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Jours tranquilles à Paris
1 octobre 2020

Véronique Cayla-Eric Toledano, un duo pour redorer les Césars

Par Cécile Bouanchaud, Clarisse Fabre - Le Monde

L’ancienne présidente d’Arte et le réalisateur auront la lourde tâche de dépoussiérer l’Académie et de régler le cas Polanski, comme le réclament les groupes féministes.

Officiellement, c’est l’acte 2 de la rénovation de l’Académie des Césars : l’ancienne présidente de la chaîne Arte, Véronique Cayla, née en 1950, et le réalisateur Eric Toledano, né en 1971, ont été élus respectivement présidente et vice-président de l’assemblée générale de l’Académie des Césars pour un mandat de deux ans, mardi 29 septembre dans la matinée, au terme d’une AG extraordinaire qui a eu lieu par visioconférence.

Seul candidat à ce poste délicat, le binôme paritaire succède à la présidente par intérim Margaret Menegoz, laquelle avait pris les rênes à la suite de la crise ouverte au sein de l’Académie en février. A la veille de la cérémonie du 28 février, le producteur Alain Terzian, qui pilotait l’Académie depuis 2003, a quitté sa fonction dans un climat houleux, lors de la démission collective des membres du conseil d’administration de l’Association pour la promotion du cinéma. Le fonctionnement opaque de l’Académie et son « entre soi » étaient devenus la cible de critiques, y compris de la part du milieu du cinéma, comme l’a montré la tribune signée par 400 personnalités dans Le Monde daté du 11 février.

L’institution doit être réformée en profondeur et s’ouvrir aux questions d’égalité et de diversité. A ce titre, Eric Toledano et Véronique Cayla représentent deux personnalités incontestées : Eric Toledano a accumulé les succès – avec son coréalisateur Olivier Nakache – grâce à des films populaires se saisissant de sujets de société (Intouchables, Samba, Hors normes, Le Sens de la fête). Quant à Véronique Cayla, femme de culture ayant tracé sa carrière dans les institutions (au ministère de la rue de Valois, à la tête du Centre national du cinéma et de l’image animée, etc.), elle incarne un cinéma d’auteur ouvert, au point de confier au duo Toledano-Nakache, quand elle était encore à la tête d’Arte, le soin de réaliser la série En thérapie.

A l’occasion de l’AG extraordinaire, mardi, ont été également élus les quarante-deux membres du nouveau conseil d’administration, soit vingt et un binômes paritaires représentant chacun une branche de métiers : y figurent, entre autres, les acteurs Marina Foïs et Antoine Reinartz, les réalisateurs Pascale Ferran et Cédric Klapisch, les agents artistiques Sébastien Cauchon et Elisabeth Tanner, etc.

« Un modèle collectif »

La nouvelle direction des Césars devra régler le cas du cinéaste Roman Polanski, accusé de viols et d’agressions sexuelles et toujours membre de l’Académie. Les douze nominations pour son dernier film, J’accuse, avaient suscité de vives protestations de la part de groupes féministes. Le cinéaste s’était d’ailleurs abstenu d’assister à la cérémonie. Le 28 février, la statuette du meilleur réalisateur lui a été décernée (en son absence), suscitant le départ de l’actrice Adèle Haenel.

Il y a deux semaines, la polémique a rebondi alors que l’on découvrait la composition de la nouvelle assemblée générale de 182 membres de l’Académie : 164 personnes y ont été élues (par les 4 313 membres de l’Académie), et dix-huit autres ont pu y siéger en tant que membre historique, sur simple demande écrite – sont membres historiques des personnalités qui ont reçu un Oscar, ou sont d’anciens présidents de l’Académie, etc. Une clause figurant dans les statuts actuels, et votée le 9 juillet, a autorisé en effet ces « historiques » à faire part, avant le 31 juillet, de leur volonté de participer à l’assemblée générale. Ce qu’a fait Roman Polanski. A la suite de cette révélation, deux réalisateurs membres historiques ont annoncé leur démission, sans rendre publics leurs noms – selon nos informations, il s’agit de Jean-Xavier de Lestrade, qui a reçu l’Oscar du meilleur documentaire en 2002 pour Un coupable idéal, et de Sam Karmann (Oscar du meilleur court-métrage en 1993 pour Omnibus). Tous deux sont au générique de la série Laëtitia, diffusée actuellement sur France 2, le premier comme réalisateur, le second comme acteur.

