CANNES : Deux jours, une nuit, film magnifique des Dardenne Marion Cotillard au top de l’émotion
Et revoilà les frères Dardennne à Cannes et sur les écrans français. Tels qu’on les avait quittés après Le gamin au vélo, il y a trois ans. Percutants, sensibles, douloureux et magnifiques. Tout proches d’aller cueillir une troisième récompense suprême sous les palmiers de la Croisette. Dans Deux jours, une nuit , ils racontent cette fois la précarité du marché du travail. À travers le destin de Sandra, une ouvrière de la banlieue de Liège en situation incertaine. Ses collègues de travail viennent de lui signifier par un vote la porte de sortie de l’entreprise. C’était elle ou leur prime. Tous, ils ont de bonnes raisons de choisir la sécurité d’un petit plus sur leur bulletin de salaire. Ils en ont besoin, pour payer ceci ou cela dans des fins de mois difficiles. Pourtant, poussée, épaulée, requinquée par son mari, Sandra se donne le temps d’un week-end pour remettre en cause le verdict de ce scrutin formel. Elle ira frapper à la porte des uns et des autres pendant des deux jours d’incertitude. Elle entreprend de les convaincre de revenir sur leur choix, au cours d’un nouveau vote, à la reprise du boulot le lundi matin. Sandra, c’est Marion Cotillard. Tellement engagée et immergée dans la composition de son personnage qu’on en oublie l’Oscar et tout le tralala autour de sa jeune carrière. Dans ce festival de Cannes qui fait la part belle aux femmes, elle prend toute sa place avec un tempérament, une énergie et une sensibilité de toutes les scènes. Femme fragile et vulnérable peut-être, mais femme combattante, volontaire et déterminée surtout. Qui retrouve toute sa dignité en relevant la tête dans le défi que lui impose la vie sociale.
Du mélo dans l’air
Il y a du mélo dans l’air, mais comme à leur meilleure habitude, les frères belges trouvent le ton (celui du tact et de la mesure) pour raconter l’extrême cruauté des conditions d’insertion dans le monde du travail. Adieu solidarité, bonjour l’égoïsme. Pourtant, au-delà des rigueurs de ce chacun pour soi, leur humanité croit saisir aussi l’espoir d’un salut possible. Celui qu’apporte une dignité retrouvée. 1h35.
Article de Pierre FORNEROD.
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Profil
Avec son Marcel rose délavé, son sac en bandouillère, ses cheveux en bataille, elle arpente l’anoymat d’une banlieue belge. On a fréquenté Marion Cotillard dans des prestations plus glamour. C’est sûr. Mais plus émouvantes, il faut chercher. C’est la magie des frères Dardenne. Il y a trois ans, ils offraient à Cécile de France de ressusciter avec Le gamin au vélo, au sortir d’une expérience américaine ratée sous la direction de Clint Eastwood. Cette fois-ci, ils permettent à La môme de revenir dans un rôle d’une profonde humanité qui fera oublier sa participation à The Dark Night Rises (Batman) Mais toute la carrière, de Cotillard, débutée sous la direction d’Arnaud Depleschin dans Comment je me suis disputé ma vie sexuelle, aura été marquée du signe du contrepied. Trois Taxi, ça n’est sans doute pas ce qu’elle a fait de mieux. Mais ils l’ont déposée au pied des caméras de Tim Burton ( Big Fish ), Jean-Pierre Jeunet ( Un long dimanche de fiançailles) , Abel Ferrara ( Mary ), Ridley Scott (A Good Year) , Woddy Allen (Midnight in Paris ), Jacques Audiard (De rouille et d’os )… Avec séjours répétés auprès de son chéri, Guillaume Canet, pour Les petits mouchoirs et Blood Ties. Marion Cotillard s’est parfois égarée dans ses choix. Mais c’est toujours la même comédienne, travailleuse et déterminée, qui revient à l’écran. À Cannes, elle prend une longueur d’avance sur la concurrence. Poignante à vous tirer des larmes. Mais c’est peut-être l’équipe de son film qui lui barrera l’accès à une récompense. Si les frères Dardennne devaient décrocher une Palme d’Or, la troisième pour eux, ils interdiraient toute autre récompense à leur film…