Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Jours tranquilles à Paris
28 septembre 2020

INTERVIEW - «Le procès de "Charlie Hebdo" a provoqué un activisme accru dans la mouvance radicale»

Par Luc Mathieu — Libération

Pour le spécialiste du terrorisme Jean-Charles Brisard, «d’autres actes ciblés sur des personnes ou des lieux» sont à craindre dans «les semaines à venir».

Jean-Charles Brisard est le président du Centre d’analyse du terrorisme (CAT), un think tank spécialisé.

Comment qualifieriez-vous l’état de la menace en France ?

On a affaire à des individus extrêmement réactifs par rapport aux menaces émises par des organisations terroristes, type Aqpa (Al-Qaeda dans la péninsule Arabique, actif au Yémen). C’est lié au procès de Charlie Hebdo et aussi à la republication des caricatures. Cela a provoqué un activisme accru dans cette mouvance radicale, avec des individus de plus en plus désinhibés et qui multiplient, dans l’espace public, les provocations, les intimidations, et surtout les menaces depuis quelques semaines, voire quelques jours. On a vu ces menaces se développer lors du procès contre des victimes, des membres de Charlie Hebdo et leurs avocats. La tension est extrêmement palpable.

Cela signifie qu’il faut plutôt craindre des attaques d’individus isolés ?

Oui. Les organisations terroristes, type Al-Qaeda, veulent inspirer et mobiliser leurs sympathisants dans notre pays. L’Etat islamique le fait au quotidien dans ce que l’on appelle la jihadosphère, sur les réseaux sociaux, via des messageries cryptées. Ils incitent quotidiennement au passage à l’acte.

Al-Qaeda dans la péninsule Arabique, qui avait commandité l’attentat contre Charlie Hebdo, est pourtant affaibli par rapport à 2015…

Oui, ils ont été affaiblis territorialement, comme d’ailleurs l’Etat islamique, mais leur idéologie continue à se répandre. Les menaces de mort nominatives se diffusent désormais aussi sur les grands réseaux sociaux, par exemple sur Twitter. Leurs auteurs se réfugient derrière l’anonymat. Cela signifie que ce qui est sanctionné par la justice française ne l’est pas par ces réseaux. C’est scandaleux.

Les autorités devraient-elles prendre des mesures urgentes ?

Il faut être extrêmement vigilant et prendre acte de ce climat de tensions. Et ne pas écarter l’hypothèse que d’autres actes de ce type, ciblés sur des individus ou des lieux particuliers, se produiront dans les jours et les semaines à venir.

Faut-il également craindre des attentats massifs ?

C’est toujours possible, mais beaucoup moins probable. Ces organisations sont bien sûr résilientes et reconstruisent leurs capacités opérationnelles, mais il leur est très difficile, en particulier pour l’Etat islamique, de projeter aujourd’hui des actions sur notre territoire. Il ne faut pas totalement l’écarter pour autant, il y a eu des attentats importants déjoués durant le confinement en Europe, notamment en Espagne, en Allemagne et en Pologne. Il s’agissait de groupes structurés qui étaient en lien direct avec des dirigeants de l’Etat islamique en Syrie et en Afghanistan. En Allemagne, ils visaient des bases militaires américaines.

Publicité
Commentaires
Publicité