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Jours tranquilles à Paris
street art
30 mai 2019

Street art et architecture en conflit sur la dalle

Par Emmanuelle Jardonnet

La justice a interdit l’extension d’un parcours de fresques dans le 13e arrondissement de Paris.

C’est l’histoire d’une greffe ratée entre un parcours de street art momumental et un site des années 1970 avec cinq barres de logements sociaux sur dalle, implanté au beau milieu du boulevard Vincent-Auriol (Paris 13e). Après une procédure en référé lancée le 7 mai par l’architecte Gilles Béguin et la designer graphique Isabelle Jégo, la justice a tranché le 20 mai : le duo a obtenu l’interdiction, sans leur accord préalable écrit, de toute intervention de street art sur les pignons de l’îlot Say, tout juste rénové par leurs soins et propriété de la Régie immobilière de la Ville de Paris (RIVP). « C’est une décision exceptionnelle sur le fondement du droit moral », commente l’avocate Agnès Tricoire, leur conseil.

Porté par la mairie du 13e, Boulevard Paris 13 est un parcours de fresques orchestré par la galerie Itinerrance, qui avait déplacé les foules en 2013 avec son projet éphémère de Tour Paris 13 – des dizaines d’artistes de la scène street art avaient été invités à intervenir dans un immeuble voué à la destruction. Ces dernières années, son directeur, Mehdi Ben Cheikh, s’est attelé à transformer la portion du boulevard Vincent-Auriol traversée par le métro aérien (ligne 6) en un « musée à ciel ouvert » en constante expansion. Les curieux peuvent y découvrir un enchaînement de muraux de grandes signatures, de l’Américain Shepard Fairey (Obey) au Français Invader.

Le conflit survenu sur l’îlot Say est inhabituel et, du côté de la RIVP, les mots sont durs. « Depuis onze ans que je suis à la direction de la RIVP, avec des centaines d’opérations de complexité variable, je n’ai jamais vu un architecte se comporter aussi mal. Je suis un grand défenseur des architectes, mais là, il y a eu un manque de loyauté », réagit Serge Contat, son directeur général. Il estime que, depuis trois ans, Gilles Béguin les « a baladés dans une espèce d’ambiguïté sans jamais contester le projet de street art ».

« Nous avons tous perdu du temps »

Même son de cloche du côté du maire. « Je n’ai jamais voulu mettre architectes et artistes en concurrence, et je ne souhaite pas polémiquer, assure Jérôme Coumet (PS). Nous faisons toujours des demandes d’intervention très en amont, et dans ce cas, nous avons prévenu dès 2016 que nous souhaitions faire intervenir des artistes sur des pignons. L’architecte avait accepté le principe, il n’a pas tenu sa parole, et nous avons tous perdu du temps. »

GILLES BÉGUIN, ARCHITECTE : « J’AI VOULU QUE LA RÉNOVATION SOIT SENSIBLE À L’HISTOIRE OUVRIÈRE DU QUARTIER, DONT IL A ÉTÉ FAIT TABLE RASE DANS LES ANNÉES 1970 »

Gilles Béguin, lui, défend la cohérence de son travail. « Mon projet de rénovation a été retenu par la RIVP en 2012, études et permis avaient été déposés en 2013. En 2016, le projet était déjà très avancé quand le maire a organisé une rencontre avec le galeriste », résume l’architecte. Il défend son approche des lieux, basée sur l’histoire du site, qui était une vaste raffinerie de sucre jusqu’en 1968 : « J’ai voulu que la rénovation soit sensible à l’histoire ouvrière du quartier, dont il a été fait table rase dans les années 1970. » Il a fait appel, dès 2015, à la designer graphique Isabelle Jégo. « Il y a eu un travail de recherche à partir des archives et de la mémoire des habitants », avec l’idée « de réinterpréter l’esprit d’origine des parements en béton cannelé », avec des pictogrammes et des phrases moulés dans des plaques de béton en composite blanc. Avec, comme effet recherché, une « vibration de la lumière évoquant une pluie de sucre », détaille l’architecte.

« Lors de cette rencontre de 2016, nous avons dit OK pour un pignon, mais pas pour de la peinture recouvrante, plutôt une intervention discrète comme une mosaïque d’Invader, et en collaboration avec nous. Notre projet était déjà très cohérent, je ne voyais pas l’intérêt d’ajouter des fresques, surtout sans lien avec l’histoire des lieux. Ils ont voulu passer en force », estime-t-il, visiblement affecté.

« Mépris » pour son travail

Pendant trois ans, l’incompréhension grandit. D’un côté, les tenants du street art estiment que le message a été passé et que les pignons sont à disposition ; de l’autre, l’équipe architecturale se réjouit du rendu de son revêtement et espère que le projet d’intervention n’est plus d’actualité. Gilles Béguin explique avoir appris à la mi-avril que des fresques étaient finalement programmées sur neuf pignons sur dix. Puis des nacelles sont apparues au pied du revêtement fraîchement posé. « Ils ont estimé que la question des fresques n’était pas mon problème. Je me suis senti agressé, et je me suis juste défendu face à un manque de respect pour notre travail, qui n’offre pas une esthétique spectaculaire, mais respecte le contexte », confie-t-il.

« IL Y A QUAND MÊME UNE TRENTAINE DE FRESQUES DÉJÀ RÉALISÉES À FÊTER », RAPPELLE LE MAIRE, JÉRÔME COUMET

Ce même « mépris » pour son travail, selon les termes de l’avocate, a été ressenti concernant l’annonce de la pose sur l’un des toits-terrasses de l’ensemble d’une sculpture du street artiste français Seth, l’un des lauréats du concours Embellir Paris. L’ajout de cette silhouette enfantine sur un toit constitue-t-elle aussi une atteinte au droit moral ? La justice a estimé que oui. Avouant être réticent à l’esthétique de l’œuvre, l’architecte reconnaît que l’essentiel s’est joué sur la manière : « Tout s’est organisé sans me demander mon avis, et alors que je n’avais même pas encore fait réceptionner le bâtiment. »

« Tant pis, on trouvera un autre endroit », commente Mehdi Ben Cheikh, qui précise qu’il était prévu qu’une fresque du même Seth soit réalisée sur le pignon à l’aplomb de la sculpture. L’inauguration officielle du parcours, le 13 juin, qui devait accompagner l’arrivée des nouvelles interventions, est maintenue, avec un « banquet populaire » qui s’étirera sous le métro aérien entre les stations Nationale et Chevaleret. « Il y a quand même une trentaine de fresques déjà réalisées à fêter », rappelle le maire, tandis qu’une « solution de secours » a été imaginée pour Seth, précise le galeriste : il a agrandi sa fresque précédente sur un immeuble situé de l’autre côté du boulevard.

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