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Jours tranquilles à Paris
24 mai 2020

Parolier pour Michel Polnareff, scénariste pour François Truffaut et académicien, Jean-Loup Dabadie est mort

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L'homme de lettres fut auteur, traducteur, metteur en scène, parolier, dialoguiste et journaliste. Il est mort dimanche à l'âge de 81 ans. Parmi ses chansons les plus connues, "Lettre à France", chantée par Michel Polnareff, et "Ma préférence", interprétée par Julien Clerc.

Parolier pour Michel Polnareff, scénariste pour François Truffaut et académicien, Jean-Loup Dabadie est mort

C'était un homme aux mille vies. L'écrivain et membre de l'Académie française Jean-Loup Dabadie est mort à l'âge de 81 ans, a annoncé son agent à l'AFP dimanche 24 mai.

Jean-Loup Dabadie est mort à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, d'une maladie autre que le Covid-19, a précisé Bertrand de Labbey. "Jean-Loup Dabadie est décédé aujourd'hui à 13 heures. C'était un artiste complet, il avait réussi dans tous les arts : le sketch avec Guy Bedos ; la chanson avec Polnareff (Lettre à France) et Julien Clerc (Femmes je vous aime); et également le cinéma en tant que scénariste et adaptateur", a-t-il rappelé.

L'auteur des Yeux secs (1957) et des Dieux du foyer (1958) est connu pour avoir eu une carrière très variée, notamment comme parolier. Il est l'auteur de titres pour des artistes très connus. C'était également un auteur prolifique pour la télévision et le cinéma. Après avoir débuté en envoyant des sketchs à Guy Bedos, il a écrit des scénarios de films pour le cinéma. Jean-Loup Dabadie a collaboré notamment avec François Truffaut, avec qui il a écrit Une belle fille comme moi. Mais aussi avec Yves Robert pour Un éléphant ça trompe énormément, sorti en 1976 et Nous irons tous au paradis (1977). Il avait été nommé à l'Académie française en 2008.

Romancier publié à 20 ans

Jean-Loup Dabadie est né le 27 septembre 1938 à Paris, mais il passe son enfance à Grenoble. Il revient à Paris pour terminer ses études, dans les prestigieux lycées Janson-de-Sailly et Louis-le-Grand, puis à la Sorbonne. L'été de ses 18 ans, il est stagiaire au Théâtre national populaire (TNP) de Jean Vilar, pour le festival d'Avignon, et prend goût pour toujours au spectacle.

L'écriture commence pour lui avec deux romans, publiés quand il a 20 et 21 ans (Les Yeux secs et Les Dieux du foyer, 1957 et 1958). Le patron de presse Pierre Lazareff est séduit par ces deux livres, ainsi que par les articles qu'il signe dans Arts et Spectacles. Il l'embauche dans son groupe comme journaliste. Il collabore à la création de la revue Tel quel, avec Philippe Sollers et Jean-Edern Hallier, et écrit des critiques de films et des reportages pour Arts.

Dès 1962, il travaille pour la télévision, avec Jean-Christophe Averty, imagine des sketchs pour Guy Bedos (il en écrira aussi pour Sylvie Joly, Muriel Robin ou Jacques Villeret). Pierre Brasseur crée sa première pièce, La famille écarlate, au théâtre de Paris (1967). Jean-Loup Dabadie quitte alors la presse pour devenir à temps plein un "écrivain de spectacles", selon les mots de François Truffaut. A partir de là, il écrit des scénarios et dialogues de films, des pièces de théâtre, des sketches et des chansons.

Le cinéma avec Sautet, Robert, Truffaut...

Au cinéma, il commence en écrivant le sketch Ella réalisé par Jacques Poitrenaud pour le film Les Parisiennes, en 1962. Il rencontre Claude Sautet pour Les Choses de la vie, prix Louis-Delluc en 1970. Les deux hommes collaborent encore sur Max et les Ferrailleurs (1971), César et Rosalie (1972), Vincent, François, Paul et les autres (1974), Une histoire simple (1978) et Garçon ! (1983).

Jean-Loup Dabadie travaille avec d'autres grands réalisateurs français de cette époque comme Yves Robert (Un éléphant ça trompe énormément, 1976, Nous irons tous au paradis, 1977), Philippe de Broca (Chère Louise, 1972) ou Claude Pinoteau (Le Silencieux, 1973) avec lequel il remporte le prix Louis-Delluc pour le film La Gifle en 1974. Il signe également le scénario d'Une belle fille comme moi de François Truffaut en 1972.

La musique avec Polnareff, Clerc, Dutronc...

Jean-Loup Dabadie signe aussi plusieurs pièces de théâtre (Le Vison voyageur, 1969, Madame Marguerite, 1974). Il écrit de nombreux textes de chansons et collabore avec les plus grands noms de la scène française : Serge Reggiani, Michel Polnareff, Claude Francois, Barbara, Jacques Dutronc, Dalida, Julien Clerc, Juliette Greco...

Jean-Loup Dabadie est élu le 10 avril 2008 à l'Académie française au fauteuil de Pierre Moinot : l'institution le reconnaît ainsi pour son talent dans tous les aspects de l'écriture. Avec lui, l'Académie renoue avec le cinéma, qui n'était plus représenté depuis la mort de René Clair en 1981.

De nombreux prix

Et tous ses talents lui ont valu des prix : le prix Jean Le Duc de l'Académie française pour César et Rosalie (1972) et pour La Gifle (1974), le grand prix du cinéma de l'Académie française pour l'ensemble de son œuvre (1983), le grand prix (humour) de la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem) en 1984, le grand prix de la chanson française de la Sacem (parolier) en 2000, le prix Raymond-Devos de la langue française en 2004, le prix Henri-Jeanson de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) pour l'ensemble de son œuvre la même année.

Jean-Loup Dabadie venait de terminer l'adaptation pour le cinéma d'un roman de Georges Simenon, Les Volets verts, dont le premier rôle devait être tenu par Gérard Depardieu.

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23 mai 2020

23 mai 2010 - Il y a 10 ans les Champs Elysées se transformaient en un immense jardin merveilleux....

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19 mai 2020

Mort de Michel Piccoli : «Il avait du talent et il aimait mes fesses», confie Brigitte Bardot

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Après l’annonce de la disparition de Michel Piccoli, plusieurs artistes ont réagi, dont Brigitte Bardot, qui a tourné avec lui dans «le Mépris».

Par Sylvain Merle et Emmanuel Marolle

Le comédien, décédé à l'âge de 94 ans, avait joué avec les plus grands. Ses rôles dans « Le Mépris », « Les choses de la vie » ou plus récemment « Habemus papam » ont marqué plusieurs générations. Brigitte Bardot, Jane Birkin et Julie Gayet rendent hommage à « un homme qui n'avait pas de limites ».

«Les derniers embruns de la Nouvelle Vague l'ont emporté»

Brigitte Bardot, qui a tourné avec lui dans «le Mépris»

« Il avait du talent, de l'humour, et il aimait mes fesses », a confié Brigitte Bardot, dans un communiqué adressé à l'AFP, après l'annonce de la mort de Michel Piccoli, son partenaire dans « le Mépris », de Jean-Luc Godard, en 1963. Dans une scène mythique du film, la comédienne allongée nue sur un lit, demandait à l'acteur : « Tu les trouves jolies mes fesses? » « Nous avons interprété « le Mépris », mais partagé une grande estime réciproque, a ajouté BB. Les derniers embruns de la Nouvelle vague l'ont emporté, me laissant seule sur la plage abandonnée. »

«Les enfants l'appelaient Baba Yaga»

Jane Birkin, qui a tourné avec lui dans «la Belle Noiseuse»

« C'était un homme impeccable droit, exemplaire. Une des rares personnes qui avaient accepté de se mobiliser pour Sarajevo et Médecins du monde à l'époque de la guerre en ex-Yougoslavie. C'était un compagnon élégant sur le film de Jacques Rivette « la Belle Noiseuse » (1991), un ami depuis des années. Et il était extraordinairement drôle. Les enfants, les siens et les miens, l'appelaient Baba Yaga (NDLR : référence à un personnage de conte russe). Il les faisait rire. Et puis, nous avons fait ensemble les lectures des textes de Serge Gainsbourg sur scène en 2014-2015. Ce qui le chagrinait, c'est que les assurances ne couvraient plus les acteurs comme lui, passé un certain âge. Mais il avait toujours l'envie, l'énergie. »

