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Jours tranquilles à Paris
1 novembre 2020

Fnac, Carrefour… Le gouvernement cède face à la polémique des librairies fermées

librairie90

Par Véronique Chocron, Aline Leclerc, Juliette Garnier - Le Monde

A la demande des libraires, les rayons livres des hypermarchés et autres grandes surfaces ferment temporairement. Les distributeurs de jouets saisissent le Conseil d’Etat.

C’est une première brèche dans le dispositif prévu jeudi par le gouvernement pour maintenir la vente de produits dits essentiels dans le pays. A peine publiée, la liste des activités commerciales autorisées pendant le reconfinement va déjà être amendée.

A l’issue d’une conférence téléphonique de Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la relance, et de Roselyne Bachelot, ministre de la culture, avec les représentants de la filière du livre et ceux de la grande distribution, le gouvernement a annoncé vendredi que « les rayons livres et culture des grandes surfaces », dont la Fnac, « seraient momentanément fermés ». La mesure, que Bercy excluait pourtant jeudi, entrera en vigueur, samedi 31 octobre.

« Un boulevard à Amazon »

Le Syndicat de la librairie française, qui réclamait cette restriction depuis l’annonce de la fermeture administrative des magasins de livres, jugés non-essentiels, concède qu’elle ne « résout qu’une partie du problème », offrant « un boulevard à Amazon ». Seule la réouverture des librairies contribuera au « rétablissement d’une concurrence véritablement équitable » selon lui. Bercy et le ministère de la rue de Valois promettent précisément une réunion « la semaine prochaine » avec « les acteurs de la filière du livre pour étudier (…) les modalités d’une éventuelle réouverture des librairies ».

Le gouvernement tente ainsi d’étouffer la polémique issue de la distorsion de concurrence qu’entraîne l’exploitation d’un rayon de produits « non-essentiels » par Carrefour, la Fnac et autres distributeurs de « produits essentiels ». Plusieurs voix avaient pointé l’aberration de la fermeture des libraires alors que la Fnac, ouverte parce que pourvoyeuse d’ordinateurs, de téléphones et de ramettes de papier dits essentiels au télétravail, pourrait vendre ses livres. C’est « dans un souci de responsabilité » que l’enseigne fermera l’accès à « ses rayons culture », a finalement fait valoir son directeur général, Enrique Martinez, vendredi soir.

La Fnac – qui réalise 17 % de son chiffre d’affaires sur les produits éditoriaux (livres, CD, DVD) – n’est pas la seule à faire cette concession au monde du livre, pour – sur le papier – une durée de deux semaines ; les Carrefour, Auchan et autres Leclerc devront faire de même. L’ensemble représente près de la moitié des ventes de livres en France. « Les premières victimes de cette décision sont les auteurs et les éditeurs », observe Jacques Creyssel, président de la Fédération du commerce et de la distribution. Le représentant des intérêts des grandes surfaces en France en parle à dessein pour éluder le risque de propagation de cette revendication à d’autres secteurs.

« Gilets jaunes du commerce »

En répondant favorablement à la requête des libraires, le gouvernement risque d’être confronté aux « gilets jaunes du commerce », formule le dirigeant d’une enseigne. Car, partout en France, des commerçants de jouets et de mode sont désespérés de devoir garder le rideau tiré, alors que les Carrefour, Leclerc et autres Fnac pourront continuer de vendre consoles, collants et pyjamas, à la veille du coup d’envoi des ventes de Noël. D’autant que la vente par Internet, en plein boom, promet de leur faire beaucoup de tort.

La Fédération des commerces spécialistes de jouets (FCJPE) ne décolère pas. Depuis plusieurs jours, Philippe Gueydon, directeur général de King Jouet, exige de Matignon qu’il ferme l’accès de la clientèle des hypers aux rayons de jouets, comme « ils doivent y procéder lors de matchs de foot régionaux, en interdisant l’accès aux rayons des alcools ». C’est « impossible », compte tenu de « l’imbrication des rayons non-alimentaires et alimentaires », prétend M. Creyssel, président de la Fédération du commerce et de la distribution (FCD). Dès lors, faute d’avoir été entendus, les dirigeants d’enseignes de jouets, dont 60 % des ventes se réalisent en novembre et décembre, ont décidé d’entamer une procédure contre l’Etat, vendredi, « au regard des conséquences désastreuses » du décret de reconfinement. La FCJPE saisit en « référé le Conseil d’Etat pour violation manifeste du principe d’égale concurrence ».

D’autres secteurs pourraient s’engouffrer dans la brèche ouverte par les libraires. Le précédent Fnac « doit faire jurisprudence », explique Johann Petiot, directeur général de l’Alliance du commerce. Car « Pourquoi accorder cela au livre ? Et pas au vêtement ? Et au bijou ? ». L’Alliance du commerce suggère de sortir de cette « situation criante d’injustice » en « fermant tous les magasins et les rayons de produits non-essentiels » ou en « ouvrant tous les magasins avec de nouvelles mesures sanitaires renforcées ». La Fédération des entreprises de produits de beauté exige aussi le droit d’ouvrir tous les instituts de beauté, salons de coiffure et autres parfumeries en plaidant pour « ces commerces de proximité ».

La fronde des organisations du commerce est telle qu’elle attriste Laurent Milchior. Le gérant du groupe familial Etam, spécialiste de la mode féminine, appelle, lui, à « un confinement beaucoup plus strict sans se balader pour acheter autre chose que l’ultra-necessité » afin de « casser les courbes ascendantes » de propagation du virus. C’est, à ses yeux, le « seul moyen de tenir le calendrier de Noël ». Or, dans les rues, déplore-t-il, « le jour 1 du reconfinement n’a ressemblé en rien au 17 mars 2020 ».

librairies662

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