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Jours tranquilles à Paris
internet
19 mars 2020

Coronavirus : Internet va-t-il résister à l’afflux de travailleurs à distance ?

internet tele travail

POLITICO (BRUXELLES)

Pour endiguer l’épidémie de Covid-19 et limiter au maximum les déplacements des personnes, de nombreux gouvernements ont imposé le travail à distance. Par conséquent, le trafic Internet a sensiblement augmenté, note le site Politico, qui se demande si le réseau mondial peut tenir le coup.

La diffusion du coronavirus au niveau mondial a déjà un effet visible sur la Toile. Depuis le début de la crise, “le trafic global sur Internet a augmenté de plus de 50 %”, fait remarquer le site d’information bruxellois Politico, qui s’appuie sur les chiffres fournis par la société Akamai. Cette brusque croissance dans l’utilisation d’Internet est en partie due aux mesures prises par bon nombre de gouvernements (dont la France), qui “ont ordonné aux personnes de travailler de chez eux pour limiter la diffusion du virus”, rappelle Politico, et cela soulève des questions :

On commence à se demander comment Internet – des réseaux mobiles aux réseaux de fibre optique à très haut débit – pourra faire face, tandis que de plus en plus de personnes se connectent de leur salon.”

Les applications de vidéoconférence ont connu des pannes

Doit-on en somme redouter une sorte de “bug de l’an 2000” à échelle mondiale ? Pour l’instant, “le réseau s’en sort globalement pas mal”, tient à nous tranquilliser le site bruxellois, ce qui n’empêche pas que des problèmes soient déjà à signaler. Ainsi, Politco affirme que “certains services numériques comme les applications de vidéoconférence ont connu des pannes, submergées par le nombre de nouveaux clients désireux de se connecter avec des collègues ou des clients.”

Certains services sont d’ores et déjà en difficulté et d’autres pourraient l’être bientôt, renchérit le site. “Les applications d’enseignement à domicile, désormais largement utilisées, seront mises à rude épreuve”, croit savoir le média, qui affirme :

Les régulateurs subiront des pressions pour modifier les lois existantes sur la neutralité d’Internet afin de donner la priorité à certains trafics par rapport à d’autres.”

Des choix pourraient donc être nécessaires dans un avenir proche, et ce qui se passe au-delà des Pyrénéens semble confirmer cette théorie. En Espagne, raconte Politico, “les compagnies Orange et Telefónica ont appelé les personnes à diminuer l’utilisation de trafic Internet ‘non nécessaire’ et à utiliser des téléphones traditionnels (c’est-à-dire pas des portables) lorsque cela est possible”.

Quant à l’Italie, le pays européen le plus touché par la crise, les donnés montrent que les transalpins – contraints à rester à la maison – utilisent désormais davantage le wifi (plutôt que les données mobiles). Néanmoins, les experts d’OpenSignal (une société qui analyse les données de connexion des téléphones portables) remarquent “un ralentissement de la vitesse des données mobiles dans le pays”, parce que “les réseaux italiens ont du mal à suivre, les gens diffusent plus de vidéos en continu ou les connexions mobiles sont, au mieux, inégales dans les foyers”.

Pourtant, d’un point de vue plus global, bon nombre d’experts interrogés par Politico se montrent positifs quant à la tenue globale du système. C’est le cas de Matthew Howett, fondateur d’Assembly, une société de conseil en réglementation des télécommunications à Londres. “Certaines personnes rencontrent en effet aujourd’hui des problèmes avec les services en ligne, concède-t-il, mais c’est un problème avec ces services et non avec le réseau.”

“Même si tout le monde faisaient du télétravail on pourrait toujours garantir une connexion fluide”

Encore plus confiant, un employé de DE-CIX, un point d’échange Internet situé à Francfort, en Allemagne, confie à Politico :

Même si toutes les entreprises en Europe décidaient de faire travailler leurs employés à domicile et que le championnat d’Europe de football devait être diffusé en même temps, DE-CIX pourrait toujours fournir les bandes passantes nécessaires pour des connexions fluides.”

Une affirmation qui ne pourra être mise à l’épreuve, puisque l’Euro 2020 n’aura finalement pas lieu cette année.

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5 mars 2020

Chronique - « Les coupures d’Internet creusent le fossé entre les pays pauvres et le reste de l’économie mondiale »

Par Julien Bouissou

L’Inde, qui fait la promotion des nouvelles technologies, figure parmi les pays les plus prompts à bloquer leur accès, relate notre journaliste Julien Bouissou dans sa chronique.

Les pays émergents font face à une disruption économique bien plus ravageuse que celle provoquée par le coronavirus. En 2019, les coupures Internet imposées par les autorités ont coûté 7,3 milliards d’euros à des économies situées pour la plupart en Asie et en Afrique, selon les calculs de Cost of Shutdown Tool, un outil développé par les organisations non gouvernementales (ONG) NetBlocks et The Internet Society. Ces pertes économiques ont quadruplé depuis 2016.

Les autorités invoquent la lutte contre le terrorisme, les risques de manifestations et d’émeutes et même la triche aux examens pour justifier ces coupures, sans toujours avoir conscience de leurs conséquences économiques et sociales.

Parmi les pays les plus touchés, on trouve l’Inde, qui se définit pourtant comme étant la plus « grande démocratie du monde ». Avec 4 196 heures de coupure Internet en 2019, elle arrive deuxième sur la liste, juste après le Tchad.

La région du Cachemire a été la plus affectée après la révocation, à l’été 2019, de son autonomie par le pouvoir central à Delhi. Pour s’inscrire aux examens, les habitants devaient emprunter un train surnommé « Internet Express » et rejoindre la ville connectée la plus proche, avant de faire la queue des heures devant les webcafés.

Entre 5 % et 6 % du PIB africain

Mais la suspension de l’accès à Internet et aux réseaux sociaux est également imposée dans d’autres Etats de la fédération pour éviter les lynchages ou les émeutes, dans un pays où les fausses informations, sur fond d’extrémisme hindou belliqueux, se propagent à toute vitesse.

Ces coupures sont si nombreuses que la Cour suprême a décidé de s’emparer du sujet. Les magistrats de la plus haute juridiction indienne ont rappelé en janvier que l’accès à Internet était une « liberté fondamentale » et que les coupures devaient être « exceptionnelles ».

C’est là tout le paradoxe des démocraties illibérales comme l’Inde : elles font la promotion des nouvelles technologies, présentées comme un gage de modernité, mais sont les plus promptes à bloquer leur accès.

Le premier ministre Narendra Modi, à la tête du pays détenteur du record mondial de la plus longue coupure Internet dans une démocratie, est aussi l’initiateur d’un grand plan Inde numérique. Il a en outre démonétisé du jour au lendemain 87 % des billets en circulation au nom de la numérisation des moyens de paiement et de la lutte contre la corruption.