Julie Gayet, qui a tourné avec lui dans «les Cent et Une Nuits de Simon Cinéma»

« Il m'a beaucoup appris, se souvient Julie Gayet, qui a tourné avec Michel Piccoli il y a vingt-cinq ans dans les Cent et Une Nuits de Simon Cinéma, d'Agnès Varda. Il était entier, engagé dans ce métier comme dans la vie, il n'avait pas de limites, était complètement libre. Il considérait par exemple que les agents, qui prennent 10 %, étaient nos macs. Il m'avait lancé : Alors, c'est qui ton mac ? En vieillissant il avait pris cette espèce de grosse voix et parfois, il s'emportait. Les gens autour étaient un peu effrayés et c'était assez drôle parce que lui s'amusait de pouvoir être effrayant. »

«Michel Piccoli était un phare»

Gérard Lanvin, qui a tourné deux films avec lui, «Une étrange affaire» et «le Prix du danger»

« Il reste dans mon cœur, le Michel. » Très discret sur les réseaux sociaux, Gérard Lanvin a tenu à y rendre hommage, ce lundi, à celui avec qui il avait tourné deux films marquants des années 1980, « Une étrange affaire » (1981) et « le Prix du danger » (1983). « Même si nous n'avons tourné que deux fois ensemble et il y a longtemps, je l'ai aimé, ce monsieur, et je ressens une grande émotion de le voir partir. Comme Lino Ventura et Jean-Paul Belmondo, il avait pour moi un comportement idéal, à la fois populaire et humble, et qui ne s'engageait ni à la légère ni pour se faire voir. Quand j'observais Michel, en tournage ou dans la rue, je me disais que j'aimerais être un homme comme lui. Il était aussi très discret sur sa vie privée. Je ne connaissais que Ludivine, sa femme, à qui je pense d'ailleurs beaucoup aujourd'hui. »

Gérard Lanvin garde d'excellents souvenirs de leurs deux collaborations. Pour la première, il avait 31 ans. « On a eu une complicité d'entrée dans Une étrange affaire, car nous avions des rôles assez particuliers sur la dominance et ce rapport nous a rapprochés. Il n'allait pas forcément vers les gens, mais il était très aimant quand on gagnait sa confiance. Pour tout comédien, Michel était un phare, une référence. C'était quelqu'un de fort, puissant, qui imposait le respect naturellement. J'ai eu la chance de le retrouver deux ans plus tard en Yougoslavie pour le Prix du danger. Nous étions quatre acteurs confinés dans un hôtel de 1000 chambres pendant deux mois et nous avons passé beaucoup de temps ensemble. Il était plus âgé mais il agissait comme un pote. Je n'ai revu Michel qu'une seule fois, en 1999, à la terrasse d'un café. Il était avec sa femme et il avait la même jouissance dans l'œil. Son accueil avait été chaleureux. Nous étions simplement heureux de nous revoir. Quand il avait offert son amitié, c'était pour longtemps. »

19 mai 2020

Michel Piccoli

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19 mai 2020

Nécrologie - Michel Piccoli, légendaire acteur de cinéma et de théâtre, est mort

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Par Sandrine Marques - Le Monde

L’acteur, disparu le 12 mai à l’âge de 94 ans, a vécu une existence frondeuse et aventurière, s’est essayé à tous les genres de cinéma, a côtoyé les plus grands.

Immense acteur de cinéma et de théâtre, producteur et réalisateur aussi, Michel Piccoli est mort le 12 mai, à l’âge de 94 ans, a annoncé, lundi 18 mai, sa famille dans un communiqué transmis à l’Agence France-Presse.

Fils d’Henri Piccoli, un violoniste d’origine italienne, et de Marcelle Expert-Bezançon, une pianiste française, Michel Piccoli, né à Paris le 27 décembre 1925, a baigné toute sa jeunesse dans un milieu artistique. La famille bourgeoise vivait dans le 13e arrondissement de Paris, à quelques encablures de la Bastille, où le comédien avait, depuis, ses habitudes.

Enfant peu bavard, mais qui écoutait beaucoup, il inverse définitivement la tendance avec la découverte du théâtre à l’âge de 9 ans, alors qu’il était pensionnaire à Compiègne (Oise). Interprétant sur scène un personnage du conte d’Andersen Les Habits neufs de l’empereur, il se rend compte que ce sont les autres qui, désormais, l’écoutent. C’est une révélation.

Sa vocation est née et, à 18 ans, ce lecteur fervent de la revue Comœdia annonce à ses parents son désir de brûler les planches. Mais la seconde guerre mondiale modère ses rêves artistiques. Au cours de cette période chaotique, il parcourt trois cents kilomètres à vélo pour rejoindre la Corrèze, où sa famille a des amis. Il y croise des juifs réfugiés, entend les discours de Hitler à la radio et son sentiment d’indignation croît. Il ne le quittera jamais, tout au long d’une vie d’engagement politique, où il n’a de cesse de s’opposer aux extrêmes, en particulier au Front national.

La guerre prenant fin, la famille Piccoli regagne Paris et Michel fait ses débuts comme figurant au cinéma, en 1945, dans Sortilèges, un film de Christian-Jaque où il interprète un villageois auvergnat. Il prend des cours de théâtre chez Andrée Bauer-Thérond, puis au cours Simon et trouve un premier rôle dans Le Point du jour (1949), de Louis Daquin, cinéaste communiste qui le remarque et lui donne sa chance.

Mais c’est surtout au théâtre que Michel Piccoli va s’illustrer pendant cette période. Il officie au sein des compagnies Renaud-Barrault et Grenier-Hussenot et participe, pendant trois ans, au Théâtre de Babylone (où sont montées les pièces avant-gardistes de Beckett et Ionesco), géré par une coopérative ouvrière. Elle compte, parmi ses membres, l’actrice Eléonore Hirt, avec laquelle il sera marié de 1954 à 1966. Ils auront une fille, Anne-Cordélia.

Un jeu souvent teinté d’ironie

En parallèle de débuts remarqués au cinéma, notamment dans French Cancan (1954), de Jean Renoir, Michel Piccoli poursuit une activité prolifique au théâtre. Elle lui fera rencontrer, au long de sa carrière, les metteurs en scène dramatiques les plus en vue : Jacques Audiberti, Jean Vilar, Jean-Marie Serreau, Peter Brook, Luc Bondy, Patrice Chéreau ou encore André Engel. Ce dernier lui confie, en 2009, le rôle de Minetti, dans la pièce éponyme de l’auteur autrichien Thomas Bernhard (créée en 1977). Michel Piccoli a alors 83 ans et sa performance est saluée par la critique.

En plus du théâtre, cet acteur précis et rigoureux, dont le jeu se teinte souvent d’ironie, s’est aussi fait un nom grâce à la télévision. On l’a vu, durant les années 1950, dans des téléfilms populaires réalisés par Stellio Lorenzi (Sylvie et le fantôme), Marcel Bluwal (Tu ne m’échapperas jamais) ou encore Jean Prat (L’Affaire Lacenaire). Il continuera, d’ailleurs, d’y collaborer sporadiquement.

Issu d’une famille catholique pratiquante, il devient athée à la suite d’un deuil familial. Sa rupture avec l’Eglise est consommée quand il rencontre, en 1956, le réalisateur d’origine espagnole, naturalisé mexicain, Luis Buñuel, connu pour son anticléricalisme. Les deux hommes se sont trouvés. Non sans ironie, Michel Piccoli endosse l’habit religieux dans La Mort en ce jardin (1956). Dans ce récit d’aventures avec Charles Vanel, Simone Signoret et Georges Marchal, il est le père Lizardi.

Encore assez anonyme à l’époque, le comédien aurait intrigué afin d’obtenir le rôle de ce prêtre qui déchire les pages de son missel pour se faire du feu, dans la jungle brésilienne. Plus de cinquante années plus tard, en 2011, on le retrouvera en pape, ravagé par le doute et écrasé par sa charge, sous la direction de Nanni Moretti (Habemus papam).

