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Jours tranquilles à Paris
karl lagerfeld
22 août 2018

Karl Lagerfeld - Cara Delevingne

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21 août 2018

Karl Lagerfeld

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Lui, une icône de la mode parisienne, elle, un top-modèle de Los Angeles. Cet automne, ils s’associent pour donner naissance à une collection capsule exclusive.

KARL LAGERFELD a invité le mannequin vedette du moment Kaia Gerber dans son atelier pour présenter la collection de prêt-à-porter et d’accessoires KARL LAGERFELD X KAIA.

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Karl Lagerfeld, une enfance allemande

Par Raphaëlle Bacqué - Le Monde

Les visages de Karl Lagerfeld - Le célèbre couturier a passé sa vie à se composer un masque, qui tient autant de l’icône mondialisée que de l’avatar virtuel. « Le Monde » retrace les métamorphoses de ce personnage de légende.

Minijupes et jambes nues, de jeunes Allemandes grelottent sur le trottoir. Ce mois de décembre 2017 est glacial à Hambourg, mais la mode est une frivolité exigeante. Les filles gèlent, donc, à deux pas d’un blogueur chinois en manteau de loup. Au sein de la file qui attend sur les docks, dans les brumes noires de l’Elbe, patientent aussi des rédactrices de mode américaines et des groupes de clientes russes et arabes, en manteau et sac siglé. Juste après le défilé à l’Elbphilharmonie, près de 3 000 personnes ont été conviées par Chanel dans l’un de ces vastes entrepôts rénovés du port allemand pour fêter ce qui est déjà un petit événement : c’est la première fois que Karl Lagerfeld – « Karl », dit seulement cette foule polyglotte – vient présenter une collection dans sa ville natale.

« Je suis contre les voyages dans mon propre passé », a-t-il prévenu d’emblée. Partout dans le monde, on identifie sa silhouette mince, le haut col blanc, les lunettes noires et la queue-de-cheval nouée en catogan, mais cette icône mondialisée a brouillé les mémoires. Il ne veut pas qu’on interprète ce retour aux sources. « Ceux qui disent que la boucle est bouclée, bouclez-la ! » a-t-il menacé. Puis, alors qu’on insistait, cet Européen cultivé a eu cette phrase : « Que voulez-vous, je ne suis pas régional. » Comme si le grand port industriel du nord de l’Allemagne n’avait joué aucun rôle dans son histoire.

Quel meilleur masque qu’un visage que tout le monde reconnaît ? Cinquante ans que Karl Lagerfeld domine l’industrie du luxe, et aucune biographie. Le succès le plus éclatant de la mode décourage les enquêtes. En 2006, il avait attaqué en justice Beautiful Fall (Little Brown and Co, traduit chez Denoël en 2008 sous le titre Beautiful People), un excellent livre sur trente ans de mode à Paris, écrit par la journaliste britannique Alicia Drake.

Directeur artistique star de la haute couture Chanel, la maison aux 8 milliards d’euros de chiffre d’affaires, styliste vedette de la marque italienne Fendi, au sein du leader mondial LVMH, photographe, designer, ami de Bernard Arnault et de la famille Wertheimer, il peut faire et défaire les carrières. Sans cesse, au cours de cette enquête, on a entendu les mêmes inquiétudes : « Surtout, ne me citez pas », « Je veux bien vous parler, mais la tête sur le billot, je dirai que je ne vous ai pas vue », « Karl sait-il que vous m’avez appelé ? » C’est au stress des témoins sollicités que l’on mesure la puissance d’un homme.

Revenir à Hambourg, en ce mois de décembre 2017, suivi d’une armada de rédactrices de mode, d’attachés de presse et de riches clientes, c’est poser le pied sur le terrain mouvant de son passé. Pour couper court à toute inquisition, le couturier a eu ce mot sarcastique : « De toutes les façons, ceux qui connaissent ma véritable histoire sont plus ou moins au cimetière… » Puis il a répondu aux interviews, distribuant avec brio les anecdotes attendues et les vacheries amusantes, toutes ces reparties qui ont fait son succès, des dîners à particules aux milieux populaires.

Dissoudre la réalité dans une légende

Au service de documentation du Monde, le dossier Lagerfeld mesure 25 bons centimètres d’épaisseur. Cinquante ans de portraits et des centaines d’interviews. D’un article à l’autre, son visage se forme et se déforme comme les ombres d’une lanterne magique. C’est lui qui l’a dessiné, tout au long des années, du même trait rapide et sûr qu’il a pour ses croquis, déchirés à mesure qu’il invente : « Mon père était suédois. Il était baron », « J’étais le fils du gouverneur de Westphalie », « Ma mère pilotait son avion », « C’était une magnifique violoniste »... Tant d’années à dissoudre la réalité dans une légende.