DANS LES PAYS PAUVRES ET ÉMERGENTS, L’INTERNET MOBILE EST UN FACTEUR D’INCLUSION SOCIALE ET ÉCONOMIQUE

Dans les pays pauvres et émergents, l’Internet mobile est un facteur d’inclusion sociale et économique qui ouvre de nombreuses occasions économiques, tout en offrant un accès à la santé et à l’éducation. Il est par exemple utilisé pour diffuser des informations destinées à contenir les épidémies. « Les pays africains ont un secteur informel important qui repose largement sur les communications téléphoniques, les paiements mobiles et l’utilisation d’applications comme WhatsApp ou Facebook », ajoute le groupe de réflexion Cipesa (The Collaboration on International ICT Policy in East and Southern Africa), basé en Ouganda, dans un rapport de 2017.

La plupart des travailleurs du secteur informel utilisent en effet des réseaux comme WhatsApp ou Facebook pour répondre aux offres d’emploi ou proposer leurs services. Ils utilisent leurs smartphones pour transférer de l’argent ou avoir accès à des marchés lointains. Le cabinet de conseil McKinsey a calculé que, d’ici à 2025, l’Internet représenterait entre 5 % et 6 % du produit intérieur brut africain.

D’autres effets indirects sont plus difficiles à mesurer, notamment sur l’innovation, la productivité, la confiance des investisseurs ou l’attractivité d’un pays.

Dans un rapport publié en juin 2016, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) rappelait qu’un « Internet ouvert est un catalyseur du commerce mondial ». Les chaînes de valeur, dont on parle tant en cette période de crise du coronavirus, passent aussi par les câbles Internet.

Les coupures peuvent faire sauter l’un des chaînons du circuit mondialisé d’approvisionnement et discréditer un fournisseur, voire un pays, auprès de ses clients et distributeurs dans le reste du monde. Elles creusent le fossé entre les pays pauvres et le reste de l’économie mondiale.

18 février 2020

Numérique : le cloud, enjeu de souveraineté

Par Sophy Caulier

En dépit de l’échec des premiers clouds souverains, la France ne veut pas baisser les bras et défend l’idée d’une solution nationale ou européenne pour abriter les données sensibles et échapper à la mainmise des géants américains.

Le 1er février, Cloudwatt s’est éteint. Discrètement, sans fleurs ni couronnes, les derniers ordinateurs ont été débranchés. Un message laconique sur le site d’Orange confirme la fermeture définitive de ce « cloud souverain », un service d’hébergement sécurisé de données. Voulu par le gouvernement en 2012, ce service devait proposer aux administrations et aux entreprises une offre nationale – comprendre non américaine – d’hébergement en ligne de leurs données sensibles pour en garantir la confidentialité. Las, malgré 250 millions d’euros investis par l’Etat et par les principaux partenaires, notamment Orange et SFR, ce projet n’a pas trouvé son public.

« Il nous manquait les volumes ; ni l’Etat ni les services publics n’ont vraiment adhéré au projet. Les besoins étaient très différents d’une institution à une autre, l’écosystème n’était pas assez développé et la certification des applications augmentait de beaucoup le coût de la solution », explique Helmut Reisinger, directeur général d’Orange Business Services (OBS). Le retard pris à ce moment-là sur les fournisseurs américains – Amazon, Microsoft et Google – n’a fait que s’accentuer depuis. Et faute d’offre nationale, « les utilisateurs n’ont pas eu d’autre choix que de recourir à des solutions non souveraines », souligne Stéphane Volant, président du Club des directeurs de sécurité et de sûreté des entreprises (CDSE).

Ces déboires ont fini par bannir le terme de « cloud souverain » du vocabulaire des politiques et des industriels. Pourtant, de plus en plus d’entreprises et de particuliers sont séduits par l’idée de faire héberger leurs données en ligne, dans des nuages (cloud) d’ordinateurs, situés parfois au bout du monde. Avantages de cette solution : elle mutualise les ressources (ordinateurs et logiciels), qui sont disponibles à la demande, simplifie le stockage des données et facilite l’accès à un coût abordable à des solutions puissantes et actualisées en permanence.

« LES GRANDS ACTEURS AMÉRICAINS ONT ÉNORMÉMENT INVESTI ET CRÉENT SANS ARRÊT DE NOUVELLES FONCTIONNALITÉS QUI APPORTENT DE L’INNOVATION », CONSTATE EMMANUELLE OLIVIÉ-PAUL

« Beaucoup d’entreprises migrent leurs applications vers AWS ou Azure, les clouds d’Amazon et de Microsoft, car ces grands acteurs américains ont énormément investi et créent sans arrêt de nouvelles fonctionnalités qui apportent de l’innovation et donc de la performance », constate Emmanuelle Olivié-Paul, directrice associée au cabinet Markess. En témoigne l’adoption massive par les entreprises du monde entier de solutions comme celle de la gestion de la relation client de Salesforce ou avec Office 365 de Microsoft. Ou encore celle, par les particuliers, des services de stockage en ligne de photos et de vidéos.

Vulnérabilité de certaines solutions

Le modèle économique est donc aujourd’hui en faveur du cloud. Mais les risques qu’il comporte sont, eux aussi, apparus au grand jour. En novembre 2019, le Wall Street Journal révélait que Google accédait aux données médicales de millions de patients américains sans leur consentement, grâce à un contrat signé avec Ascension, un grand acteur de la santé aux Etats-Unis, afin d’améliorer le parcours de soins à l’aide d’intelligence artificielle…

Imagine-t-on que les informations commerciales de milliers d’entreprises européennes soient librement consultées par le département du commerce des Etats-Unis ou que les documents du dernier conseil d’administration soient accessibles à un ambitieux concurrent ? « Un document d’une mairie, par exemple, a peu de valeur s’il est isolé ; mais si vous agrégez les documents de toutes les mairies, vous avez énormément d’informations à votre disposition, illustre Edouard de Rémur, cofondateur d’Oodrive, gestionnaire de données dans le cloud. Et si un problème quelconque survenait demain sur le cloud américain – qui hébergerait les documents des mairies –, elles ne pourraient plus fonctionner ! » Transposé en période d’élections, cet exemple illustre la vulnérabilité de certaines solutions.

« L’EXTRATERRITORIALITÉ DU CLOUD ACT EST UN PIED DE NEZ DES ETATS-UNIS AU MONDE ! » AFFIRME JEAN-NOËL DE GALZAIN

L’Etat français et les entreprises les plus stratégiques peuvent-ils stocker et traiter leurs données en ligne dans des immenses centres de données gérés par des acteurs américains ou chinois ? La question est devenue encore plus cruciale en mars 2018, lorsque le Congrès américain a adopté le Cloud Act (Clarifying Lawful Overseas Use of Data Act). Cette loi autorise les forces de l’ordre et les agences de renseignement du pays à accéder à des données stockées par des opérateurs américains en cas de suspicion de crime ou de menace terroriste, et ce quelle que soit la localisation dans le monde de ces données.

