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Jours tranquilles à Paris
15 octobre 2020

Covid-19 : Emmanuel Macron choisit le couvre-feu pour tenter d’endiguer la deuxième vague

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Par Delphine Roucaute, Olivier Faye, Alexandre Lemarié - Le Monde

Lors d’un entretien télévisé mercredi, le président de la République a jugé qu’un reconfinement général du pays « serait disproportionné ».

La France s’apprête à replonger en apnée « au moins jusqu’à l’été 2021 ». Voilà le message qu’est venu annoncer Emmanuel Macron à ses concitoyens, mercredi 14 octobre, alors que l’épidémie de coronavirus retrouve selon les termes du chef de l’Etat une « situation préoccupante » sur le territoire national, avec près de 20 000 nouveaux cas déclarés par jour et une occupation à 32 % des services de réanimation dans les hôpitaux par des patients atteints du Covid-19. « Nos soignants sont très fatigués (…) Nous n’avons pas de lits en réserve », a-t-il prévenu, alors que le virus s’est répandu sur l’ensemble du pays, empêchant ainsi des transferts de malades entre les régions.

Le temps de l’insouciance, qui s’était ouvert durant l’été – M. Macron avait lui-même évoqué une « sortie de crise », le 14 juillet – est désormais clos. « Nous sommes dans la deuxième vague. Le virus recircule très vite en Europe et dans notre pays », a alerté le locataire de l’Elysée, lors d’un entretien sur TF1 et France 2. Ce qui l’amène, comme en Allemagne ou en Espagne, à imposer des mesures restrictives.

Pour « freiner la diffusion du virus », et ainsi « reprendre le contrôle », le président de la République a annoncé qu’un couvre-feu sera mis en place à partir de samedi, entre 21 heures et 6 heures, en Ile-de-France et dans huit métropoles : Lille, Grenoble, Lyon, Aix-Marseille, Montpellier, Rouen, Toulouse et Saint-Etienne.

Cette mesure de privation de liberté doit durer au moins quatre semaines. Si le Parlement l’autorise, le chef de l’Etat souhaite l’étendre sur six semaines, soit jusqu’au 1er décembre. Des dérogations seront possibles, uniquement dans certains cas, comme les travailleurs de nuit. En cas de non-respect du couvre-feu, des amendes de 135 euros seront délivrées ; elles pourront s’élever à 1 500 euros en cas de récidive.

Pas question de mettre totalement le pays à l’arrêt

Alors que l’instauration du couvre-feu a fait débat jusqu’au sein même du gouvernement, Emmanuel Macron a justifié cette mesure par la nécessité de « réduire les moments de convivialité » privés, qui sont « des vecteurs d’accélération du virus », tout en permettant la continuité de la vie économique, sociale et éducative.

Les écoles, lycées et universités resteront ouverts, a-t-il souligné. Pas question de mettre totalement le pays à l’arrêt, comme ce fut le cas lors de la première vague. A l’heure actuelle, « reconfiner le pays serait disproportionné », a estimé M. Macron, qui veut à tout prix éviter de recourir à cette extrémité, aux conséquences jugées désastreuses.

En parallèle, le gouvernement a toutefois rétabli par décret lors du conseil des ministres l’état d’urgence sanitaire sur l’ensemble du pays, qui lui permet de disposer d’un cadre juridique afin d’adapter les restrictions dans les mois à venir, allant jusqu’au confinement. Manière de se garder une marge de manœuvre, au cas où. « Si l’on ne veut pas devoir prendre des mesures plus dures, il faut respecter les règles », a d’ailleurs mis en garde le chef de l’Etat. Son objectif étant de revenir à une situation de 3 000 à 5 000 nouveaux cas par jour et à 10 %-15 % de lits en service de réanimation occupés par des malades du Covid-19.

Pour autant, Emmanuel Macron n’a pas interdit aux Français de partir en vacances à la Toussaint. Malgré les restrictions en vigueur, les déplacements entre les régions ne seront pas réduits, a-t-il indiqué. Une injonction contradictoire, en apparence, que le chef de l’Etat a assortie d’une recommandation appuyée, en demandant aux vacanciers de respecter scrupuleusement les gestes barrières lors de leurs déplacements pour ne pas propager le virus. En particulier lors des réunions de famille ou entre amis, durant lesquelles il a appelé à ne pas se rassembler à plus de six personnes. Une sorte de « en même temps » entre la préservation de certaines libertés et l’instauration de restrictions. Une stratégie résumée en une formule : « On n‘infantilise pas, on responsabilise. »

StopCovid, « ça n’a pas marché »

Autre nouveauté : Emmanuel Macron s’est converti au mea culpa. Sur la stratégie en matière de dépistage, d’abord – près de 1,4 million de tests sont réalisés chaque semaine en France. « On a rencontré de vraies difficultés », a reconnu le chef de l’Etat, alors que les files d’attente se sont allongées devant les laboratoires d’analyse médicale pendant des semaines et que les délais pour obtenir un résultat excèdent parfois cinq ou six jours. « Nous allons rentrer dans une stratégie où on va pouvoir réduire drastiquement les délais », a-t-il promis.