« IL ÉTAIT DIFFÉRENT, TRÈS PARTICULIER, RIEN À VOIR AVEC LES GAMINS DE LA CAMPAGNE »

RACONTE UNE DE SES ANCIENNES CAMARADES DE CLASSE

Même son âge paraît répondre à un jeu de devinettes. En 1990, il affirmait à Thierry Ardisson avoir vu le jour en 1938. Treize ans plus tard, le quotidien Bild am Sonntag a publié un extrait de son acte de baptême où figurent sa date de naissance ainsi que les témoignages d’anciens camarades de classe et d’une institutrice : il est né le 10 septembre 1933. Le 10 septembre 2008, une fête d’anniversaire a tout de même été organisée pour ses 70 ans, avant qu’il n’explique à Paris Match, en 2013, être né… en 1935. Devant nous, il balaye la question comme on se débarrasse d’une mouche : « Je ne le dirai jamais, et puis il y a des choses que je ne sais pas moi-même. »

Va pour le 10 septembre 1933. Maintenant, le décor. En arrivant sur les bords de l’Elbe, l’avant-veille du défilé Chanel, Karl Lagerfeld a douché les tentatives de flâner dans ses souvenirs en décrétant sèchement : « Hambourg ? Un port et basta ! » La vaste maison où le jeune Karl a passé ses premières années est pourtant toujours là, à Blankenese, un beau quartier résidentiel de l’ouest de la ville. On y voit passer les énormes porte-conteneurs naviguant vers le port, le plus important du pays.

Un peu plus loin, s’épanouit la terrasse ombragée du restaurant Jacob, peint par Max Liebermann, dont les tableaux exposés au Hamburger Kunsthalle racontent la douceur de vivre en Allemagne, au temps de la République de Weimar. C’est ici que, le dimanche, les Lagerfeld venaient déjeuner, au bord du fleuve. Quatre-vingts ans plus tard, le couturier a convié, sous les lustres de cristal de la salle à manger, quelques amis et collaborateurs. A travers les vitres des hautes fenêtres, on voit le fleuve couler en contrebas. Crustacés et gibier sont prestement découpés par les serveurs, des vins d’Alsace et de Moselle brillent dans les verres…

Revisiter l’époque de Weimar

Il faut éviter les chausse-trapes et les fausses pistes pour retrouver cette Allemagne des années 1930 et 1940 que le couturier n’a éclairée que de lueurs furtives. Commençons par son père, Otto. Sur la photo que montre son fils, il pose en cravate et pantalon de tweed et porte de gros godillots de marche. C’est un bel homme viril et faussement nonchalant. Né en 1880, il a l’aisance financière du commerçant des ligues hanséatiques qui unissent à l’époque les villes marchandes d’Europe du Nord, et l’esprit d’un aventurier polyglotte. Un premier mariage l’a laissé veuf et père d’une petite fille, Thea, avant qu’il n’épouse en 1930 Elisabeth Bahlmann, une Prussienne divorcée de dix-sept ans sa cadette, la mère de Karl.

« Son ambition était entièrement centrée sur l’augmentation de son chiffre d’affaires », assure son fils, qui ne lui a jamais donné un grand rôle dans ses récits. Otto Lagerfeld a passé les premières années de sa vie professionnelle à chercher fortune en important des produits d’alimentation des Etats-Unis. Dans la famille, on raconte qu’il a vu San Francisco ravagée par le tremblement de terre de 1906 et vécu les prémices de la Révolution russe de 1917. Moyennant quoi, la guerre de 14-18 l’a à peine effleuré : « Il était à Vladivostok », explique son fils.

En 1925, l’augmentation des droits de douane a convaincu Otto de liquider son commerce pour rejoindre l’American Milk Products Corporation, dont il est devenu le représentant en Allemagne, sous la marque Glücksklee. Plutôt que de faire venir le lait concentré d’outre-Atlantique, on le fabriquera désormais dans des usines allemandes, notamment à Neustadt, à une trentaine de kilomètres de Lübeck. Otto a cependant installé ses bureaux sur le Mittelweg de Hambourg, cette grande artère qui suit le tracé de l’Elbe.

