Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Jours tranquilles à Paris
26 octobre 2020

Barcelone - Sagrada Familia

barcelone32

barcelone33

Sagrada Familia

Véritable emblème de Barcelone, la Sagrada Familia est une basilique pensée par Antoni Gaudí. C’est une œuvre monumentale d’une beauté incroyable qu’il convient de visiter avec un audio-guide afin d’y découvrir les secrets de ses nefs, ses façades, ses voûtes et ses colonnes.

Publicité
26 octobre 2020

Marie Goupy : « Le temps de la crise et de l’urgence est devenu peu à peu notre horizon politique »

Par Marie Goupy, Philosophe

Sanitaires, climatiques ou liées à la menace terroriste, les crises ont transformé les pratiques politiques et juridiques, dont les effets délétères doivent être questionnés pour ralentir le temps de l’urgence, estime la philosophe dans une tribune au « Monde ».

Ne glisse-t-on pas trop vite aujourd’hui de l’idée de crise sanitaire vers celle d’un usage nécessaire de moyens exceptionnels, que l’on qualifie parfois d’état d’exception ? La question mérite d’être posée après la nouvelle déclaration de l’état d’urgence sanitaire, le 14 octobre. La justification de ces moyens exceptionnels semble d’abord presque sémantique : puisque nous sommes en crise, il faut bien se résoudre à utiliser des mesures adaptées.

Déroger au droit et aux procédures ordinaires pour gagner en efficacité semble alors le gage d’une action politique forte. On ajoutera sans doute que l’état d’urgence sanitaire, comme l’état d’urgence avant lui, correspond à des lois : en s’efforçant de faire rentrer la gestion de la crise dans le cadre de la légalité, le gouvernement préserverait donc l’Etat de droit, tout en se donnant les moyens de répondre aux circonstances.

Dans cet argumentaire, un point demeure pourtant en suspens, comme une sorte d’évidence peu discutable : le droit ordinaire et les moyens qu’il autorise sont-ils véritablement insuffisants ? Pourquoi, pour ne prendre qu’un exemple, faut-il que le gouvernement légifère par ordonnances pour répondre à la crise sanitaire plutôt que de soumettre au débat parlementaire des questions de santé et des choix économiques qui vont affecter la société durablement et qui, normalement, relèveraient bien du domaine de la loi ?

Là encore, on incriminera sans doute la lenteur des procédures ordinaires. Mais, lorsque les crises deviennent précisément l’ordinaire des gouvernements, ne faut-il pas réfléchir autrement à cet impératif d’urgence et plus généralement à cette accélération du temps politique qui est devenu le nôtre ?

Discours de la nécessité

Car les crises se répètent et l’urgence tend à s’imposer avec la régularité d’une véritable temporalité politique : un regard rétrospectif sur l’usage d’un droit dérogatoire depuis le tournant du 11 septembre 2001 suffirait à le montrer. On peut compter les mois, les années passées sous des législations d’exception provisoires : en France, près de deux ans et demi sous état d’urgence, sécuritaire ou sanitaire, entre novembre 2015 et aujourd’hui.

Il faut également noter que l’exploitation d’un tel droit s’est généralisée dans la plupart des Etats de droit et que son recours tend à répondre à des situations de plus en plus diverses : à des attaques terroristes, à des crises économiques, à des catastrophes écologiques et, aujourd’hui, à la crise sanitaire.

Enfin, même lorsque l’on met un terme à l’application d’une législation d’exception, les gouvernements prennent souvent soin d’intégrer dans le droit ordinaire les dispositions exceptionnelles qui leur semblent désormais indispensables.

« CETTE PROLIFÉRATION DE RÈGLES SOUVENT DÉROGATOIRES, INÉVITABLEMENT TECHNIQUES, EXCLUT TOUTE LISIBILITÉ POUR DES CITOYENS ORDINAIRES »

Cet usage banalisé d’exceptions justifiées par l’urgence a été qualifié parfois d’« état d’exception permanent », invitant à penser par là un mode de gouvernement.

L’expression a provoqué bien des objections : l’idée d’un gouvernement par l’exception ne relativise-t-elle pas que les crises sont des faits qui imposent, par leur violence, une réaction ? Bien loin de gouverner par l’exception, les autorités seraient conduites malgré elles à mener une politique de nécessité. Mais ce discours de la nécessité tend néanmoins à recouvrir ce fait : les crises et le temps politique de l’urgence qui l’accompagne transforment – ont déjà transformé – les pratiques politiques et juridiques. Il empêche surtout de percevoir que le temps de la crise et de l’urgence est devenu peu à peu notre horizon politique.