Buñuel adapte spécialement le scénario pour le débutant Michel Piccoli, car le rôle était initialement prévu pour un homme mûr, mais il prévient le fringant trentenaire : « Ton personnage, c’est un con. Il rate tout ce qu’il entreprend. » C’est le début d’une collaboration fructueuse de plus de vingt ans, qui marque aussi la période française de Buñuel. Ensemble, ils vont tourner six autres films : Le Journal d’une femme de chambre (1964), Belle de jour (1967), La Voie lactée (1969), Le Charme discret de la bourgeoisie (1972), Le Fantôme de la liberté (1974) et Cet obscur objet du désir (1977), où Michel Piccoli n’assure qu’une doublure voix.

« POUR BUÑUEL, PICCOLI EST TOUR À TOUR UN BOURGEOIS FRUSTRÉ ET LIBIDINEUX, UN CLIENT DE MAISON CLOSE MANIPULATEUR ET MÊME UN PRÉFET DE POLICE QUI ENDIGUE UNE MANIFESTATION RÉVOLUTIONNAIRE »

Pour Buñuel, Piccoli est tour à tour un bourgeois frustré et libidineux, un client de maison close manipulateur et même un préfet de police qui endigue une manifestation révolutionnaire. Ces rôles libérateurs, qu’il interprète avec un plaisir manifeste, lui permettent d’assouvir son goût pour la dérision et de s’affranchir d’une image classique, en interprétant des personnages dévorés par leurs pulsions.

Entre-temps, les années 1960 auront véritablement marqué le début de sa consécration. Remarqué en gangster, face à Jean-Paul Belmondo et Serge Reggiani dans Le Doulos (1962), de Jean-Pierre Melville, il s’impose dans Le Mépris (1963), de Jean-Luc Godard. Il y joue un scénariste veule, que bat subitement froid sa femme, interprétée par Brigitte Bardot, et révèle à cette occasion sa capacité à interpréter des personnages tout en fêlures.

A cette même époque, Michel Piccoli côtoie le Tout-Saint-Germain-des-Prés. Il se lie d’amitié avec Boris Vian et Jean-Paul Sartre. Au cours d’un dîner de gala où ils sont assis côte à côte, c’est le coup de foudre avec la chanteuse et comédienne Juliette Gréco. Il l’épouse lors d’une cérémonie intime, le 12 décembre 1966, et se rend avec elle, début 1967, en URSS pour une tournée de la chanteuse dans le pays. Juliette Gréco sera sa compagne pendant onze ans. Il sera ensuite marié à la scénariste Ludivine Clerc, avec laquelle il adopte deux enfants d’origine polonaise.

Etendue de son registre

Toujours au cours des années 1960, décennie porteuse sur le plan professionnel, il tourne avec René Clément (Paris brûle-t-il ?, 1966), Alain Resnais (La guerre est finie, 1966), Roger Vadim (La Curée, 1966), Alain Cavalier (La Chamade, 1968), Jacques Demy (Les Demoiselles de Rochefort, 1967) ou Alfred Hitchcock (L’Etau, 1969). Un éventail qui témoigne de l’étendue de son registre et de son talent, en même temps que d’un abattage impressionnant, vaillamment maintenu jusque dans les années 2000.

Michel Piccoli, éclectique, est aussi un acteur fidèle à ses réalisateurs. En plus de Luis Buñuel, il démarre avec Marco Ferreri une collaboration inscrite, elle aussi, dans le temps. De Dillinger est mort à Contes de la folie ordinaire, où il fait une doublure voix, il enchaîne, entre 1969 et 1981, sept films avec le subversif réalisateur milanais. Le point d’orgue de cette collaboration est, bien sûr, La Grande Bouffe, qui raconte un suicide collectif par excès d’ingurgitation de nourriture. Le personnage incarné par Michel Piccoli meurt d’une crise d’aérophagie.

Présenté au Festival de Cannes en 1973, le film fait scandale. Dans l’œuvre sulfureuse et dérangeante de Ferreri, qui stigmatise la décadence de nos sociétés modernes, Michel Piccoli débride totalement sa folie. Dans le même registre, il incarne, teint en roux et réduit à un hurlement, la force primale du grand chambardement révolutionnaire dans le très singulier Themroc (1973) du réalisateur français Claude Faraldo.

Voisinant avec ce continent instable de cinéma émerge dans sa filmographie l’univers plus conformiste de Claude Sautet, qu’il rejoint dès les années 1970. Conformiste, du moins en apparence, car les passions que filme le réalisateur français injectent à l’œuvre sa dose de trouble. Michel Piccoli apparaît dans cinq de ses films, réalisés entre 1970 et 1976, dont les populaires Les Choses de la vie (1970), aux côtés de Romy Schneider, ou Vincent, François, Paul et les autres… (1974). Dans ces différents portraits de groupes ou de couples, Michel Piccoli insuffle à ses personnages intranquilles une fièvre, un déséquilibre qui culminent dans Max et les ferrailleurs (1971). Il y incarne un flic froid et obsessionnel, particulièrement inquiétant.

Une entrée dans le bel âge avec grâce

Autre fidélité connue de Michel Piccoli à un réalisateur, le Portugais Manoel de Oliveira, qui a tourné des films jusqu’à la fin de sa vie, en 2015, à l’âge de 106 ans. C’était un modèle de vitalité pour lui qui redoutait la mort et les entreprises visant à le statufier. Ce, bien qu’ayant pris part, ému, à la rétrospective que la Cinémathèque française lui a consacrée en septembre 2013. « Pourquoi ne pas faire comme lui et continuer encore des années ? », disait-il à propos de l’auteur lusophone. De Party (1996) à Belle toujours (2006), suite rêvée de Belle de jour, de Buñuel, en passant par Je rentre à la maison (2001), où il campe un acteur accablé par le sort mais accompagnant vers la vie un petit-fils survivant d’une catastrophe familiale, il entre dans le bel âge avec grâce.

Michel Piccoli aura aussi, au cours de sa carrière, choisi de donner sa chance au jeune cinéma français, représenté par des réalisateurs comme Jacques Doillon (La Fille prodigue, 1981) ou Leos Carax (Mauvais Sang, 1986). Il retrouvera d’ailleurs ce dernier, en 2012, pour le très beau Holy Motors. En 1980, Michel Piccoli reçoit le prix d’interprétation masculine au Festival de Cannes pour son rôle de juge désaxé dans Le Saut dans le vide, de Marco Bellocchio, et, en 1982, à Berlin, l’Ours d’argent du meilleur acteur pour Une étrange affaire, de Pierre Granier-Deferre.

Plusieurs fois nommé aux Césars, il n’en obtiendra jamais un seul, y compris pour ses prestations acclamées dans Milou en mai, de Louis Malle (1990), ou La Belle Noiseuse, de Jacques Rivette (1991), où il joue un peintre exigeant. Les honneurs, il les trouve ailleurs. Habitué du Festival de Cannes, il sera membre du jury en 2007, sous la présidence de Stephen Frears. C’est aussi lors de la manifestation cannoise qu’il présente La Plage noire (2001), son deuxième long-métrage en tant que réalisateur après Alors voilà (1997) et avant C’est pas tout à fait la vie dont j’avais rêvé (2005), autant de films qui signalent la fantaisiste noirceur qui l’habite.

Un titre en forme de bilan ? On en doute. Michel Piccoli a vécu une existence frondeuse et aventurière, s’est essayé à tous les genres de cinéma, a côtoyé les plus grands auteurs (Claude Chabrol, Raoul Ruiz, Agnès Varda, Theo Angelopoulos), et son engagement politique et citoyen n’a jamais fléchi. Pour lui, le cinéma servait à rendre compte des désordres et des délires de notre société. Sinon, il n’avait guère d’intérêt. Michel Piccoli en a été son intranquille témoin, tout au long d’une carrière exceptionnelle.

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18 mai 2020

Mort de Michel Piccoli

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Mort de Michel Piccoli : la maladie, les femmes de sa vie... Biographie de l'acteurMichel Piccoli est mort à l'âge de 94 ans des suites d'un accident cérébral, a-t-on appris ce lundi 18 mai. Grand acteur du cinéma français, il avait collectionné les tournages dans plus de 200 films. Retour sur sa brillante carrière.

