées de main. Les États-Unis ont rétabli l’accès à des milliards qui étaient gelés dans les banques et le cours pétrolier a permis de disposer de financements et de bénéfices considérables.

Or en 2020 l’Iran vit malgré tout l’une des pires crises de son histoire. Les États-Unis se sont retirés de l’accord sur le nucléaire et ont imposé de nouvelles sanctions. De grandes entreprises européennes se sont retirées de son marché, et même la Chine a radicalement réduit ses achats de pétrole iranien et interrompu certains investissements.

En juillet, le ministre des Affaires étrangères, Javad Zarif, a participé à des pourparlers avec de hauts responsables russes en vue de prolonger un accord stratégique conclu en 2011 et de renforcer cette coopération à hauteur de plusieurs dizaines de milliards de dollars.

Par les temps qui courent – la Chine est en pleine guerre économique avec les États-Unis, pendant que la Russie entrave l’Iran en Syrie, développe ses relations commerciales et militaires avec l’Égypte et l’Arabie Saoudite, et évince les États-Unis du Moyen-Orient –, les déclarations pompeuses entre l’Iran et la Russie évoquent plus des manœuvres politiques que des accords financiers.

Pas d’accord avec la présidentielle américaine

La Chine et la Russie misent peut-être sur le fait que Joe Biden entrera à la Maison-Blanche après l’élection de novembre. Le candidat démocrate a déjà annoncé qu’il réintégrerait l’accord sur le nucléaire. S’il est élu et tient son engagement, la Chine et la Russie auraient tout à y gagner.

Et si Trump est réélu et poursuit sa campagne contre la Chine ? Un accord entre Pékin et Téhéran donnerait des munitions supplémentaires à Trump et au raisonnement populiste qui motive son hostilité à l’égard des Chinois. Les objectifs de l’offensive menée par le président des États-Unis ne sont pas clairs, mais ils donnent déjà lieu à une guerre froide entre les deux pays.

Il est peu probable qu’un accord soit finalisé entre la Chine et l’Iran avant l’élection présidentielle américaine. Même s’il n’a pas de lien avec cette échéance, l’accord nécessitera de nombreux mois de négociation. On ignore par ailleurs qui sera élu président de l’Iran à l’issue de l’élection prévue en 2021.

Zvi Bar'el

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