Concrètement, une entreprise américaine peut demander à un juge l’autorisation d’accéder aux données d’un de ses concurrents français, par exemple, si cette société a recours aux services d’un fournisseur de cloud de nationalité américaine, même si ses données sont hébergées en France ou en Europe, arguant que cette société vend des produits en Iran, par exemple, ce qui contrevient aux lois américaines… « Cette extraterritorialité du Cloud Act est un pied de nez des Etats-Unis au monde ! » affirme Jean-Noël de Galzain, PDG de Wallix et président d’Hexatrust, groupement d’entreprises du cloud et de la cybersécurité.

« Un cloud de confiance »

Ainsi montrés du doigt, les Amazon, Google ou Microsoft répondent qu’ils respectent parfaitement les réglementations européennes, à commencer par le règlement général sur la protection des données (RGPD). « Il y a une mauvaise compréhension des lois américaines, détaille Julien Groues, directeur général d’AWS France. Le gouvernement n’a pas accès aux données. Il faut demander à un juge et il faut qu’il y ait un acte criminel… Sur les douze derniers mois, il y a eu vingt-cinq demandes dans le monde, et aucune ne concernait la France. Nous conseillons à nos clients, dont plusieurs grandes sociétés du CAC 40, de chiffrer leurs données. Ainsi, la seule chose qu’ils pourraient transmettre à un juge sont des données chiffrées, et donc inutilisables, car seul le client a la clé de chiffrement. Il est donc le garant de la sécurité de ses données. »

Plusieurs exemples lui donnent raison. Ainsi, Airbus héberge chez AWS sa plate-forme Skywise de maintenance prédictive, qui consolide les données de milliers d’avions. De même, Doctolib a confié sans hésitation ses données à Amazon et à d’autres acteurs, puisqu’elles sont chiffrées de bout en bout.

« LE MARCHÉ COMME LES CLIENTS SONT PLUS MATURES ET LES ACTEURS ONT PROGRESSÉ, EN FRANCE COMME EN EUROPE », AFFIRME GODEFROY DE BENTZMANN

Ces arguments n’empêchent pas le ministre de l’économie et des finances, Bruno Le Maire, et le commissaire européen au marché intérieur et au numérique, Thierry Breton, ainsi que nombre d’acteurs du secteur, d’insister sur la nécessité d’un cloud stratégique et sécurisé, français ou européen, dans lequel les Etats et les entreprises pourraient stocker leurs données sensibles. « Aujourd’hui, le marché comme les clients sont plus matures et les acteurs ont progressé, en France comme en Europe. Tout est prêt pour un cloud de confiance ! » affirme Godefroy de Bentzmann, président du syndicat professionnel Syntec Numérique. Avec Tech in France, association de l’industrie numérique, ce dernier vient d’adresser aux pouvoirs publics dix recommandations « pour une ambition européenne en matière de cloud qui concilie souveraineté numérique et besoins du marché ».

« Il faut chasser en meute »

« Les données sont un élément de la création de valeur, mais aussi un enjeu stratégique et éthique, développe Michel Paulin, directeur général d’OVH. Le stockage de ces données est un acte de puissance. Aujourd’hui, 60 % des données mondiales sont stockées par des acteurs américains ou chinois. C’est bien un enjeu de souveraineté ! L’Europe est-elle capable d’apporter une réponse industrielle, financière, politique, éthique et stratégique à cet enjeu ? » A l’heure de la cyberguerre, et malgré l’échec de premières tentatives, les données numériques sont des actifs qui méritent d’être protégés. « On parle d’indépendance énergétique, il est temps de parler d’indépendance numérique ! Il faut une stratégie de filière, un contrat entre l’Etat et les acteurs, et que l’Etat agisse pour faire vivre ce marché », indique Edouard de Rémur.

L’Etat semble avoir pris la mesure des enjeux. Un des cinq projets du contrat signé fin janvier par le comité stratégique de filière pour les industries de sécurité, baptisé « Numérique de confiance », prévoit de structurer l’offre française afin de sécuriser les données sensibles des entreprises. « L’Etat doit avoir une doctrine claire sur l’utilisation des données sensibles et, pour cela, il faut définir ce qui est sensible pour chaque administration ou entreprise, car la sensibilité est un concept très différent d’une organisation à une autre », prévient Servane Augier, directrice déléguée d’Outscale, la filiale cloud de Dassault Systèmes.

Malgré ces efforts et cette prise de conscience, il reste du chemin à faire. A commencer par la construction d’un véritable écosystème national d’offres. « Il faut chasser en meute », rappelait récemment Marc Darmon, directeur général adjoint de Thales et président du comité stratégique de filière pour les industries de sécurité.

« Le coût de la souveraineté »

Mais construire d’autres possibilités aux offres intégrées, éprouvées, très fonctionnelles et accessibles d’AWS, de Microsoft ou de Google ne sera pas une partie de plaisir. « Il faut garder à l’esprit que les grands fournisseurs américains de cloud ont énormément investi au cours de la dernière décennie, de l’ordre de 150 milliards de dollars (138 milliards d’euros). Chaque année, ils ont doublé la taille de leur infrastructure. Les problèmes qu’ils ont eu à résoudre ont enrichi leur expérience et ils réalisent des économies d’échelle en étant présents dans le monde entier. Il est impossible pour de nouveaux acteurs d’atteindre ce niveau ! » argumente Bernard Ourghanlian, directeur technique et sécurité de Microsoft France.

« IL N’EST PAS NÉCESSAIRE DE CRÉER DE NOUVEAUX ACTEURS, IL FAUT ADAPTER ET DÉVELOPPER LES OFFRES EXISTANTES. AVEC OVH, OUTSCALE, OODRIVE ET BIEN D’AUTRES, NOUS AVONS UN POTENTIEL FABULEUX », ESTIME JEAN-NOËL DE GALZAIN

Message reçu pour Jean-Noël de Galzain : « Il n’est pas nécessaire de créer de nouveaux acteurs, il faut adapter et développer les offres existantes. Avec OVH, Outscale, Oodrive et bien d’autres, nous avons un potentiel fabuleux. Nous ne travaillons pas en adversaires, il nous faut bâtir des espaces de confiance avec des partenaires européens ou américains. L’enjeu est de maîtriser l’ensemble de la chaîne de valeur. »

La souveraineté a toutefois un prix. « On nous dit que le cloud souverain français coûtera entre 10 et 15 % de plus et qu’il offrira moins de fonctionnalités au début que les solutions américaines… La question est donc : quel est le coût de la souveraineté et qui est prêt à le payer ? » s’inquiète Stéphane Volant.

Les grands acteurs américains ne restent pas indifférents à cette aspiration à la souveraineté qu’ils sentent monter dans tous les pays. De fait, ils participent aux groupes de travail du projet de cloud souverain européen. « La nouvelle génération de politiques a une meilleure culture du numérique ; quand Emmanuel Macron parle en anglais devant les start-up à Station F ou que Thierry Breton évoque le sujet au niveau européen, cela augmente la visibilité de la France dans le domaine. Nous avons de bons ingénieurs et décideurs, les industriels sont prêts à y aller, il semble que les étoiles soient alignées pour que le cloud souverain devienne réalité », analyse Francis Weill, président d’EuroCloud, association des acteurs du cloud. Reste à convaincre un acteur essentiel, et souvent moins enthousiaste : le client.

