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Jours tranquilles à Paris
17 octobre 2020

Financement libyen de la campagne de 2007 : Sarkozy mis en examen pour « association de malfaiteurs »

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Par Simon Piel - Le Monde

L’ancien chef de l’Etat est déjà poursuivi dans ce dossier pour corruption passive, recel de détournement de fonds publics et financement illégal de campagne depuis mars 2018.

L’ancien président de la République Nicolas Sarkozy a vu sa collection de mises en examen s’enrichir encore un peu plus ce début de semaine. A l’issue d’un interrogatoire de quatre jours menés par les juges d’instruction du pôle financier, Aude Buresi et Marc Sommerer, en charge de l’enquête sur le financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007, il s’est vu signifier une mise en examen supplétive pour « association de malfaiteurs ». Révélée par le site Mediapart, vendredi 16 octobre, l’information a été confirmée par le Parquet national financier (PNF).

Déjà mis en examen dans ce dossier pour « corruption passive », « recel de détournement de fonds publics libyens » et « financement illégal de campagne » depuis mars 2018, l’ex-leader de la droite a fait part de sa réaction, aussitôt sa nouvelle mise en examen rendue publique. « J’ai appris cette nouvelle mise en examen avec la plus grande stupéfaction (…). Mon innocence est à nouveau bafouée par une décision qui ne rapporte pas la moindre preuve d’un quelconque financement illicite », a-t-il déclaré dans un message publié sur Facebook.

« Les Français doivent savoir que je suis innocent de ce dont on m’accuse en apportant un crédit invraisemblable aux déclarations d’assassins, d’escrocs notoires et de faux témoins. Je sais que la vérité finira par triompher. (…) L’injustice ne gagnera pas », a-t-il ajouté, assurant avoir pendant ses près de quarante heures d’audition « répondu à toutes les questions qui [lui] ont été posées sans jamais être mis en difficulté ».

Virement troublant

Dans le code pénal, l’association de malfaiteurs qualifie « tout groupement formé ou entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d’un ou plusieurs crimes ou d’un ou plusieurs délits » et peut-être punis de dix ans de prison. En l’espèce, la mise en examen de Nicolas Sarkozy intervient après celle, en janvier, de l’affairiste Thierry Gaubert, un proche de l’ancien président qui fut l’un de ses collaborateurs au ministère du budget.

Comme l’avait révélé Mediapart, Thierry Gaubert a reçu en février 2006 sur un compte aux Bahamas un virement de 440 000 euros de la société Rossfield Limited appartenant à l’intermédiaire Ziad Takieddine et dont le compte avait été alimenté par de l’argent provenant du régime libyen. Un transfert d’argent dont il n’est pas exclu qu’il ait ensuite servi à abonder la campagne de Nicolas Sarkozy.

Ce virement est d’autant plus troublant que deux mois auparavant, Brice Hortefeux, proche parmi les proches de Nicolas Sarkozy et grand ami de Thierry Gaubert, avait effectué un déplacement à Tripoli en tant que ministre français des collectivités territoriales, à l’occasion duquel il rencontra discrètement le chef des services secrets militaires de Libye, Abdallah Senoussi, alors visé par un mandat d’arrêt de la France pour son implication dans l’attentat contre l’avion DC-10 de la compagnie UTA perpétré en septembre 1989.

A quelles fins ? Brice Hortefeux a assuré que ce rendez-vous a eu lieu à l’initiative de Ziad Takieddine et qu’en aucun cas il n’a été question d’un quelconque financement de la campagne de Nicolas Sarkozy par la Libye contrairement à ce qu’ont déclaré Ziad Takieddine et Abdallah Senoussi. Le propre directeur de ca­binet de Brice Hortefeux viendra plus tard affaiblir un peu plus la défense de son ancien ministre avec autant d’ironie que d’agacement auprès des enquêteurs, s’estimant « mal placé pour juger les collectivi­tés territoriales en Libye » et ajoutant que ce déplacement « a été organisé en dehors du cabinet qu’[il] dirigeai[t] ». L’ambassadeur français en Libye qui a jugé plus tard que ce déplacement d’un ministre français des collectivités territoriales n’avait « pas grand sens », n’avait pas non plus été mis au courant de cette rencontre.

Recours rejetés

Dressant un premier cordon sanitaire avec ses plus proches collaborateurs lors de sa garde à vue en 2018, Nicolas Sarkozy avait dit tout ignorer de ces rencontres puis pris ses distances avec Claude Guéant et Brice Hortefeux concernant leur relation avec Ziad Takieddine. « Que Brice Hortefeux à titre personnel ait pu le fréquenter, c’est sa décision, avait-il dit. Et si jamais Brice Hortefeux ou Claude Guéant disait : “C’est Nicolas Sarkozy qui nous l’a demandé”, vous pourriez considérer que cela relève de ma responsabilité, mais ce n’est pas vrai, ils ne l’ont jamais dit. »

Ces derniers développements dans l’enquête sur l’argent libyen interviennent alors que l’ancien président de la République, trois de ses anciens ministres, Eric Woerth, Brice Hortefeux et Claude Guéant, ainsi que l’intermédiaire et ami de ce dernier, Alexandre Djouhri, ont vu les recours qu’ils avaient déposés pour contester l’enquête sur le financement libyen de la campagne présidentielle de 2007 rejetés par la cour d’appel de Paris, jeudi 24 septembre. Une décision qui revient à valider les actes d’enquête menés jusqu’alors par les magistrats instructeurs.

Outre ce dossier, dans lequel les investigations devraient se clore prochainement, l’ex-chef de l’Etat doit être jugé du 23 novembre au 10 décembre pour « corruption » dans l’affaire dite des « écoutes » : il est soupçonné d’avoir tenté, avec son avocat Thierry Herzog, d’obtenir d’un haut magistrat, Gilbert Azibert, des informations couvertes par le secret dans une procédure judiciaire. M. Sarkozy doit enfin être jugé du 17 mars au 15 avril 2021 pour le financement illégal de son autre campagne présidentielle, celle de 2012, dans le cadre de l’affaire Bygmalion où il lui est reproché le dépassement du plafond de dépenses de campagne dissimulé, un temps seulement, grâce à un système de fausse facturation massif.

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