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Jours tranquilles à Paris
8 octobre 2020

Election américaine : Kamala Harris surmonte l’épreuve du débat des vice-présidents

suppleante

Par Gilles Paris, Washington, correspondant - Le Monde

La sénatrice démocrate de Californie a attaqué, mercredi, à Salt Lake City, la gestion du Covid-19 par l’administration Trump lors de son face-à-face avec le vice-président républicain.

La campagne présidentielle américaine a retrouvé des rives plus familières, mercredi 7 octobre. Une semaine après le chaos du premier débat, torpillé par les interruptions incessantes et agressives de Donald Trump, le face-à-face entre le vice-président Mike Pence et la colistière de Joe Biden, Kamala Harris, sénatrice de Californie, s’est déroulé selon les codes du genre.

Les deux candidats ont ainsi évité régulièrement de répondre aux questions précises de la modératrice, Susan Page, la responsable du bureau de Washington du quotidien national USA Today, se repliant rapidement sur des formules manifestement préparées à l’avance. L’atmosphère a été à ce point courtoise qu’une mouche a pu se poser brièvement sur la chevelure blanche du vice-président sans être dérangée, suscitant aussitôt un torrent de commentaires ironiques sur les réseaux sociaux, et la publication par le camp démocrate d’un appel aux dons montrant un Joe Biden armé d’une tapette à insectes.

Lors du débat qui l’avait opposé en 2016 au sénateur de Virginie Tim Kaine, colistier d’Hillary Clinton, Mike Pence s’était imposé par sa capacité à exprimer des convictions conservatrices avec une authenticité difficilement contestable. Une nouvelle fois, il a rassuré les électeurs du « Grand Old Party » (GOP) en se présentant comme le garant de ce qui reste de ses piliers après quatre ans de trumpisme, notamment l’objectif des baisses d’impôts.

Mike Pence pratique l’évitement sur le Covid-19

Il leur a opposé les projets de hausse assumés par le « ticket » démocrate, en s’efforçant d’instiller le doute sur l’engagement pris par Joe Biden qu’ils ne concerneront pas la classe moyenne. Le vice-président a certainement ravivé la flamme de la droite religieuse en défendant la juge conservatrice choisie par Donald Trump pour remplacer Ruth Bader Ginsburg à la Cour suprême, Amy Coney Barrett, qui porte sa foi en sautoir, ou en accusant la sénatrice de soutenir « l’avortement tardif » remboursé « par le contribuable ».

Mike Pence savait qu’il aurait fort à faire pour convaincre ses concitoyens à propos de la gestion de la crise sanitaire provoquée par le Covid-19. Elle a été illustrée sur la scène de l’Université de l’Utah, à Salt Lake City, qui accueillait les deux candidats, par une double paroi de Plexiglas installée à la demande de la démocrate. C’est sans doute sur ce sujet, le premier évoqué mercredi, que le vice-président a pratiqué l’évitement avec le plus de constance, faute d’alternative.

Il n’a ainsi pas répondu à la question de savoir pourquoi les Etats-Unis comptent proportionnellement plus de morts du virus que des pays développés comparables, ni pourquoi Donald Trump, pourtant contaminé, maintenait l’opacité sur ses données médicales, ni pourquoi les Américains devraient respecter les recommandations des autorités sanitaires fédérales alors qu’elles ne le sont pas à la Maison Blanche, comme l’a montré le rassemblement pour la présentation de la juge Barrett, le 26 septembre, qui a transformé le siège du pouvoir exécutif en foyer de contamination.

« Vous respectez les Américains quand vous leur dites la vérité »

Ce dossier a donné l’occasion à Kamala Harris de donner toute la mesure de sa capacité à mener la charge. « Les Américains ont été témoins de ce qui est le plus gros échec de toute administration présidentielle dans l’histoire de notre pays », « franchement, cette administration a perdu son droit de prétendre à la réélection », a asséné la sénatrice, assurant que la Maison Blanche avait su très vite que l’épidémie serait dévastatrice, sans en prévenir les Américains.

La parade de Mike Pence a consisté à répondre que ces attaques visaient les personnels en première ligne dans la lutte contre la maladie. Il a repris à son compte la critique selon laquelle les démocrates, en voulant lutter contre la pandémie, empiéteraient sur « la liberté du peuple américain » que les républicains entendent « respecter ». « Vous respectez les Américains lorsque vous leur dites la vérité », a rétorqué Kamala Harris.

Première femme de couleur d’un grand parti à participer au débat des candidats à la vice-présidence, la sénatrice a donné l’impression de doser son agressivité. Elle a saisi toutes les occasions offertes par Mike Pence pour faire remarquer combien il pouvait l’interrompre. « Si cela ne vous dérange pas, laissez-moi finir, nous pourrons alors avoir une conversation », « il m’a interrompue et j’aimerais finir », a-t-elle fait remarquer pour pointer une habitude qui a dû résonner dans de nombreux foyers.

Mobile et rieuse, parfois un peu trop systématiquement, la sénatrice a pu rassurer les démocrates sur sa capacité à passer l’épreuve. Comme l’a fait remarquer Susan Page, les deux candidats étaient d’autant plus attendus que l’un d’eux épaulera à partir du 20 janvier le plus vieux président à prendre ses fonctions, qu’il s’agisse de Donald Trump, 74 ans, ou de Joe Biden, qui aura alors 78 ans.

Biden en tête des intentions de vote

Mais les esquives de Kamala Harris n’ont pas toujours permis de donner le change. Cela a été le cas lorsque Mike Pence a accusé le ticket démocrate de s’opposer à la fracturation hydraulique qui permet la production de gaz et de pétrole de schiste. Et pour cause. La sénatrice avait initialement soutenu une interdiction lors de la campagne des primaires, tout comme elle avait appuyé le Green New Deal défendu par l’aile gauche démocrate, ou encore le projet de sécurité sociale universelle. Autant de points sur lesquels elle est revenue au cours de la campagne, rejoignant les positions plus centristes de Joe Biden.

Kamala Harris a pratiqué également avec abnégation l’esquive lorsque Mike Pence l’a interrogée sur le projet de certains démocrates d’augmenter à l’avenir le nombre de juges à la Cour suprême pour diluer la majorité conservatrice qu’Amy Coney Barrett va consolider. Le premier instinct de Joe Biden est de s’y opposer mais il a également manqué de clarté lors du premier débat qui l’a opposé à Donald Trump.

Dans le pire des cas, la perspective d’un partage des points à l’issue de ce débat fait plutôt les affaires du camp démocrate. Donné en tête des intentions de vote, grâce à une avance qui s’est creusée depuis le face-à-face tendu du 29 septembre, Joe Biden ne pouvait redouter qu’un faux pas de sa colistière. Elle l’a évité. Mike Pence, grâce à son interprétation policée du trumpisme, a certainement entretenu la flamme des fidèles du président, sans pour autant séduire au-delà, alors que l’étroitesse de cette base est le principal obstacle pour l’instant à une réélection.

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