14 février 2020

Les publicitaires digèrent mal la fin des cookies sur Internet

Par Vincent Fagot

Sans ces fichiers, les entreprises ne pourront plus tracer les internautes pour leur envoyer des publicités ciblées. Tout un pan de leur modèle risque de s’effondrer au profit des « GAFA ».

Panique à bord. « Il faut se préparer à un tsunami », « on va dans le mur »… Telles sont les réactions que l’on peut entendre dans le milieu français de la publicité depuis que, le 14 janvier, Google a annoncé la suppression d’ici à deux ans des cookies tiers – qui sont ceux principalement utilisés par les annonceurs – sur son navigateur Chrome, le plus populaire de la planète avec plus de 60 % de part de marché.

Même si le cookie n’a pas été conçu pour cela, ce petit bout de code déposé au gré de votre navigation sur le Web fait, depuis des années, la fortune des acteurs de la pub. « Il leur donne des informations sur les internautes, notamment leur intérêt pour tel ou tel produit, peut-être une intention d’achat », explique Jean-Baptiste Rouet, président de la commission digitale de l’Union des entreprises de conseil et achat média (Udecam).

Grâce à cette technique, les professionnels ont pu acquérir une connaissance extrêmement fine des audiences, optimiser leurs campagnes, en mesurer l’efficacité, et ainsi mieux monétiser leur savoir faire. Sans elle, c’est toute une galaxie d’intermédiaires de la chaîne publicitaire, qui se trouverait plongée dans le noir.

Pour les internautes qui aspirent à être moins tracés lors de leur navigation sur la Toile, c’est a priori une bonne nouvelle. Mais pour les entreprises qui vivent des cookies, c’est une tout autre histoire. Les géants américains, qui se sont imposés comme les leaders de la publicité digitale (Google et Facebook s’accaparent aujourd’hui 75 % du marché en France), pourraient se réserver les meilleures technologies d’annonce ciblée. Et ainsi donner le coup de grâce à leurs concurrents.

Virage stratégique

D’ailleurs, à peine la firme de Mountain View (Californie) avait-elle dévoilé ses intentions que l’action Criteo dévissait en Bourse : – 16 % en une seule journée. Une sanction logique, la société s’étant construite sur l’exploitation de ces cookies. Sa technologie permet à ses clients de faire afficher sur l’écran de l’internaute une réclame sur un produit pour lequel il a déjà manifesté de l’intérêt.

La décision du groupe américain a « créé de l’anxiété » sur les marchés, admet le fondateur et président de Criteo, Jean-Baptiste Rudelle. Mais a-t-elle surpris ? Avant Chrome, d’autres navigateurs ont fait la chasse à ces mouchards : Firefox d’abord puis surtout Safari (Apple) à partir de 2017. La marque à la pomme avait alors bien senti l’intérêt – en termes d’image – de défendre la confidentialité des données de ses utilisateurs à un moment où de plus en plus de particuliers s’équipaient de logiciels permettant de bloquer la publicité et s’insurgeaient contre les scandales à répétition (Cambridge Analytics, par exemple). Une posture d’autant plus facile à adopter pour la firme de Cupertino (Californie) qu’elle n’est pas du tout présente dans ce business.

A ce virage stratégique se sont ajoutées de nouvelles obligations juridiques plus protectrices pour les internautes, comme le règlement européen pour la protection des données en Europe (le RGPD, entré en vigueur en mai 2018), ou son pendant californien le CCPA.

Dès lors, la décision de Google apparaissait inéluctable. « Peut-être certains espéraient-ils que ça ne se produirait pas si vite, mais cela correspond à un mouvement de fond, Google ne pouvait pas résister », estime Michaël Froment, PDG et fondateur de Commanders Act, une société de marketing numérique.

« Un mal nécessaire »

En outre, ce modèle de ciblage avait commencé à atteindre ses limites. « Le cookie est basé sur le navigateur lié à un appareil. Or plusieurs personnes peuvent utiliser cet appareil et une personne peut en utiliser plusieurs », détaille Vincent Chevalier, de la société en conseil marketing et data Impulse Analytics. En fait, le cookie est devenu de moins en moins fiable. « Quelque part, l’initiative de Google est un mal nécessaire », admet M. Rouet, de l’Udecam. Mais pas à n’importe quel prix.

Pour la myriade de sociétés présentes dans la pub et le marketing numérique, qui craignent déjà d’être les grands perdants de ce monde sans traceurs, il s’agit, bien sûr, d’une bataille économique pour le marché de la publicité digitale avec 333 milliards de dollars en 2019 à l’échelle mondiale (307 milliards d’euros), et 385 milliards de dollars attendus en 2020 et aussi de l’affrontement de deux conceptions du Web.

D’un côté, il y aurait les plates-formes, qualifiées de « jardins clos » (Google, Facebook, etc.), auxquelles les utilisateurs abandonnent leurs informations les plus personnelles (identité, localisation, relations personnelles, etc.) lors de l’inscription, généralement avec leur adresse email – le Graal pour un annonceur. De l’autre, on trouverait les défenseurs de l’Open Web, un Internet ouvert, où des éditeurs de contenus (comme les médias) peuvent proposer des sites en libre accès aux internautes, en échange d’une exposition à la publicité qui les finance et d’une captation de données « pas ultra-confidentielle et individualisée », souligne M. Rouet.

Persuadés que ce modèle doit subsister au risque d’une hégémonie sans partage des GAFA sur le Net, les acteurs du marché ne peuvent se résoudre à la suppression de la publicité ciblée, plus efficace et plus rentable. « Il ne faut pas revenir à un monde où la réclame n’est pas intéressante. La pub, elle est là pour générer de la croissance pour les entreprises », plaide Jean-Luc Chetrit, directeur général de l’Union des marques.

La firme américaine assure que son ambition est de créer un standard de confidentialité, que les utilisateurs et les régulateurs appellent de leurs vœux, sans pour autant compromettre l’Open Web. A cette fin, il a lancé dès 2019 une initiative baptisée Google Sandbox, qui doit permettre aux différentes parties prenantes de s’accorder sur de nouvelles règles du jeu.

Main tendue ou baiser de la mort ? « L’écosystème va travailler avec Google et essayer de faire en sorte que la solution trouvée ne l’avantage pas de manière démesurée », anticipe M. Rudelle. « Ça va être habillé d’un vernis sur la protection des consommateurs, mais au final ça risque de se faire au profit de Google », craint M. Chetrit, qui s’alarme des délais fixés par le géant américain : « On ne peut pas basculer comme ça si vite. C’est tout un secteur qui va être ébranlé. »

La CNIL pointée du doigt

Pour éviter que la firme de Mountain View n’impose unilatéralement ses vues, il faudrait une « alliance globale des acteurs de l’Open Web » et la mise en place d’« une gouvernance vigilante », si possible sous l’égide du W3C, un organisme de standardisation à but non lucratif, plaide M. Rouet.