L'ESSENTIEL

La nouvelle a été annoncée ce lundi par la famille de l'acteur dans un communiqué transmis à l'Agence France Presse : Michel Piccoli s'est éteint le 12 mai 2020 des suites d'un accident . Il avait 94 ans. Le communiqué, transmis à l'AFP par Gilles Jacob, ex-président du Festival de Cannes mais aussi ami de l'acteur, évoque le décès de ce monstre sacré du cinéma français : "Michel Piccoli s'est éteint le 12 mai dans les bras de sa femme Ludivine et de ses jeunes enfants Inord et Missia, des suites d'un accident cérébral".

Né en 1925, Michel Piccoli décide très jeune de devenir comédien. Sa carrière fleuve lui a permis de tourner dans des centaines de films des années 1940 à nos jours. On l'avait notamment vu dans Le Mépris ainsi qu'Habemus Papam. Dans son autobiographie parue en 2015, Michel Piccoli évoquait déjà sa mort mais aussi la vieillesse qui affectait sa mémoire : "On voudrait que ça ne s'arrête jamais et cela va s'arrêter. C'est très difficile. La mémoire se dégrade. Et je suis victime de cette catastrophe pour un acteur." Dans ce texte paru chez Grasset, il espérait une chose : "J'aimerais ne pas mourir !"

- Son dernier grand rôle dans Habemus Papam

Michel Piccoli a toujours exprimé son désir de ne jamais arrêter le métier d'acteur. Son dernier grand rôle reste Habemus Papam de Nanni Moretti, sorti en 2011 alors que l'acteur avait 85 ans. Ce long-métrage suit le parcours du cardinal Melville (Michel Piccoli), qui vient d'être élu Pape, mais qui n'arrive pas à se présenter au balcon du Vatican, un geste indispensable pour acter l'élection du nouveau pontife. Le long-métrage de Nanni Moretti a fait partie de la sélection officielle du festival de Cannes en 2011. Après ce rôle, il est apparu dans Vous n'avez encore rien vu, Holy Motors ou encore Le goût des myrtilles en 2013.

- Il avait adopté deux enfants en Pologne

Avec sa dernière épouse Ludivine Clerc, Michel Piccoli a choisi d'adopter deux enfants. C'est en Pologne que le couple a décider d'adopter deux enfants : leur fils Inord et leur fille Missia qui est d'ailleurs devenue comédienne. Ses enfants ainsi que sa femme étaient aux côtés du comédien lorsque celui-ci est décédé le 12 mai 2020 à l'âge de 94 ans.

- Ludivine Clerc, la femme avec qui il a terminé sa vie

Après une rupture douloureuse avec Juliette Gréco, Michel Piccoli se marie en 1978 avec Ludivine Clerc, scénariste avec qui il a l'occasion de travailler. Leur ami Gilles Jacob, ancien président du Festival de Cannes, évoque leur relation en ces termes : "Ils ont fait plusieurs films ensemble. Discrète et solide, elle l’épaule depuis leur rencontre." C'est avec Ludivine Clerc que le comédien a terminé sa vie. Ensemble, ils ont adopté deux enfants.

- Juliette Gréco, sa deuxième femme

Michel Piccoli a été marié trois fois dans sa vie. D'abord avec Eléonore Hirt puis avec Juliette Gréco de 1966 à 1977. Ensemble, ils n'ont pas eu d'enfants mais leur histoire a longtemps fait fantasmer. Dans son autobiographie, le comédien affirmait que Gréco avait fini par le repousser : "Un jour, elle m’a dit va-t-en. Presque de cette façon. Ça a été douloureux de mon côté en tous cas".

- La consécration dans Le Mépris

Michel Piccoli a débuté sa carrière au cinéma dès 1945, alors qu'il n'a que vingt ans, en faisant une brève apparition dans Sortilèges ou Le Cavalier de Riouclare de Christian-Jaque. Les années suivantes seront prolifiques en rôle pour l'acteur qui tourne même déjà pour Jean Renoir (French Cancan), Jean-Pierre Melville (Le Doulos), Luis Bunuel (La Mort en ce jardin, Le journal d'une femme de chambre). Mais il se fera un nom auprès du public grâce au rôle de Paul Javal, dans Le Mépris de Jean-Luc Godard (1963). "Le Mépris m'a donné parmi les plus beaux moments que j'aie pu vivre avec mon réalisateur et mes partenaires, explique-t-il dans son autobiographie. Tous, Fritz Lang, Bardot, l'équipe des techniciens, nous travaillions dans la joie, mais aussi avec une sévérité exceptionnelle. Il est rare qu'un film suscite à la fois autant de joie et de concentration"

- Michel Piccoli, un homme de théâtre

Révélé au cinéma, Michel Piccoli avait l'amour du jeu d'acteur dans la peau. C'est donc sans surpris que le comédien a également brillé sur les planches. On a pu le voir notamment dans le registre classique, dans des adaptations de Racine, Molière ou Shakespeare. Sur deux années consécutives, Michel Piccoli est nommé pour le Molière du comédien pour son interprétation dans Le Roi Lear.

- La liaison de Michel Piccoli avec Romy Schneider

Dans son autobiographie parue en 2015 aux éditions Grasset et co-écrite avec son ami Gilles Jacob, Michel Piccoli révélait la liaison qu'il a entretenue avec l'actrice Romy Schneider. "Elle et moi avons eu la faiblesse de nous laisser aller à des gestes pas toujours honnêtes, mais cela n'a jamais détruit, comme on dit, l'amitié que l'on avait l'un pour l'autre".

 - Qu'est-ce qu'un accident cérébral, qui a emporté Michel Piccoli ?

Michel Piccoli nous a quittés après avoir été victime d'un accident cérébral, est-il indiqué dans le communiqué, transmis par son ami Gilles Jacob à l'AFP. L'accident cérébral, aussi appelé AVC, est provoqué par un arrêt brutal de la circulation sanguine dans une partie du cerveau. En France, on compte environ 150 000 AVC chaque année.

- Son premier mariage avec Eléonore Hirt

Michel Piccoli a côtoyé plusieurs femmes tout au long de sa vie. L'actrice française Eléonore Hirt fut sa première femme. Ensemble, ils eurent une fille du nom d'Anne-Cordélia Piccoli. Michel Piccoli et sa fille Anne-Cordélia étaient brouillés et ne se parlaient plus. Eléonore Hirt est décédée en 2017 à l'âge de 97 ans.

- Quand Michel Piccoli évoquait son métier d'acteur

Dans une archive partagée par l'INA le jour du décès de Michel Piccoli, on peut entendre l'acteur s'exprimer au sujet de son métier et de la conception qu'il en a. En 1970, Piccoli expliquait ne pas choisir un rôle mais plutôt un texte ou un metteur en scène : "Les rôles, ça m'est tout à fait égal." Il expliquait d'ailleurs être totalement fasciné par la jeunesse : "Plus je resterai avec eux, plus je resterai jeune, plus ils m'accepteront.". Retrouvez l'extrait en vidéo dans le tweet ci-dessous.

- Un acteur récompensé

Michel Piccoli était un acteur majeur de sa génération. S'il est nommé à plusieurs reprises pour les Césars dans les années 1980, il ne décrochera pas la statuette. Mais il remporte en 1980 le très prestigieux Prix d'interprétation masculine au Festival de Cannes, pour Le Saut dans le vide. Il a également remporté l'Ours d'argent du meilleur acteur pour Une étrange affaire en 1982, ou plus récemment le David di Donatello du meilleur acteur pour son rôle dans Habemus Papam. Toutefois, il n'a jamais été nommé ni récompensé pour son rôle dans Le Mépris.

- Les plus grands rôles de Michel Piccoli

Michel Piccoli était considéré comme un acteur majeur du cinéma français, cumulant plus de 200 rôles. Il a joué devant les plus grands, comme Alfred Hitchcock, Jacques Demy ou encore Renoir et Chabrol. L'un de ses plus grands rôles reste celui dans Le Mépris, qui l'a révélé aux côtés de Brigitte Bardot. On a également pu le voir dans Les Choses de la vie, Belle de jour, Les demoiselles de Rochefort, L'étau, et plus récemment en 2012, dans le long-métrage franco-italien Habemus papam. Pour ce rôle, il avait décroche le David di Donatello du meilleur acteur.