Parmi les autres membres historiques toujours présents, citons le producteur Thomas Langmann, condamné en 2019 pour harcèlement à l’égard de sa femme, ainsi que l’ancien patron contesté des Césars, Alain Terzian. Celui-ci a fait porter le chapeau… à son assistante : « Je n’ai rien demandé, je n’ai rien fait, c’est sans doute ma secrétaire qui a envoyé la lettre en croyant bien faire », a-t-il déclaré dans Le Figaro du 25 septembre.

Les esprits sont très échauffés. A l’issue de son élection, mardi, Véronique Cayla a lu un texte dans lequel elle appelle de ses vœux « un nouveau modèle pour les Césars, un modèle collectif, imaginatif, utilisant la modernité des moyens techniques pour pallier les difficultés actuelles, en particulier sanitaires. Nous avons tous deux [avec Eric Toledano], bien entendu, bien compris votre demande en matière de parité, de transparence, de diversité et de démocratie ». Puis la nouvelle patronne des Césars ajoute, dans une phrase ciselée : « Pour commencer, nous vous proposerons de construire un socle solide d’égalité entre tous les membres de l’association légitimés par un processus électif. » En creux, cette annonce semble annoncer la fin d’un système où siègent automatiquement des membres de droit.

Mobilisation sur les réseaux sociaux

Quoi qu’il en soit, les féministes n’entendent pas lâcher la pression. Le rassemblement qui était prévu mardi matin devant le siège des Césars, rue de l’Avre, à Paris, a dû être annulé, du fait de l’organisation de l’AG par visioconférence, pour des raisons sanitaires. Mais la mobilisation s’est déportée sur les réseaux sociaux, sous le mot-clé #clapdefinpolanski. « L’idée de ce mot-clé est de dire, une nouvelle fois, “ça suffit” », commente Alix Béranger, cofondatrice du collectif La Barbe, et à l’origine de cette journée d’action aux côtés d’Osez le féminisme, des Effrontées et de Nous Toutes. « Nous étions là en février, nous sommes là aujourd’hui, on ne lâchera rien », prévient-elle.

Mardi, le mot-clé #clapdefinpolanski était l’un des plus partagés sur Twitter. Sur les réseaux sociaux, les militantes ont massivement témoigné de leur « honte ». Celle de constater « l’impunité du cinéma français », qui maintient Polanski à un poste de pouvoir. Sur Facebook, le titre du dernier film du réalisateur, J’accuse se transforme en « J’abuse » ou « J’enrage ».

LA TRIBUNE DE VIRGINIE DESPENTES, PUBLIÉE DEUX JOURS APRÈS LA CÉRÉMONIE DES CÉSARS, VIENT D’ÊTRE RÉACTIVÉE ET REVISITÉE

Quant à la tribune de Virginie Despentes, publiée deux jours après la cérémonie des Césars, elle vient d’être réactivée et revisitée : le célèbre « Désormais on se lève et on se barre » est devenu une injonction au réalisateur : « Lève-toi et casse toi ».

Que pensent d’ailleurs les féministes de la nomination d’un tandem paritaire à la tête des Césars ? « On veut féminiser l’instance, mais on met un homme en binôme, c’est presque drôle, comme s’il fallait surveiller l’action des femmes », commente Alix Béranger, dénonçant « une tutelle ridicule ». Pour Fatima Benomar, d’Osez le féminisme, il y a une contradiction insoutenable à nommer une femme à la tête de l’Académie tout en conservant Roman Polanski parmi ses membres. « On ne peut pas accorder comme ça des symboles et des contre-symboles. La première chose cohérente à faire, c’est d’exclure cet homme de cette institution », commente la militante, considérant que cette situation « force certaines femmes à s’extraire de cette institution ».

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