Les professionnels expliquent que la gestion de la donnée ne doit pas se faire uniquement au niveau des navigateurs, car cela donnerait à une poignée d’acteurs – à commencer par Google – un avantage compétitif majeur. « Il ne faut pas que les GAFA soient les seuls capables de proposer certains services d’annonce ciblée. Ce serait de la discrimination et de l’abus de position dominante qui ne serait de l’intérêt ni des utilisateurs, ni des marques », résume le président de Criteo.

Face à ce scénario catastrophe, les acteurs de la pub demandent aux autorités françaises et européennes d’intervenir. « Il est important que l’Europe ne soit pas angélique », plaide M. Rudelle. Car, pour l’instant, le secteur estime que l’évolution du cadre réglementaire a plutôt bénéficié aux grandes plates-formes, qui ont su l’exploiter à leur avantage.

Beaucoup en veulent en particulier au gendarme français de la vie privée : « La CNIL n’a aucune pitié pour l’écosystème de la publicité, où beaucoup de boîtes sont en concurrence avec des multinationales. Aujourd’hui, si Criteo perd du chiffre d’affaires, ça va directement chez Facebook et Google », déplore, par exemple, Michaël Froment.

Le monde de la pub paie sa prise de conscience tardive de l’enjeu des données personnelles, et ses mauvaises pratiques, comme la multiplication des annonces intrusives. Menacé, il cherche aujourd’hui à se refaire une légitimité. « On arrive à un moment de vérité, explique M. Chetrit. On a trop longtemps laissé penser que sur Internet les contenus étaient simplement gratuits. Aujourd’hui, il faut dire que si c’est gratuit c’est parce qu’il y a de la pub. »

7 janvier 2019

5G, la course est lancée

Par Charles de Laubier

Les enjeux géopolitiques autour de la cinquième génération de téléphonie mobile se mêlent aux défis financiers et concurrentiels. Les opérateurs télécoms craignent de perdre la main.

Personne ne l’a encore vue, mais tout le monde en parle. Alors que les déploiements commerciaux de la 5G ne sont pas attendus avant 2020, cette cinquième génération de téléphonie mobile échauffe déjà les esprits et sera de toutes les conversations à la grand-messe mondiale l’électronique grand public qui se tiendra à Las Vegas du 8 au 11 janvier 2019.

Au point que cette technologie est devenue un enjeu géopolitique majeur entre la Chine et les Etats-Unis. L’empire du Milieu montre ses muscles depuis trois ans avec son plan de développement industriel « Made in China 2025 », sur lequel Pékin compte pour devenir la référence mondiale dans les nouvelles technologies comme la robotique, les semi-conducteurs, l’espace, les voitures électriques, l’impression 3D et les télécommunications, dont, bien sûr, la 5G.

Cette ambition fait peur à Washington. C’est « effrayant », avait lâché en avril 2018 le secrétaire au commerce des Etats-Unis, Wilbur Ross, craignant non seulement pour les droits de propriété intellectuelle américains, mais surtout pour la sécurité nationale. La 5G est perçue par certains Etats comme la boîte de Pandore à ne pas ouvrir car elle transportera les données sensibles des gouvernements, des citoyens, des patients, des objets connectés, demain des voitures autonomes. Donald Trump a aussi dans le collimateur les équipementiers télécoms chinois tels que ZTE et Huawei – champions potentiels des infrastructures 5G.

« Le déploiement de la 5G va permettre l’essor de nouveaux services développés par les entreprises et de nouveaux usages dans notre quotidien. Ce déploiement intervient dans un contexte de tensions commerciales et géopolitiques », déplore Steeve Bourdon, un porte-parole de Huawei. La politique protectionniste de Trump, assortie de son slogan « America First », touche de plein fouet la 5G, qui fait l’objet d’une « guerre froide » technologique.

Le chinois Huawei, qui dispute au sud-coréen Samsung le titre de numéro un mondial des smartphones après avoir détrôné cette année Apple de la deuxième place, est également en pole position pour fournir aux opérateurs de mobile des équipements 5G. Le premier marché de la firme de Shenzhen est, bien sûr, la Chine, mais à l’exportation, ce sont les Etats-Unis. L’Australie est également en pointe sur l’ultra haut débit mobile. Or les autorités américaines et australiennes veulent justement barrer la route aux fournisseurs chinois, Huawei et ZTE en tête.

La 5G, nouvelle ligne Maginot

Selon le quotidien The Australian, Donald Trump s’apprête à bannir – sans les nommer – les chinois du marché américain de la 5G pour des raisons de sécurité nationale, en prenant exemple sur l’Australie qui a annoncé une décision en ce sens le 23 août 2018. La Maison Blanche réfléchit à des mesures de restrictions à l’encontre des fabricants chinois de produits 5G. Verizon, dirigé depuis 2017 par le Suédois Hans Vestberg, ancien patron d’Ericsson, a devancé l’appel en démarrant dans quatre villes américaines sa pré-5G fixe avec… Ericsson.

Et selon le Wall Street Journal du 23 novembre 2018, le gouvernement américain tente même de dissuader ses alliés d’acheter chinois en leur proposant de les aider financièrement à acquérir des équipements « politiquement corrects ».

A peine sortie des limbes de sa normalisation technique par l’Union internationale des télécommunications (UIT), cette cinquième génération – après les 2G, 3G et 4G – est donc prise en otage par les politiques au risque de ralentir les investissements et les lancements commerciaux. « L’Europe n’est pas en retard sur la 5G, mais elle doit veiller à ne pas en prendre… Il importe, après les expérimentations techniques de 2018 et les expérimentations précommerciales en 2019, de tenir le calendrier des lancements commerciaux prévus pour 2020-2021 », prévient Jean-Pierre Bienaimé, secrétaire général de la 5G Infrastructure Association (5G-IA), basée à Bruxelles, où l’on retrouve des opérateurs de télécoms comme Orange, Telecom Italia ou Telenor mais aussi des équipementiers tels que Huawei aux côtés d’Ericsson ou Nokia.

Or la Grande-Bretagne, où des fréquences 5G ont été vendues dès avril 2018, a mis en garde ses opérateurs télécoms – BT et sa filiale mobile EE en tête – sur le choix de leurs équipements mobile de nouvelle génération. Ils devront être conformes aux exigences de sécurité des « infrastructures critiques nationales » en vigueur depuis juillet 2018. Comprenez : les fournisseurs chinois ne sont pas les bienvenus.

L’Allemagne, qui va, début 2019, vendre aux enchères ses fréquences 5G, s’interroge. Cette défiance occidentale envers Huawei et ZTE – voire Xiaomi et ses smartphones – joue en faveur des équipements réseaux du sud-coréen Samsung, du suédois Ericsson et du finlandais Nokia, ou encore des puces 5G pour smartphones de l’américain Qualcomm.