- De quoi est mort Michel Piccoli ?

C'est un monument du cinéma français qui s'en est allé. Michel Piccoli nous a quittés le lundi 12 mai dernier. Il avait déjà évoqué par le passé la vieillesse, qui affectait considérablement sa mémoire : "La mémoire se dégrade. Et je suis victime de cette catastrophe pour un acteur". Toutefois, le communiqué transmis à l'AFP ce lundi 18 mai précise que Michel Piccoli "s'est éteint dans les bras de sa femme Ludivine et de ses jeunes enfants, Inord et Missia, des suites d'un accident cérébral".

- Michel Piccoli est décédé

La nouvelle a été annoncée ce lundi 18 mai 2020. Michel Piccoli s'est éteint le 12 mai dernier, a annoncé sa famille dans un communiqué transmis à l'AFP. L'acteur, particulièrement connu pour son rôle dans Le Mépris aux côtés de Brigitte Bardot, avait 94 ans. Il serait mort des suites d'un accident cérébral, précise ce communiqué.

BIOGRAPHIE DE MICHEL PICCOLI

Michel Piccoli est né à Paris le 27 décembre 1925 dans une famille de musiciens. C'est à 18 ans qu'il décide de devenir comédien et suit ainsi des cours de théâtre au Cours Simon. Il est connu notamment pour ses rôles dans "Le Mépris" et "Habemus Papam". De ses débuts dans les années 40 à aujourd'hui, il a joué dans environ 200 films, mais aussi dans plus de 50 pièces de théâtre. Malgré son âge, il n'a jamais voulu arrêter sa carrière d'acteur. Michel Piccoli est décédé le 12 mai 2020, à l'âge de 94 ans, des suites d'un accident cérébral.

Consécration dans Le Mépris

Michel Piccoli débute au cinéma en faisant une première apparition dans "Sortilèges", de Christian-Jaque, en 1945. Dans les années 40, il est principalement comédien au sein de troupes de théâtre puis à partir des années 50, il joue également pour le cinéma, ayant généralement des petits rôles. C'est en 1963 que Michel Piccoli est révélé au public grâce au film Le Mépris de Jean-Luc Godard. Film franco-italien, adaptation du roman du même nom d'Alberto Moravia, il met en scène un couple uni, représenté par Michel Piccoli et Brigitte Bardot, qui fait la rencontre d'un producteur. Laissant sa femme auprès de celui-ci, il s'ensuit malentendus, mépris et séparation du couple. Le film est un succès, étant à la septième place du classement au box-office français en 1963.

En 1965, Michel Piccoli joue dans le téléfilm Dom Juan ou le Festin de Pierre de Marcel Bluwal. Il y tient le premier rôle, celui de Dom Juan, homme libre qui n'a pas peur de Dieu et qui n'hésite pas à blasphémer et faire ce qu'il veut, aux cotés d'un Sganarelle, joué par Claude Brasseur, désespéré par l'attitude de son maître.

Michel Piccoli enchaîne ensuite de nombreux rôles, dirigé par les plus grands réalisateurs parmi lesquels Renoir, Chabrol, Demy et Alfred Hitchcock. Il excelle alors dans les rôles de séducteurs rassurants mais n'hésite pas à expérimenter des rôles plus provocants, voire scandaleux comme dans "La Grande Bouffe"et "Grandeur Nature" en 1973. Après avoir joué les escrocs dans "Trio Infernal" en 1974 et "Sept Morts sur Ordonnance" en 1975, il obtient le prix d'interprétation masculine à Cannes en 1980 pour son rôle dans "Le Saut dans le Vide"  en 1979. Malgré une longue carrière, il conserve un certain succès dans les années 1990 et 2000. En 2009, l'acteur, alors âgé de 83 ans, donne volontiers la réplique aux plus jeunes dans "Le Bel âge" où il prouve aisément sa capacité à transmettre l'émotion aussi bien que la jeune génération, incarnée ici par Pauline Etienne.

Son idylle avec Romy Schneider

Michel Piccoli devient un acteur fétiche de plusieurs réalisateurs : Luis Buñuel avec 8 films, Marco Ferreri avec également 8 films et Claude Sautet avec 5 films. Il a également joué six fois aux côtés de Romy Schneider dans "La voleuse", "Les choses de la vie", "Max et les Ferrailleurs", "Le trio infernal", "Mado" et "La passante du Sans-Souci". En 2015, il révèle qu'il a eu une idylle avec la comédienne : "Elle et moi avons eu la faiblesse de nous laisser aller à des gestes pas toujours très honnêtes."

Habemus Papam, son dernier grand rôle

En prenant de l'âge, Michel Piccoli acquiert une forme d'autorité et de sagesse que le facétieux Nanni Moretti décèle bien en lui offrant le rôle principal dans Habemus Papam, en 2011, où il incarne un Pape en plein doute, qui se demande si ce n'est pas trop pour un seul homme, que d'incarner la foi et l'espoir pour toute une religion et des millions de fidèles. Il s'agit là de l'un de ses derniers grands rôles mais, à près de 90 ans, l'acteur n'a pas encore renoncé à sa carrière.

Michel Piccoli réalisateur

Sans délaisser le théâtre, Michel Piccoli s'essaie à la réalisation avec d'abord deux courts métrages puis des longs métrages : "Alors Voilà" en 1997, "La Plage Noire" en 2001 et "C'est pas tout à fait la vie dont j'avais rêvé" en 2005. En 1983, il est narrateur dans l'enregistrement "d'OEdipus rex" d'Igor Stravinsky. Il enregistre également les lectures de "Gargantua" de François Rabelais et des "Fleurs du mal" de Charles Baudelaire. Il fait une reprise du "Déserteur" de Serge Reggiani, en 2002, sur l'album hommage "Autour de Serge Reggiani". Il publie aussi deux ouvrages : "Dialogues égoïstes" écrit en collaboration avec Alain Lacombe en 1976 et "J'ai vécu dans mes rêves" en collaboration avec son ami Gilles Jacob en 2015.

Michel Piccoli et Juliette Gréco

Michel Piccoli est d'abord marié une première fois, en 1954, à l'actrice Eléonore Hirt, avec qui il a une fille du nom d'Anne-Cordélia Piccoli. S'étant brouillé avec sa fille, il n'a depuis plus aucun contact avec elle. Après une liaison avec Romy Schneider, il épouse la chanteuse Juliette Gréco en 1966 jusqu'en 1977, lorsqu'elle le congédie. Ils étaient considérés comme un couple de légende. Puis en 1978, il se marie avec la scénariste Ludivine Clerc. Ensemble, ils adoptent deux enfants, Inord et Missia, d'origine polonaise.

Ses engagements politiques

Michel Piccoli s'engage en politique, d'abord en étant membre du Mouvement de la Paix (communiste), puis avec les socialistes. Totalement contre le Front National, il soutient François Mitterrand en 1974 et 1981 et, en 2007, il appelle à voter pour Ségolène Royal, en signant avec 150 intellectuels un texte "contre une droite d'arrogance", pour "une gauche d'espérance".

Dans une longue interview à l'Express en 2000, il précise que sa conscience politique s'est réveillée lors de la Seconde Guerre mondiale en entendant tout d'abord Hitler à la radio puis l'appel du 18 juin par De Gaulle. Il dit également qu'en s'engageant en politique, bien qu'il ne se considère pas comme militant, il ne pensait un instant que cela aurait pu avoir un impact ou non sur sa carrière.

Michel Piccoli est un acteur qui dit ce qu'il pense. Aussi, en 2015 à l'aube de ses 90 ans, lorsqu'il publie son autobiographie aux éditions Grasset, il n'hésite pas à évoquer des sujets difficiles comme la vieillesse, la maladie et la mort. Le comédien racontant notamment souffrir d'un mémoire qui lui faisait défaut. "On voudrait que ça ne s'arrête jamais et cela va s'arrêter. C'est très difficile. La mémoire se dégrade. Et je suis victime de cette catastrophe pour un acteur." Il expliquait que le monde du spectacle lui confiait de moins en moins de travail : "Parfois, je me sens très bien et je suis indigné de ne plus jouer parce que les médecins et les assurances rendent la décision de me choisir compliquée." Au sujet de la mort, Michel Piccoli se montrait très clair : "J'aimerais ne pas mourir !" Le 12 mai 2020, Michel Piccoli décède des suites d'un accident cérébral, annonce sa famille dans un communiqué.