C’est cette Allemagne familière à son père que Karl Lagerfeld a recomposée pour son défilé 2017 et la fête donnée par Chanel sur les docks de Hambourg. La bière coule sur les pavés luisants, les tables sont éclairées à la bougie et des marins en casquette de drap de laine bleu nuit chantent des chansons pour les filles qui attendent au port. L’actrice américaine Kirsten Stewart, la Britannique Tilda Swinton, la toute jeune Lily-Rose Depp, fille de Johnny Depp et de Vanessa Paradis, ces « égéries » Chanel qui entourent le couturier pour le dîner, ont-elles perçu ce que cache ce chromo « schleu de Weimar revisité », comme le dit avec ironie « Karl » ?

Occasion à saisir

Un Allemand de Weimar, c’est à quoi ressemblait Otto Lagerfeld, entre deux voyages à l’étranger. C’est un mari généreux et un père libéral pour Thea, sa première fille, comme pour Martha-Christiane et Karl, nés de son second mariage en 1931 et en 1933.

Plus porté sur les affaires que sur la politique, mais dans ces années-là, peut-on vraiment se détourner des bouleversements du pouvoir ? Parce qu’il souhaite mener une vie plus confortable, mais aussi sans doute parce qu’il a connu, en Russie, les effets d’une révolution, Otto a acheté en 1934, un an après l’avènement d’Hitler, une propriété à 40 km de Hambourg, tout près de la petite station balnéaire de Bad Bramstedt. C’était une occasion à saisir. La crise des années 1930 a ruiné les hobereaux allemands qui dominaient jusque-là les provinces, et il n’est pas le seul membre de cette bourgeoisie commerçante et républicaine de Hambourg à racheter des terres devenues disponibles.

« MA MÈRE DISAIT : “HAMBOURG EST LA PORTE DU MONDE”, MAIS CE N’EST QUE LA PORTE, ALORS DEHORS ! »

Le domaine de Bissenmoor a l’allure de ces propriétés patriciennes qui parsèment le Schleswig-Holstein. C’est une vaste demeure blanche, dotée d’une grande terrasse et d’une façade néo-antique que Karl Lagerfeld peut encore dessiner d’une traite et de mémoire. Aujourd’hui, les alentours offrent toujours des paysages de campagne émeraude et robustes, parcourus par les vents maritimes de la mer du Nord à l’ouest, et de la Baltique, à l’est. « Bad Bramstedt n’est plus un village, n’est-ce pas ? », s’enquiert Lagerfeld en apprenant qu’on a poussé jusque-là.

Le bourg a grossi, en effet, mais ne dépasse pas les 15 000 habitants. Les paysages ont gardé la fraîcheur des prairies. Ces multiples canaux et rivières traversant la verdure brillent comme des miroirs posés sur le sol. Dans ces années 1930 où plane la menace d’une guerre, Otto a tout de suite repéré les fermes environnantes qui, en cas de conflit, assureront l’approvisionnement.

La mère du jeune Karl peut maintenant entrer en scène. Le petit garçon porte le prénom de son père accolé au sien – Karl-Otto –, mais c’est elle son double, son idéal et en partie sa créature. Elle hante la plupart des interviews du couturier, surmoi comique ou terrifiant, c’est selon. Sur les photos d’époque, Elisabeth a le même regard sombre et profond sous des sourcils épais, la même chevelure dense et noire qui lui donne, comme à Karl, un type sud-américain, bien qu’elle soit originaire du nord de l’Allemagne. Plus tard, son fils poudrera ses cheveux pour retrouver le blanc neigeux de ceux de sa mère à la fin de sa vie.

Otto vaque à ses affaires, les sœurs sont en pension, Karl reste la plupart du temps en tête à tête avec sa mère. « Elle menait tout le monde à la baguette, c’était une femme très dominatrice. Elle tenait à ce que Karl fasse carrière », a confié Kurt Lagerfeld, un cousin de la famille aujourd’hui disparu, à la journaliste Alicia Drake. D’après lui, elle aurait été vendeuse dans un magasin de lingerie féminine à Berlin, lorsqu’Otto a fait sa connaissance. Les habitants des environs, qui ont pieusement conservé la mémoire de cet illustre voisinage, se souviennent pour leur part de l’autorité avec laquelle elle dirigeait le foyer, « le seul à des kilomètres à la ronde à disposer d’une cuisinière, d’une bonne et d’un jardinier ». Derrière la « Hausfrau », Karl, lui, ne voit qu’une élégante, originale et bohème.