La France n’en est pas encore là. SFR n’a pas eu de scrupule à réaliser en mai 2018 ses premiers tests 5G « en conditions réelles » avec des équipements Huawei – dont une box 5G. En plus du nouveau siège parisien Altice Campus de sa maison mère, où de la vidéo en ultra haute définition 4K est diffusée en 5G, d’autres expérimentations d’ultra haut débit mobile sont prévues à Toulouse et à Nantes.

Des essais sont aussi en cours avec Nokia. De son côté, Bouygues Telecom étend à la 5G le partenariat qu’il avait déjà avec Huawei dans la 4G. La filiale française du chinois détenu entièrement par ses employés se veut rassurante : « Depuis sa création il y a trente ans, et sa présence en France depuis seize ans, il n’y a jamais eu le moindre problème de cybersécurité sur un équipement Huawei », indique son porte-parole.

Quant à Orange, il expérimente la 5G avec Ericsson, à Lille-Douai notamment, mais reste vague pour la suite. « Orange n’a pas encore arrêté ses choix en matière de fournisseurs 5G, dont les équipements retenus devront en tout état de cause respecter les réglementations nationales en vigueur et à venir », répond Mari-Noëlle Jégo-Laveissière, directrice générale adjointe d’Orange, chargée de la technologie et de l’innovation. Avant que son patron, Stéphane Richard, ne lance le 12 décembre : « Nous n’avons pas prévu de faire appel à Huawei dans la 5G ».

« La fibre sans fil » n’a pas fini de jouer les trouble-fête

L’opérateur teste aussi la technologie en Roumanie, en Belgique, en Espagne et en Pologne, où les éventuelles consignes gouvernementales ne seront pas forcément les mêmes qu’en France. Au Japon, où les fréquences 5G seront attribuées en mars et opérationnelles à l’occasion des Jeux olympiques de l’été 2020, les équipementiers maison (Fujitsu, NEC, Mitsubishi) devraient bénéficier d’une préférence nationale de la part des opérateurs NTT Docomo, Softbank et KDDI.

Quoi qu’il en soit, « la fibre sans fil », comme on la surnomme déjà, n’a pas fini de jouer les trouble-fête dans les télécoms. La 5G pourrait fragiliser les opérateurs de réseaux confrontés à de lourds investissements tels que la fibre à domicile (FTTH), elle-même menacée de cannibalisation par les futures « box 5G ». La fin annoncée du distinguo entre fixe et mobile pourrait déstabiliser le marché. Selon Deutsche Telekom, les opérateurs télécoms européens devront mettre sur la table jusqu’à 500 milliards de dollars (438 milliards d’euros) rien que dans l’ultra haut débit mobile. « Cette estimation intègre l’achat et l’installation de matériels ainsi que l’achat de fréquences », précise Flavien Vottero, directeur d’études économiques chez Xerfi.

En Italie, premier pays européen à avoir vendu aux enchères ses fréquences 5G, l’Etat a engrangé, début octobre 2018, 6,5 milliards d’euros (dont 2,4 milliards payés par Vodafone et 1,2 milliard par Iliad). L’Allemagne espère 4 à 5 milliards d’euros de ses enchères ! Aux Etats-Unis, où la Commission fédérale des communications (FCC) a lancé le 14 novembre 2018 sa première vente aux enchères de fréquences 5G, le dernier kilomètre est quatre fois moins cher à déployer en 5G (600 dollars par foyer) qu’en fibre (jusqu’à 2 900 dollars à la campagne).

Mais c’est sans compter le prix des fréquences. Au sein du think tank européen Idate, la consultante Carole Manero se veut prudente : « La question des investissements liés à la 5G est extrêmement sensible, tout d’abord parce que peu de chiffres circulent, que les rares estimations apparaissent parfois fantaisistes et divergentes, et qu’enfin, peu de gens ont une idée claire sur le sujet. »

« Logique de complémentarité »

En France, où le régulateur des télécoms et le gouvernement n’ont pas encore arrêté leur décision sur le mode d’attribution des fréquences 5G, attribution qui commencera à l’été 2019 (enchères, « concours de beauté » ou gratuité contre une couverture généralisée du territoire), le régulateur des télécoms ne s’attend pas à la cannibalisation du très haut débit fixe par le très haut débit mobile.

« Les pays qui se lancent dans la 5G fixe [pour la télévision ou l’Internet à domicile], comme les Etats-Unis, sont très en retard sur la fibre, contrairement à la France. Chez nous, on sera plus dans une logique de complémentarité. D’abord parce que la 5G va être plus une “4G +” pendant quelques années, avant de pouvoir atteindre sa réelle promesse technologique. Ensuite, elle restera une technologie mobile, avec des débits variables, qui peuvent être dégradés par le nombre d’utilisateurs ou des usages très consommateurs de bande passante », temporise Sébastien Soriano, le président de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep).

EN FRANCE, LES OPÉRATEURS TÉLÉCOMS ORANGE, SFR, BOUYGUES TELECOM ET FREE FONT DES APPELS DU PIED AUX POUVOIRS PUBLICS (GOUVERNEMENT, ARCEP, AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE) POUR PASSER DE QUATRE À TROIS ACTEURS

Handicapés par leurs investissements en couverture 4G à terminer et par la coûteuse fibre à domicile où les abonnés manquent à l’appel (sur 12 millions de prises FTTH en France, seules 4 millions font l’objet d’un abonnement), les opérateurs télécoms Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free font des appels du pied aux pouvoirs publics (gouvernement, Arcep, Autorité de la concurrence) pour passer de quatre à trois acteurs. L’objectif de cette consolidation viserait à faire cesser la guerre des prix qui lamine leurs marges et, selon eux, permettrait d’accroître leur capacité d’investissement dans le très haut débit – alors que les fréquences 5G s’annoncent coûteuses.

« Sur la consolidation dans les télécoms, la porte de l’Arcep est désormais entrouverte », avait lancé M. Soriano le 22 mai 2018. L’a-t-il refermée depuis ? « Le secteur peut fonctionner à quatre opérateurs et notre régulation pro-investissement est adaptée à cette configuration, dit-il au Monde. En particulier, nous les autorisons à partager leurs coûts, comme Bouygues et SFR le font déjà avec un réseau commun hors des principales agglomérations. J’aimerais que les opérateurs, au premier rang desquels Orange, me parlent davantage de leurs ambitions pour la France. J’appelle tous les acteurs à être au rendez-vous de la 5G ! »

D’une guerre de la capacité à une concurrence sur les contenus ?

Mais les difficultés de Free et de SFR pourraient faire revenir l’idée de consolidation par la fenêtre… En Allemagne, le régulateur veut au contraire profiter de la 5G pour faire entrer un quatrième opérateur afin de concurrencer Deutsche Telekom, Vodafone et Telefonica Deutschland. Les Européens ne semblent pas prêts à payer plus cher leur consommation « mobile ». Or les opérateurs, eux, espèrent augmenter leur ARPU (le revenu moyen par abonné). La bataille des forfaits va-t-elle passer d’une guerre de la capacité (quantité de données inclue en gigaoctets) à une concurrence sur les contenus ?