18 mai 2020

L'acteur Michel Piccoli, l'un des derniers monstres sacrés du cinéma européen, est mort à l'âge de 94 ans

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Le comédien laisse derrière lui des films innombrables tournés avec les plus grands cinéastes et une immense carrière théâtrale.

Il était apparu au cinéma dès 1945, avant de devenir l'un des plus grands acteurs français. Né le 27 décembre 1925, Michel Piccoli est mort à 94 ans, a annoncé sa famille lundi 18 mai. Acteur, réalisateur, producteur, metteur en scène, il a rencontré le succès sur le tard, à partir de 1963, avec Le Mépris de Jean-Luc Godard, aux côtés de Brigitte Bardot. Il était omniprésent depuis, sur scène et à l'écran, jusqu'à 2014, date de sa dernière apparition au cinéma.

Un homme secret et engagé

Discret, voué à son art, exigeant dans ses choix, Michel Piccoli ne défrayait pas la chronique. Seul un film, une pièce, une récompense le faisait sortir de son antre, rien de plus. Secret, il a toutefois toujours prôné ses valeurs socialistes, soutenant François Mitterrand à deux reprises, ainsi que Ségolène Royal, montant au créneau contre le Front national ou pour défendre Amnesty International et les droits d'auteur sur internet.

Né à Paris d'un père violoniste et d'une mère pianiste, fille de famille fortunée, Michel Piccoli entre au cours Simon et apparaît dès 1945 à l'écran dans Sortilège de Christian-Jaque. Il a alors 20 ans. Si le cinéma fait tôt appel à lui, c'est le théâtre qui le passionne. Il intègre les compagnies Renaud-Barrault et Grenier-Hussenot, ou l'avant-gardiste Théâtre de Babylone.

Danièle Delorme et Michel Piccoli dans un scène de \"Tu ne m\'échapperas jamais\" réalisée en direct par Marcel Bluwal pour la télévision et adaptée de la pièce de Margaret Kennedy.Danièle Delorme et Michel Piccoli dans un scène de "Tu ne m'échapperas jamais" réalisée en direct par Marcel Bluwal pour la télévision et adaptée de la pièce de Margaret Kennedy. (PHILIPPE BATAILLON / INA)

La vie privée de l'homme reste confidentielle. Si ses trois mariages sont connus, qui se le rappelle marié à Juliette Gréco de 1966 à 1977 ? Il est également le père d'une fille issue de son premier mariage et de deux filles adoptives polonaises.

L'anti-jeune premier

Dès ses débuts, le jeune Piccoli passe du cinéma au théâtre, avec une accélération prodigieuse à partir de 1950. Il enchaîne jusqu'à cinq pièces (Courteline, Pirandello, Strindberg) et quatre films la seule année 1952. Il tourne pour Jean Delannoy, Jean Renoir, René Clair, Alexandre Astruc… L'acteur participe aux balbutiements de la télévision dès 1954 dans un remake de Sylvie et le Fantôme, et y fera des apparitions régulières, même si le grand rôle n'est pas au rendez-vous.

Il tourne en 1956 La Mort en ce jardin, son premier film avec Luis Buñuel, qui le dirigera cinq autres fois, dans Journal d'une femme de chambre (1963), Belle de jour (1966), La Voie lactée (1969), Le Charme discret de la bourgeoisie (1972) et Le Fantôme de la liberté (1974).

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Remarqué dans Le Doulos de Jean-Pierre Melville en 1962, Michel Piccoli se fait connaître du grand public l'année suivante, grâce au Mépris de Jean-Luc Godard, où, premier rôle masculin, il donne la réplique à Brigitte Bardot, en pleine "BBmania".

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Il a 38 ans, l'âge de la retraite pour les jeunes premiers, rôle que ne tiendra jamais Piccoli, alors que sa vraie carrière vient de commencer.

Buñuel, Sautet, Ferreri… et les autres

Ce physique mature ne l'empêchera pas de tourner avec les plus belles actrices : Bardot, on l'a vu, Jeanne Moreau, Catherine Deneuve ou Romy Schneider. Les années 1960-1970 sont un boulevard pour Michel Piccoli qui va enchaîner les grands rôles. Comparable aux Gabin, Delon, Ventura de l'époque, il fait toutefois le choix de films moins commerciaux et s'il tâte du polar, c'est toujours à la marge.

Après sa rencontre majeure avec Luis Buñuel, c'est Claude Sautet qui domine dans sa carrière. Le réalisateur fait appel à lui en 1970 dans Les Choses de la vie qui le place au premier plan et engendrera quatre autres collaborations : Max et les Ferrailleurs (1971), César et Rosalie (1972), Vincent, François, Paul… et les autres (1974), puis Mado (1978), tous aux côtés de Romy Schneider.

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Troisième réalisateur à lui être fidèle : Marco Ferreri avec lequel il tourne six films, dont le sulfureux La Grande Bouffe, qui fit un scandale mémorable en 1973 à Cannes. Frondeur, il y incarne, aux côtés de Marcello Mastroianni, Ugo Tognazzi, Philippe Noiret et Andréa Ferréol, un homosexuel qui meurt dans ses excréments.

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Il jouera aussi un homme amoureux de sa poupée gonflable (Grandeur nature), un locataire qui pète les plombs et détruit son immeuble (Themroc) ou un avocat bigame, escroc et assassin (Le Trio infernal).

Eclectisme

Michel Piccoli ne va pas dans le sens du vent, prend des risques et tourne à tour de bras. S'il est dirigé par un Claude Chabrol installé (Les Noces rouges) ou Louis Malle (Atlantic City, Milou en mai), il sert de jeunes auteurs comme Jacques Doillon, Francis Girod ou Leos Carax. Il est aussi un pilier de Manoel De Oliveira (Je rentre à la maison) ou Raoul Ruiz (Généalogie d'un crime).

Mais, fidèle à ses origines et à la double carrière de ses débuts, Michel Piccoli n'a eu de cesse de monter sur les planches. En 1965, son interprétation de Dom Juan, d'après Molière, pour la dramatique télévisée de Marcel Bluwal, est très remarquée. Il est mis en scène par Peter Brook, Patrice Chéreau, Bob Wilson ou Luc Bondy, interprète Racine, Shakespeare, Marivaux, Ibsen, Koltès ou Duras.

Cet éclectisme dans ses rôles reflète celui de l'artiste. Dans son dernier grand film, Habemus Papam, de Nanni Moretti, présenté à Cannes, il interprète un pape pris par le doute. L'ambiguïté restera l'empreinte laissée par ses rôles et son génie pour les interpréter. Il mettra en scène pour le théâtre Une vie de théâtre de David Mamet en 1988 et réalisera plusieurs courts métrages avant trois longs, dont son dernier en 2005, C'est pas tout à fait la vie dont j'avais rêvé. Si ce titre sonne aujourd'hui comme une épitaphe, Michel Piccoli demeurera pour nous l'acteur rêvé.

17 mai 2020

Dans l’Aisne, Emmanuel Macron cherche à s’inspirer de « l’esprit de résistance » du général de Gaulle

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Le chef de l’Etat a présidé dimanche la commémoration de la bataille de Montcornet, le 17 mai 1940, quand Charles de Gaulle, à la tête de la 4e division cuirassée, parvint à freiner l’avancée allemande.

Par Olivier Faye 

Les champs de betteraves et d’oignons s’étendent à perte de vue, horizon seulement crevé par la ronde des éoliennes. Une stèle, surmontée de la tourelle d’un char d’assaut, a été érigée au milieu de ce paysage aride, le long d’une étroite route de campagne qui relie La Ville-aux-Bois-lès-Dizy et Clermont-les-Fermes, deux villages des confins de l’Aisne, au nord de Laon. Elle commémore la mémoire des combattants de la 4e division cuirassée qui, en mai 1940, « tentèrent désespérément d’arrêter l’invasion allemande », comme dit le message gravé dans la pierre. Le nom de leur commandant est inscrit, lui aussi : « colonel de Gaulle ».