Une mère fascinante et castratrice

Lagerfeld raconte avec délectation ses vacheries, comme si elles avaient façonné son caractère. « Elle me disait toujours que j’avais de trop grosses narines et qu’on devrait téléphoner à un tapissier pour qu’il y installe des rideaux… Et à propos de mes cheveux, qui étaient de couleur marron-acajou : “Tu ressembles à une vieille commode.” » Toute sa vie, il lui a prêté un esprit ironique et cruel, sans tendresse démonstrative, mais aussi une grande liberté face aux conventions. A la fois fascinante et castratrice.

A Bad Bramstedt, les derniers contemporains de Karl Lagerfeld ont conservé le souvenir d’un petit garçon qui ne correspond en rien aux normes de ces années 1940 où la liberté est en train de disparaître sous l’effort militaire et la férule nazie. « Il était différent, très particulier, rien à voir avec les gamins de la campagne », assure ainsi Ursula Scheube, charmante vieille dame qui fut une de ses camarades de classe.

Il porte les cheveux longs quand tous les garçons ont adopté cette coupe en vogue depuis l’avènement d’Hitler : ras sur la nuque et les côtés avec quelques mèches plus longues sur le dessus. Surtout, il a l’air d’un bourgeois et même d’un dandy, au sein d’un village où l’on vit dans l’effort de guerre. « J’avais des grands nœuds sur des tenues tyroliennes, et pour le soir, des chemises plissées dans le pantalon », raconte-t-il. Sur les photos de classe, alors que tous les autres garçons portent un gros débardeur sur leur chemisette, il détonne avec sa veste de costume à grand revers, sa cravate et sa frange sur le front.

Brimades et préjugés

Le jeune Karl se mêle peu aux autres, affiche un brin de supériorité, refuse les bagarres et lit beaucoup. « Surtout, il dessinait sans cesse pendant les cours », note aujourd’hui la vieille dame. Il est aussi plus précieux, plus féminin que les gamins qui l’entourent. Dans le monde des adultes, c’est devenu un danger, une « tare » qui peut valoir la déportation. Dans celui des enfants, sa mère doit le défendre contre les brimades et les préjugés. « J’avais des lèvres si rouges que l’instituteur les avait essuyées avec un mouchoir, pensant que j’avais du rouge à lèvres », raconte-t-il. Aussitôt, Elisabeth écrit une lettre en criant au scandale. Un jour, il lui rapporte un mot qu’on a dû lui lancer : « Qu’est-ce que c’est, un homosexuel ? » Alors elle, superbe : « Oh, c’est comme une couleur de cheveux, rien de plus… Pour les gens civilisés, qu’est-ce que ça peut faire ? »

Longtemps, Karl Lagerfeld a affirmé qu’il n’avait rien vu de la guerre qui a plongé l’Europe dans le chaos. « J’ai eu de la chance, il ne s’est rien passé », a-t-il affirmé dans des dizaines d’interviews. Il raconte volontiers que sa mère, juste après la capitulation de l’Allemagne, faisant face à un dentiste – ou à l’instituteur, selon les versions – qui lui avait conseillé de faire couper les cheveux trop longs de son fils : « Elle lui a jeté sa cravate au visage en lui disant : “Vous êtes toujours nazi !” » Ces hauts cols blancs qu’il porte, explique-t-il aujourd’hui, « ce sont les mêmes que ceux que portait Walter Rathenau », ce ministre des affaires étrangères, juif allemand, qui fut assassiné par l’extrême droite en 1922, « le héros politique de [sa] mère ». Mais plus généralement, il assure : « Je ne sais rien du passé de mes parents. »

Rien sur son père. Ou si peu. Bien que Glücksklee, comme filiale d’une entreprise américaine, ait été classée dans la catégorie des biens ennemis, Otto Lagerfeld en est resté administrateur. Interrogé en 2007 pour le documentaire Un roi seul, de Thierry Demaizière et Alban Teurlai, Karl Lagerfeld a assuré que son père avait « été mis en taule par les nazis, à côté de Neustadt, pour des raisons qu[’il] ignore ». Comme il n’y a aucune trace de cette incarcération – beaucoup d’archives ont brûlé – et alors qu’on l’interroge à ce sujet, il élude : « Oh, c’était juste quelqu’un qui voulait prendre sa place… »

Cette guerre qui efface les souvenirs

La guerre est bien là, cependant. La Mittelweg, ce grand boulevard où Otto Lagerfeld a ses bureaux, était le quartier de la bourgeoisie juive de Hambourg. Depuis 1941, les juifs ont disparu, déportés ou exilés, et l’avenue a été investie par la nomenklatura national-socialiste. Aujourd’hui, des centaines de « Stolpersteine », ces petites pierres dorées où est inscrit le nom d’une victime juive qui habitait autrefois la rue, parsèment la Mittelweg et témoignent de l’ampleur des déportations. A l’époque, la rumeur ne parvient pas jusqu’à la cour d’école de Bad Bramstedt, mais le petit Karl a dû voir arriver des prisonniers de guerre : un Français et un Serbe travaillent à l’étable voisine.