Autre facteur de rupture pour les opérateurs télécoms en place : le fait que l’Europe ait décidé d’autoriser des utilisateurs dits « verticaux » – industries, transports, constructeurs automobiles, banques, collectivités, voire les géants du Net (les GAFA) – à acquérir eux aussi des fréquences 5G. Imaginons la SNCF, PSA, Google ou Facebook devenant leur propre opérateur mobile.

Les « telcos » ne voient pas d’un très bon œil cette ouverture du marché. « En spécialisant les fréquences par usage, on dégrade l’expérience client et la capacité d’investissement des acteurs économiques. D’ailleurs, cela ne répond pas vraiment aux besoins de nos clients de l’entreprise, qui demandent à pouvoir justement bénéficier de la connectivité des opérateurs mobile (pour accéder à Internet, etc.), tout en disposant pour certains de fonctionnalités professionnelles. Avec la 5G, ce type de solutions sera bien plus simple et facile à mettre en œuvre par les opérateurs », met en garde Mari-Noëlle Jégo-Laveissière chez Orange.

Il n’empêche qu’une attribution plus large des fréquences 5G permettra à certains « verticaux » de s’affranchir des opérateurs télécoms. Déjà enfer géopolitique, la boîte de pandore de la 5G ouvrira alors sur une nouvelle donne économique.

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28 août 2018

Carnac. Ils dénoncent la qualité exécrable des réseaux téléphoniques

internet

Ils ont choisi de faire cause commune. Olivier Lepick et Jean-François Guézet, maires de Carnac et La Trinité-sur-Mer, partent en guerre contre les opérateurs de téléphonie mobile.

« C’est tout simplement scandaleux. Nous recevons tous les jours des plaintes de nos administrés ou des vacanciers, qui ne peuvent pas utiliser leur smartphone, faute de réseau », résument les maires, excédés par les réponses des opérateurs.

Le mécontentement des administrés

Réunis dans le bureau du maire de Carnac, les deux élus font part du mécontentement de leurs administrés. Depuis quelques années, la couverture du réseau téléphonique dans les stations balnéaires de Carnac et La Trinité-sur-Mer se dégrade.

« Pendant la période estivale, Carnac passe de 4 500 à 50 000 habitants, et La Trinité-sur-Mer de 1 500 à 20 000. Il est évident que les infrastructures d’hiver ne peuvent absorber l’accroissement de la demande pendant la saison. Il ne faut pas être agrégé en mathématiques pour le comprendre », résument-ils.

Ça ne rentre pas dans une stratégie d’investissement

Malgré les rencontres dans chacune des mairies avec les opérateurs, rien ne change. « Il nous est dit que ces dispositifs, nécessaires à une meilleure couverture, ne rentraient pas dans la stratégie d’investissement des différents opérateurs. Mais les utilisateurs ont le droit de pouvoir utiliser normalement les appareils, pour lesquels ils payent un abonnement », fustigent les élus.

Les opérateurs convoqués

Et puisque les courriers et rencontres ne suffisent plus, les deux élus ont décidé de « convoquer les trois opérateurs, prochainement, pour un rendez-vous commun. Et s’il n’y a pas de proposition concrète, nous n’hésiterons pas à saisir l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep). C’est le seul levier dont nous disposons pour faire plier les opérateurs, les maires étant dépourvus de tout autre moyen », expliquent les deux maires.

Inacceptable

Chaque jour, les élus reçoivent des plaintes relatives à la médiocrité de la couverture réseau sur ces communes touristiques. « On ne peut pas accepter que des communes qui sont connues dans le monde entier ne soient pas en mesure d’offrir, simplement, à leurs visiteurs, des services basiques que l’on trouve partout dans l’Hexagone », renchérit Olivier Lepick.

Les élus attendent la fin du mois et le retour de congés des responsables des trois opérateurs, pour les convoquer à une première réunion.

27 juillet 2018

La guerre des tétons (sur Facebook entre autres)

tetons

15 décembre 2017

Les Etats-Unis mettent fin à la "neutralité du net"

Les Etats-Unis mettent fin à la "neutralité du net" : cinq questions pour comprendre cette décision qui bouleverse les règles d'internet

La circulaire que doit adopter jeudi 14 décembre la commission fédérale américaine des communications (FCC) va abroger l'un des principes fondateurs d'internet. Franceinfo décrypte les conséquences de cette décision aux grandes répercussions outre-Atlantique.

Ce projet enterre l'un des principes fondateurs d'internet. Le gendarme américain des télécoms a voté, jeudi 14 décembre, l'abrogation de la neutralité du net en adoptant la circulaire "Restoring Internet Freedom" ("restaurer la liberté d'internet" en anglais).

Le "père de l'internet" Vinton Cerf, le créateur du World Wide Web, Tim Berners-Lee, et 19 autres "pionniers du net" ont critiqué cette circulaire. Dans une lettre ouverte à la commission fédérale américaine chargée des télécommunications, la FCC, ils ont exhorté le président de la commission à annuler le vote. En vain. Bien que technique, ce sujet pourrait radicalement transformer l'accès aux données sur internet. Quelles sont les motivations d'une telle réforme ? Peut-elle remettre en cause la neutralité du net français ?  Franceinfo fait le point sur ce sujet brûlant en cinq questions.

La neutralité du net, c'est quoi ?

La neutralité du net signifie que tous les fournisseurs d'accès à internet doivent traiter tous les contenus de manière égalitaire. Et ce quelle que soit leur origine. Ainsi, la neutralité du net interdit aux fournisseurs d'accès à internet (FAI) de moduler la vitesse de débit ce qui permet d'éviter de faire une discrimination en fonction du contenu qui passe dans leurs tuyaux. Les données que vous consultez sur différents moteurs de recherche doivent, par exemple, vous arriver à la même vitesse.

Le concept date des débuts d'internet. On doit le terme à Tim Wu, professeur de droit, qui a théorisé dans les années 2000 ce concept remontant aux années 1970, quand les régulateurs ont cherché à empêcher le fournisseur AT&T, qui possédait alors le monopole des télécommunications, de bloquer ou perturber l'essor des nouvelles sociétés de téléphonie. Mais ce n'est qu'en 2015 que la FCC a finalement pu assimiler les fournisseurs d'accès à internet à haut-débit à des entreprises de télécommunications, et que cette régulation leur a été étendue.

Pourquoi est-ce important ?

Pour les entreprises technologiques et les défenseurs des droits numériques, la fin de la neutralité du net signe ni plus ni moins la mort de l'internet dans sa forme actuelle. Sans neutralité du net, les FAI pourraient moduler la vitesse de débit internet à leur guise en fonction des contenus. Ils pourraient ainsi imposer des frais supplémentaires aux entreprises en échange d'une meilleure vitesse de débit, et mettre ainsi sur pied un "internet à deux vitesses".