Emmanuel Macron est venu célébrer, en ce dimanche 17 mai, la mémoire de celui qui, « ici même, sur les champs de bataille de l’Aisne, rencontra son destin ». Il y a quatre-vingts ans jour pour jour, Charles de Gaulle, alors inconnu du grand public, freinait l’avancée des Panzer allemands lors de la bataille de Montcornet, du nom d’un village voisin. Il venait d’être nommé à la tête de cette division composée à la hâte, réunion d’unités disparates qui se distingua encore une fois, dix jours plus tard, lors de la bataille d’Abbeville (Somme), rare succès au milieu de la débâcle contre l’ennemi allemand. « Au moment même où l’ombre de la résignation et du renoncement s’étendait sur notre pays, l‘esprit de la résistance se leva », souligne Emmanuel Macron, installé derrière son pupitre, au milieu des champs.

« L’espérance avait jailli »

Ces jours furent fondateurs pour de Gaulle, élevé durant cette période au grade de général de brigade, puis nommé sous-secrétaire d’Etat à la défense nationale. Autant de titres qui l’aideront à construire son statut de héraut de la France libre, quelques semaines plus tard. L’intéressé, une fois devenu président de la République, résuma la chose d’une formule lors d’une visite à Montcornet, le 12 juin 1964 : « L’espérance avait jailli. » « J’étais avec une grande unité par hasard rassemblée et qui a ramassé ici des lauriers, alors qu’il n’y en avait guère », déclara-t-il ce jour-là.

Cette commémoration était inscrite de longue date sur l’agenda de l’Elysée, mais elle a bien failli ne pas se tenir pour cause d’épidémie due au coronavirus. Espérée comme une grande réunion populaire, prélude à « l’année de Gaulle », qui voit se succéder le 80e anniversaire de l’appel du 18-Juin, le 130e anniversaire de la naissance et le 50e anniversaire de la mort du Général, cette journée d’hommage a dû être ramenée à des proportions plus modestes. Pas de foule en liesse sur les bords de la route, juste quelques élus et descendants de combattants, placés à un mètre les uns des autres. Mais, comme le dit un proche du chef de l’Etat, « la mémoire, c’est ce qui fait encore écho en nous ». Il ne faut donc pas manquer une occasion de la réveiller.

Emmanuel Macron a cherché à mettre en valeur « l’esprit de résistance » qui selon lui anime ses compatriotes

Emmanuel Macron s’y est employé en un quart d’heure de discours, sans jamais faire référence explicitement à la crise sanitaire qui secoue la France, ni aux polémiques qui assaillent l’Etat et le gouvernement sur leur impréparation à y faire face. Le locataire de l’Elysée n’a eu de cesse que de louer « l’invincible espérance [qui] a jailli dans le cœur d’un homme », son « audace » et son esprit de « conquête » comme autant de réponses à ceux qui lui reprochent de promettre « les jours heureux » avant même d’avoir gagné la « guerre » contre le Covid-19.

Il a surtout cherché à mettre en valeur « l’esprit de résistance » qui, selon lui, anime ses compatriotes. « Il est toujours bon de rappeler aux Français quelles sont leurs qualités », sourit-on à l’Elysée. Cette détermination à se relever, « qui jamais ne meurt, même quand le pays est vaincu », Emmanuel Macron veut même en faire un mantra pour l’après-coronavirus. Explicite, il prévient : « De Gaulle nous dit que la France est forte quand elle sait son destin, quand elle se tient unie, qu’elle cherche la voix de la cohésion au nom d’une certaine idée de la France. » Un écho au slogan « la France unie » que le chef de l’Etat promeut depuis plusieurs semaines pour tenter de répondre à la crise.

Querelles d’héritage

Pendant ce temps-là, le président de la région Hauts-de-France, Xavier Bertrand, se tient debout face à lui, les bras croisés et le visage à moitié recouvert par un masque remonté jusque sur le haut du nez. Personne n’en porte autour de lui. Dans une tribune au Journal du dimanche publiée le matin même, l’ancien du parti Les Républicains se réclame du général de Gaulle, lui aussi, mais pour mieux critiquer en creux Emmanuel Macron. « Pour de Gaulle, un chef ne doit pas parler en permanence, à tort et à travers. Il doit mener son pays d’une main ferme sans se préoccuper de sa popularité et être capable d’assumer seul les bonnes décisions », écrit-il. Une fois son discours achevé, le chef de l’Etat vient à sa rencontre pour le saluer. « Les gens ont souffert. Ils ont hâte que l’économie reprenne », lui lance Xavier Bertrand.

A quelques mètres de là, Yves de Gaulle, petit-fils du Général, observe le ballet avec distance ; il ne veut pas commenter les querelles d’héritage. Le discours d’Emmanuel Macron, en revanche, qui souligne le sacrifice de « ceux de 40 » – 60 000 soldats ont perdu la vie pendant les deux mois de la bataille de France – l’a « ému ». « La France ne fut pas la victime consentante de son effondrement, a souligné le chef de l’Etat. Nos armées furent battues mais elles luttèrent. » « La France du bas, qui s’accroche, qui se défonce, qui fait son boulot, c’est celle-là qui compte, pas celle des corps intermédiaires, des partis politiques. C’est un thème résolument gaulliste », estime Yves de Gaulle, tirant un fil entre cette époque et la nôtre.

Dans ses Lettres, notes et carnets, le général de Gaulle, pour sa part, cherchait à puiser dans la mémoire de la bataille de Montcornet une leçon d’espoir. « Avec les morceaux épars, on peut faire quelque chose de puissant, pour peu qu’on les rassemble – ce fut là toute l’histoire de notre 4e division cuirassée », écrivait-il. Mais cet homme sans cesse tiraillé par le démon de la dépression ajoutait à ce constat une conclusion plus sombre : « Nous sommes un pays qui passe sa vie à traverser des drames et à en tirer de temps en temps des leçons sans que toujours malheureusement ces leçons suffisent à éviter le drame suivant. »

Olivier Faye(Ville-aux-Bois-lès-Dizy (Aisne), envoyé spécial)

17 mai 2020

L’hommage d’Emmanuel Macron au général de Gaulle, 80 ans après la Bataille de France

La première étape d’une série de célébrations cette année en hommage à « l’homme du 18 juin ».

Par L'Obs avec AFP

Emmanuel Macron, ce dimanche 17 mai, dans l’Aisne, rend hommage à « l’esprit de résistance » du général. 

Au son du clairon, Emmanuel Macron s’est recueilli dimanche matin devant le petit monument aux morts de Dizy-le-Gros, dans l’Aisne, en l’honneur des 60 000 morts de la « bataille de Montcornet » où en pleine débâcle s’illustra en mai 1940 un colonel encore inconnu, Charles de Gaulle.

Prévu de longue date, ce déplacement présidentiel est le premier, depuis plus de deux mois, à ne pas être consacré à la lutte contre le coronavirus.

En célébrant cette « défaite courageuse », qui a cependant montré que l’armée française avait réussi à contenir quelques heures l’armée allemande, Emmanuel Macron donne le coup d’envoi d’une série de célébrations cette année pour honorer « l’homme du 18 juin » et son « esprit de résistance ».

Précautions sanitaires

Dans ce petit village de 760 habitants près de Laon, dont les routes d’accès ont été bouclées par la gendarmerie, seuls une poignée d’invités ont accueilli le chef de l’Etat, pour cause de précautions sanitaires. Parmi eux, des descendants de soldats tombés au combat à Dizy le 16 mai 1940, membres du 3e régiment d’automitrailleurs.

Le maire Jean-Marie Bouché a confié :

« Nous sommes très honorés car c’est la première fois qu’on reçoit un président, mais aussi pour l’hommage aux soldats tués et à leurs familles. Mais aussi un peu tristes que, à cause du Covid, on ne puisse pas en faire profiter la population ».