Pour mieux suivre l’évolution du virus sur le territoire, l’exécutif veut miser sur les tests antigéniques, annoncés depuis septembre par le ministre de la santé, Olivier Véran, mais qui sont encore à l’état d’expérimentation. M. Macron a aussi évoqué un possible recours aux autotests, sur lesquels la Haute Autorité de santé ne s’est pas encore prononcée, contrairement aux tests antigéniques, dont les modalités du déploiement sur le territoire devraient être annoncées prochainement.

Le chef de l’Etat a par ailleurs reconnu l’échec de l’application StopCovid lancée dans la foulée du déconfinement pour permettre de repérer les cas contacts de personnes positives au Covid-19. « Ça n’a pas marché », a-t-il assumé à propos de cet outil qui, avec seulement 2,6 millions de téléchargements depuis juin, « a été beaucoup moins téléchargé » que dans les autres pays européens.

Une nouvelle application, baptisée « Tous anti-Covid », doit voir le jour le 22 octobre, a annoncé le président de la République, et devrait fournir à ses utilisateurs des informations quotidiennes sur l’état de la pandémie ainsi que sur les lieux où se faire tester. Une manière, veut croire M. Macron, de contribuer à sa popularité, en espérant que les Français l’activent lorsqu’ils se trouveront dans des lieux fréquentés par du public comme les restaurants.

Une crise « inégalitaire »

Durement touchés par les nouvelles règles de couvre-feu, ces derniers pourront bénéficier, à l’image d’autres secteurs d’activité tels que l’événementiel ou le monde de la culture, de « dispositifs de soutien supplémentaires », a avancé le chef de l’Etat, notamment à travers le recours au chômage partiel ou l’accès au fond de solidarité pour les entreprises. Ce qui n’a pas empêché les fédérations professionnelles du secteur hôtellerie-cafés-restauration (HCR) de déplorer « une fermeture déguisée » de leurs établissements.

Les entreprises pourront par ailleurs proposer « deux à trois jours de télétravail par semaine » à leurs employés, a suggéré M. Macron, pour « réduire un peu la pression collective », mais pas à temps plein. On a « besoin d’échanger avec les collègues de travail », a justifié l’ancien ministre de l’économie. Un satisfecit pour le Medef. La branche parisienne de l’organisation patronale avait alerté sur le fait qu’un télétravail à 100 % pourrait aggraver la crise économique et « fragiliser encore les entreprises ».

Accusé par ses contempteurs de mener une « politique antisociale », Emmanuel Macron, enfin, a rejeté l’idée soumise, entre autres, par le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, d’augmenter le revenu de solidarité active (RSA) et d’étendre son versement aux jeunes âgés de 18 à 25 ans. A la place, le locataire de l’Elysée a annoncé le versement durant les six semaines du couvre-feu d’une « aide exceptionnelle » de 150 euros par personne, plus 100 euros par enfant, pour tous les allocataires du RSA et des aides aux logements (APL).

« Je préfère cette aide exceptionnelle massive plutôt qu’une transformation de nos minima sociaux », a défendu M. Macron face à cette crise « inégalitaire », a-t-il reconnu, pour les plus précaires. « C’est dur d’avoir 20 ans en 2020 », a-t-il déploré, reconnaissant le « sacrifice terrible » vécu par cette génération, qui voit ses études et sa vie sociale entravée par la crise sanitaire, et son entrée sur le marché du travail compliquée par la crise économique.

Présenter un profil rassembleur

Tout au long des quarante-cinq minutes d’entretien, Emmanuel Macron s’est attaché à se montrer concret et précis, à l’image de son ancien premier ministre, Edouard Philippe, et il a assumé le terme de « couvre-feu », après avoir hésité en mars à prononcer celui de « confinement ». Le chef de l’Etat sait que la clarté et la pédagogie peuvent se révéler essentielles pour faire accepter aux Français de nouvelles mesures de restrictions de liberté, alors qu’une partie de l’opposition met en garde face à un risque de « jacquerie ».

Depuis la rentrée, la stratégie de l’exécutif apparaissait aux yeux de beaucoup comme étant trop fluctuante. De la même manière, M. Macron a tenu à faire savoir que les élus locaux des métropoles concernées par le couvre-feu avaient été prévenus en amont de cette initiative. « Je vais demander à nos maires de nous proposer des plans de prévention », a-t-il ajouté. Une façon d’inclure les collectivités. Pas question de rééditer l’épisode de la bronca des élus marseillais, le 23 septembre, suite à la fermeture des bars et des restaurants.

Au moment où le pays affronte une crise multiforme, le chef de l’Etat s’est également efforcé de présenter un profil rassembleur. « Nous nous en sortirons les uns et les autres », a-t-il déclaré, en appelant les Français à « être une nation de citoyens solidaires ». Comme s’il s’agissait de se poser en père de la nation, à un an et demi de l’élection présidentielle.

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