Les jeunes entreprises technologiques, qui n'ont pas les moyens de Google ou de Facebook, seraient alors désavantagées. La nouvelle directive est "une barrière à l'innovation et à la concurrence", estime Ferras Vinh, du Centre pour la démocratie et la technologie, qui défend la neutralité. Quant aux gros utilisateurs de données comme Netflix ou d'autres services de vidéo en continu, ils pourraient répercuter ces coûts supplémentaires sur le prix de leurs abonnements.

A qui cela profite-t-il ?

Les FAI pourraient extraire une rente considérable d'un internet à deux vitesses. Mais ils pourraient aussi se servir de cette nouvelle liberté pour bloquer ou ralentir des contenus qui leur font concurrence. Car les gros fournisseurs d'accès à internet américains sont eux-mêmes créateurs de contenus : ComCast possède par exemple NBCUniversal, et AT&T cherche de son côté à racheter le groupe Time Warner, qui possède des studios mais aussi des chaînes comme CNN ou HBO. Ces grands groupes américains pourraient ainsi être tentés de ralentir les contenus de leurs concurrents, comme Netflix, pour favoriser les leurs, comme le pointe Variety (en anglais). 

Seule limite : les FAI devraient gérer la hiérarchisation des contenus et de leurs clients de manière transparente. En cas de plaintes, elles seront traitées par une autre agence, la Commission fédérale de la concurrence, spécialisée dans la protection des consommateurs et les règles anti-monopole.

Pourquoi la FCC souhaite l'abroger ?

"Quel est le problème que vous essayez de régler ?" C'est la question posée par le sénateur du Massachussetts Ed Markey au nouveau patron de la FCC en juillet. Ajit Pai, nommé par le président Donald Trump à la tête de la FCC, s'est lancé à l'assaut de la neutralité du net pour, assure-t-il, "restaurer la liberté d'internet".

Pour les partisans de son projet, les règles actuelles ont le défaut d'assimiler les opérateurs à des services publics. De plus, ils arguent que cette régulation empêche les investissements dans de nouveaux services comme les vidéo-conférences, la télémédecine et les véhicules connectés qui ont besoin du haut-débit.

Les activistes qui défendent la neutralité du net présentent Ajit Pai comme la marionnette du fournisseur d'accès à internet et entreprise de télécommunication Verizon, pour qui il a travaillé entre 2001 et 2003.

Cela peut-il avoir un impact en France ?

Bien que très américain, le débat sur la neutralité du net concerne indirectement de nombreux autres pays qui fondent leurs législations internet sur le modèle outre-Atlantique. L'Union européenne a voté des directives en novembre 2015, applicables depuis le 30 mars 2016. Deux grands principes sous-tendent la neutralité du net : les FAI ne peuvent pas discriminer les contenus transmis sur le réseau et les internautes peuvent y consulter et y diffuser librement des contenus, rappelle Le Monde. La décision américaine "n’aura pas d’impact direct en Europe", affirme Sébastien Soriano, le patron de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l'Arcep, chargé de l’application de la neutralité du Net en France, interrogé par le quotidien.

L'Arcep a rendu un premier diagnostic de la neutralité du net en France le 30 mai 2017. Comme dans d’autres pays, le régulateur a fait le choix de ne pas sanctionner directement les manquements à la neutralité, mais d’échanger avec les opérateurs. "L’Arcep préfère parfois attendre d’être saisie par les utilisateurs pour imposer aux opérateurs de respecter les règles édictées au niveau européen", critiquait au printemps l’association de défense des libertés numériques La Quadrature du Net.

L'industrie des télécoms risque aussi de mettre sous pression la neutralité du net en Europe, car les équipements terminaux comme les smartphones ou box et leurs systèmes d’exploitation ne sont pas traités par le règlement européen. "Cette question va monter en intensité, au fur et à mesure que les terminaux vont devenir plus intelligents et décider de choses à notre place", résume Sébastien Soriano pour Le Monde. De nouvelles recommandations devraient être formulées à ce sujet en 2018.

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Le régulateur américain des communications met fin au principe de la neutralité du net

Pour les défenseurs de la neutralité du Net, l'abrogation de cette règle ouvre la porte à la création d'un «internet à deux vitesses»: certains sites d'un débit plus rapide en payant plus alors que d'autres peuvent être pénalisés par exemple car ils représentent une concurrence aux opérateurs de télécommunications.

20 septembre 2017

Addiction à l'internet ?

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25 juillet 2017

Un millier de manifestants à Moscou contre les restrictions sur Internet

Le Net russe, très utilisé par l’opposition, connaît ces dernières années un tour de vis des autorités et la tendance se renforce actuellement, sur fond de lutte antiterroriste.

Environ un millier de Russes ont défilé, dimanche 23 juillet, dans les rues de Moscou lors d’un rassemblement, autorisé par les autorités, contre le renforcement de la surveillance et des restrictions sur Internet. Aux cris de « Non à la censure, non à la dictature », ou encore « A bas l’Etat policier », les manifestants ont marqué leur opposition aux dernières mesures législatives prises par les autorités.

Certains ont détourné un slogan de l’opposition, « La Russie sans Poutine », ajoutant « et sans censure » à ce mot d’ordre très populaire lors des mobilisations contre le Kremlin. La police a estimé le nombre des manifestants à 800. Selon un journaliste de l’Agence France-Presse présent sur place, ils étaient entre 1 000 et 1 500 à avoir répondu à l’appel du parti Parnas, dirigé par l’ancien premier ministre Mikhaïl Kassianov.

Trois participants au défilé ont été interpellés, dont un pour avoir tendu des tracts en faveur de l’opposant Alexeï Navalny, a indiqué l’ONG russe OVD-Info spécialisée dans le suivi des arrestations.

Tour de vis

Pour Pavel Rassoudov, ancien dirigeant du groupe Parti pirate, les autorités cherchent à contrôler et surveiller Internet depuis 2011, lorsque la campagne présidentielle de Vladimir Poutine a été émaillée de manifestations de grande ampleur. « Les autorités ont alors compris qu’Internet était un outil de mobilisation, que cela amenait les gens à sortir dans les rues », a-t-il expliqué.

Le Net russe, très utilisé par l’opposition, subit ces dernières années un tour de vis des autorités et la tendance se renforce actuellement, sur fond de lutte antiterroriste. Vendredi, le Parlement a ainsi approuvé une loi interdisant l’utilisation dans le pays des « anonymizers », services Web qui permettent d’accéder de manière anonyme à des sites bloqués sur le territoire.

Il a également voté une loi obligeant les utilisateurs à s’identifier par un numéro de téléphone pour utiliser les messageries sur Internet. Fin juin, Roskomnadzor, l’autorité de surveillance des médias, avait aussi menacé de bloquer Telegram, une messagerie très populaire en Russie pour son niveau élevé de cryptage. Et depuis le 1er janvier, les entreprises Web russes et étrangères sont forcées de stocker les données de leurs utilisateurs en Russie et de les transmettre aux autorités si elles en font la demande.

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