Otto Lagerfeld a eu raison d’éloigner sa famille de la ville portuaire, stratégique en temps de guerre. Du 24 juillet au 3 août 1943, les aviations britannique et américaine bombardent Hambourg. C’est la première ville allemande visée par les Alliés. L’opération a été baptisée « Gomorrhe » et le déluge de feu qui s’abat ressemble bien à la destruction divine de la Genèse. L’armada aérienne largue 10 000 tonnes de bombes incendiaires au napalm sur le port hanséatique. 40 000 personnes meurent dans les incendies qui ravagent la ville à plus de 80 %. A 50 kilomètres à la ronde, les Allemands regardent avec effroi les flammes et les nuages de cendres. « Oui, j’ai vu le ciel rouge et les avions, se souvient Karl Lagerfeld aujourd’hui. Nous étions montés sur un terre-plein pour contempler les feux, au loin. » Hambourg bascule du jour au lendemain dans l’abîme.

En 1945, avec les derniers bombardements alliés puis l’afflux de centaines de milliers de réfugiés, Allemands de Silésie et Polonais fuyant l’avancée de l’Armée rouge à l’est, la ville n’est plus qu’anarchie. A Bad Bramstedt, la bourgeoisie et les paysans voient arriver des familles en guenilles, avec lesquelles il faut partager le travail et les récoltes. Otto Lagerfeld en emploie quelques-unes sur sa propriété, à qui Karl va distribuer des vêtements. Pour le reste, le couturier affirme n’avoir aucun souvenir. C’est comme s’il avait effacé Hambourg, ce squelette de ville, ses carcasses d’immeubles et ses habitants fantômes.

« Sortir d’ici au plus vite »

Est-il possible qu’un industriel comme Otto Lagerfeld ait pu traverser la guerre sans afficher aucune sympathie pour le parti nazi, ni au moins un attentisme de bon aloi à l’égard du régime ? « Cela ne me regarde pas », tranche son fils. Les archives sont rares à Hambourg et l’épuration d’après-guerre a été relativement clémente dans cette zone sous administration britannique. En 1945, Otto a 65 ans, il pourrait prendre sa retraite. Mais les patrons allemands polyglottes et énergiques comme lui sont rares et il n’a aucun mal à poursuivre sa carrière d’homme d’affaires.

« Pour moi, cette guerre a été un suicide plus encore qu’un crime impardonnable à tout jamais, dit aujourd’hui son fils. Les juifs étaient totalement assimilés à Hambourg, et les détruire, c’était détruire une part de l’âme du pays. » A la différence de beaucoup d’Allemands de sa génération, Karl Lagerfeld a refusé la culpabilité et les investigations sur le passé. « Je suis content de ne pas avoir d’enfants, cela m’évite ce genre d’enquête », confie-t-il dans le documentaire de Thierry Demaizière et Alban Teurlai.

En 1952, à 19 ans, il est parti. Sa sœur, Martha-Christiane a émigré aux Etats-Unis. « Ma mère disait : “Hambourg est la porte du monde”, mais ce n’est que la porte, alors dehors ! Je n’ai plus eu qu’un désir : sortir d’ici au plus vite », confie-t-il aujourd’hui. En 1967, Otto Lagerfeld est mort à Hambourg, mais son fils assure ne l’avoir appris que… trois semaines plus tard. « Ma mère m’a dit : “Tu n’aimes pas les enterrements, alors il était inutile que je te le dise” », affirme-t-il en guise d’explication.

Il y a quelques années, le couturier a acheté une maison, sur les bords de l’Elbe. Une demeure magnifique, d’où l’on voyait passer les conteneurs, décorée à grands frais puis revendue. « C’était une erreur de revenir sur les traces de mon passé », juge-t-il. Il n’y a pas dormi plus de dix nuits.

Monde Festival : Déshabillez-les ! La mode racontée par ceux qui la font. « Le Monde » organise dans le cadre du Monde Festival un débat sur les coulisses de la mode, samedi 6 octobre, de 17 h 30 à 19 heures, au Théâtre des Bouffes du Nord. Avec Simon Jacquemus, Marine Serre, Clara Cornet et Frédéric Godart. Une table ronde animée par Elvire Von Bardeleben, journaliste au « Monde ». Réservez vos places en ligne sur le site

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