Emmanuel Macron devrait ensuite se rendre à La-Ville-aux-Bois-les-Dizy pour un discours en hommage à l’action de Charles de Gaulle qui lança le 17 mai 1940 la 4e division cuirassée pour tenter de freiner l’avancée rapide de la Wehrmacht dans le nord et l’est de la France.

La « bataille de Montcornet » échoua mais elle fut ensuite considérée comme une « défaite courageuse », l’une des rares contre-attaques montrant que l’armée française pouvait mettre en difficulté les Allemands.

« C’est à partir de là » que « l’espérance » a « grandi et fini par ce que l’on a appelé la libération de la France », a déclaré de Gaulle en revenant sur les lieux, comme président, un quart de siècle plus tard.

Dans son discours, Emmanuel Macron « honorera le refus de la résignation et l’esprit de résolution et de résistance » dont le haut-gradé avait fait preuve face à « l’esprit de défaite » de certains responsables militaires et politiques français, indique l’Elysée.

Macron, « adepte du dépassement »

Pour cette cérémonie sobre et en format restreint en raison de la pandémie, le chef de l’Etat est accompagné dimanche du ministre des Comptes publics Gérald Darmanin, d’Yves de Gaulle, petit fils de l’ancien président, de Xavier Bertrand, président (ex-LR) des Hauts-de-France et d’Hervé Gaymard, président de la Fondation de Gaulle.

Cette année, Emmanuel Macron entend célébrer deux autres anniversaires : les 80 ans de l’Appel du 18 juin au Mont-Valérien et peut-être à Londres si les conditions sanitaires le permettent ; puis le 50e anniversaire de la mort de de Gaulle, le 9 novembre 1970 dans sa propriété de Colombey-les-Deux-Eglises, dans la Haute-Marne.

Depuis le début du quinquennat, Emmanuel Macron a, à plusieurs reprises, marqué son admiration pour le fondateur de la Ve République, avec notamment la présence des « Mémoires de guerre » du général sur sa photo officielle ou l’ajout d’une croix de Lorraine au logo de l’Elysée.

« La forme de dépassement au-dessus des partis au service de la Nation » prônée par de Gaulle « a pu inspirer Emmanuel Macron, lui-même adepte du dépassement », souligne l’entourage du président.

« Utilisations politiques »

Ces commémorations sont peu contestées en France, où de Gaulle « est entré au patrimoine » et où « l’anti-gaullisme a désormais quasiment disparu », selon la même source.

Mais certains, notamment à droite - Les Républicains se revendiquent comme étant le parti gaulliste -, mettent en garde contre une récupération politique.

Emmanuel Macron « aime beaucoup commémorer, revêtir les habits de tel ou tel grand personnage de notre histoire », estime Bruno Retailleau, chef de file des sénateurs LR. Mais il faut, selon lui, « distinguer ce qui est de l’ordre de la commémoration » et « les utilisations politiques qui peuvent être faites de ce type de rendez-vous ».

La notion de « souveraineté » est la valeur attachée au gaullisme qui est la plus mise en avant par les partis de gauche comme de droite, en particulier depuis le début de la crise du coronavirus.

Même l’extrême-droite, de tradition anti-gaulliste en raison notamment de la guerre d’Algérie, voit aujourd’hui en de Gaulle l’incarnation de « la souveraineté, l’indépendance, la capacité à dire non, à se rebeller », selon Philippe Olivier, conseiller spécial de Marine Le Pen.

10 mai 2020

Nantes, premier port négrier français

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Article de Anna Quéré

Le 10 mai, la Journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions est un moment fort à Nantes. Le port ligérien fut, en effet, le premier port négrier français au XVIIIe siècle.

À Nantes, sur les quais de Loire, se succèdent 2 000 plaques de verre. Elles rappellent le nom des navires et les dates de départ des expéditions négrières nantaises ainsi que les comptoirs, les ports d’escale et les ports de vente du commerce d’êtres humains. La ville porte, en effet, un lourd passé lié à la traite des esclaves.

« Rentabiliser » les expéditions

Dès la découverte du Nouveau Monde, la traite négrière atlantique se développe. La France prend une part active à ce commerce entre le XVIIe et le XIXe siècle, en déportant 1,3 million d’Africains, principalement vers ses colonies américaines, des Grandes Antilles, de la Guyane et celles de l’océan Indien. Parmi les principaux ports d’armement négrier, Nantes occupe incontestablement la première place : « Le port ligérien est bien la « capitale » française de la traite des Noirs », précise l’historien Bernard Michon. Durant deux siècles, les Nantais participent très activement au commerce triangulaire : au XVIIIe siècle, 450 000 à 600 000 esclaves sont amenés dans les colonies du Nouveau Monde par les navires négriers nantais. Sur 4 220 expéditions négrières françaises recensées entre le XVIIe et le XIXe siècle, 42 % partent du port de Nantes.

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Arrivés d’Europe avec des marchandises manufacturées, les bateaux échangent les biens sur les côtes d’Afrique contre des captifs fournis par des négriers africains. Ces navires transportent ensuite leur marchandise humaine à travers l’Atlantique avant de rejoindre l’Europe, les cales pleines de coton, sucre, cacao ou café. Les voyages durent en moyenne quinze mois. Le 12 mars 1741, La Reine des anges quitte le port de Nantes pour la côte de Guinée. Les armateurs, les frères de Beauvais-Razeau, adressent des recommandations précises au capitaine afin de « rentabiliser » l’expédition : il faut des esclaves « jeunes, bons et sains », de l’or, mais « de qualité » et des dents d’éléphants. Sitôt atteint le nombre de « quatre cents beaux et bons esclaves », le capitaine a pour ordre de mettre le cap sur Saint-Domingue, pour éviter les pertes. La traversée de l’Atlantique est périlleuse avec des risques de tempêtes ou d’avaries. Les équipages craignent également une mutinerie des prisonniers. C’est ce qui se produit en septembre 1738. En pleine mer, des captifs de L’Africain tentent de s’emparer du navire. La répression est cruelle. Dans cette prison en mer, les déportés succombent souvent dans d’extrêmes souffrances. En 1732, sur Le Dauphin, l’eau de piètre qualité « a donné aux Noirs le flux de sang, cour de ventre et scorbut, desquelles maladies ils sont tous morts ». À l’arrivée à Fort-de-France (Martinique), le procès-verbal de déclaration atteste « avoir vu jeté à la mer cent trente-sept Noirs depuis le commencement de la traite ».

Des profits considérables

Malgré les difficultés, le commerce est florissant. Nantes est une plaque tournante en France pour la distribution du sucre en Europe. Gens de mer, constructeurs de navires, manufacturiers ou ouvriers : l’ensemble de la population portuaire participe, à un degré plus ou moins important, au commerce colonial. 4 000 hommes embarquent chaque année sur ces navires. « L’esclave est un capital, donc précieux, et le matelot un simple outil, remplaçable, un prolétaire pris entre le marteau et l’enclume », précise l’historien américain Markus Rediker. Mais ce sont avant tout les négociants et les armateurs qui s’enrichissent. « C’est dans cette couche de la société, où se confondent nobles et bourgeois, que se constituent les fortunes dont la partie visible apparaît dans les constructions qu’ils édifient, hôtels urbains et maisons de campagne », écrivent les auteurs de l’ouvrage « Commerce atlantique, traite et esclavage ».

L’abolition de la traite des Noirs est définitive en 1831. Mais les négociants nantais traînent des pieds et poursuivent illégalement le commerce d’esclaves. Le décret du 27 avril 1848 abolit l’esclavage et met un coup d’arrêt immédiat à l’activité de la traite des Noirs à Nantes .

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Pour en savoir plus

« Commerce atlantique, traite et esclavage (1700-1848) ». Recueil de documents des Archives départementales de Loire-Atlantique, Philippe Charon (dir.), Samuel Boche, Jean-François Caraës et Morgan Le Leuch, PUR, 2018.Site du Mémorial de l’abolition de l’esclavage à Nantes : memorial.nantes.fr« Histoire populaire de la Bretagne », Alain Croix, Thierry Guidet, Gwenaël Guillaume, Didier Guyvarc’h, PUR, 2019.

Musée d’Histoire de Nantes ; www.chateaunantes.fr

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