Car, depuis longtemps déjà, ce droit que l’on applique seulement pour une crise donnée ne peut plus être examiné sans tenir compte de l’épaisseur du droit sur la durée : de ces couches de législations d’exception, de dispositions dérogatoires qui font glisser l’équilibre des pouvoirs vers un exécutif tenté de devenir un peu législateur et de s’extraire de certains contrôles. Par ailleurs, les crises tendent à accélérer la production de droit, dans un gage affiché de respect de l’Etat de droit ; mais cette prolifération de règles souvent dérogatoires, inévitablement techniques, exclut toute lisibilité pour des citoyens ordinaires. Avec ce risque que le temps n’habitue peu à peu les populations à l’urgence comme manière de gouverner et à la crise comme argument.

L’urgence comme mode d’existence

Plus généralement, les crises tendent à devenir un horizon politique permanent, et ce à la fois en tant que réalité et comme prisme politique – comme manière de saisir la réalité.

C’est donc à ces deux niveaux que l’omniprésence des crises doit être pensée : pourquoi traiter en tant qu’exception des phénomènes auxquels on pourrait répondre autrement, notamment lorsqu’ils s’avèrent durables – comme pour le terrorisme, mais aussi, à l’avenir, les questions climatiques et de santé ? Quelles politiques d’anticipation pourraient permettre de ne pas gérer ces questions seulement comme des crises, c’est-à-dire avec des moyens dérogatoires et des débats accélérés, sinon inexistants ? Plus profondément, pourquoi les crises s’accélèrent-elles et quelles sont les conditions structurelles de leur caractère endémique ?

Disons-le d’emblée : on ne résoudra pas ces questions dans ce temps de l’urgence permanente, qui contribue à river l’action et l’imaginaire politiques au présent et à refermer toute perspective future, sinon sous une forme apocalyptique. Mais l’expérience du temps dans cette crise d’ampleur mondiale a aussi ouvert un espace de réflexion, menaçant sans doute, mais aussi nouveau. A condition de cesser de penser l’urgence seulement comme un fait, mais d’y voir, au-delà, une temporalité politique et un mode d’existence que l’on peut questionner et transformer. Sous réserve, aussi, de se préoccuper dès maintenant des effets délétères des crises à répétition sur les institutions et le droit, qui pourraient pourtant jouer un rôle salutaire pour ralentir le temps politique de l’urgence.

Marie Goupy est philosophe, directrice de programme au Collège international de philosophie et maîtresse de conférences à l’Institut catholique de Paris.

26 octobre 2020

Etats Unis

etats unis drzpeau

26 octobre 2020

Miley Cyrus

miley

26 octobre 2020

Frames From The Edge - Helmut Newton from DSP on Vimeo.

Publicité
26 octobre 2020

Analyse - Le difficile chemin vers “l’islam des Lumières”

THE CONVERSATION (LONDRES)

Comment comprendre le concept d’“islam des Lumières”, progressiste et libéral, que beaucoup, dont Emmanuel Macron, appellent de leurs vœux ? s’interroge ce chercheur dans les colonnes de The Conversation.

Le 2 octobre 2020, Emmanuel Macron prononçait un discours sur la lutte contre les séparatismes et annonçait un projet de loi sur l’islam en France, attendu pour décembre 2020.

Le président français estimait que la République et les musulmans de France doivent ensemble “bâtir un islam des Lumières”, autour de l’autonomie de l’islam de France (vis-à-vis des influences étrangères), de la lutte contre l’extrémisme et d’un islam compatible avec les valeurs de la République.

Ces dernières années ont vu ce concept acquérir une certaine popularité ; de plus en plus de politiciens, d’intellectuels et de journalistes utilisent volontiers l’expression pour désigner un islam progressiste et libéral.

Alors que de nombreuses questions subsistent quant à cette future loi, le meurtre de Samuel Paty, enseignant d’histoire, le 16 octobre 2020, vient mettre à l’épreuve les promesses d’un islam des Lumières.

L’islam des Lumières n’a pas de passé

L’historien a beau chercher l’expression dans l’histoire de la pensée musulmane, par-delà les quinze dernières années et ailleurs qu’en France, “l’islam des Lumières” n’a pas de passé.

Certains considèrent le réformisme musulman du XIXe siècle comme le début ou le modèle de l’islam des Lumières ; pourtant, ils ne peuvent ignorer le traditionalisme de ces réformistes, qui n’ont remis en cause ni les dogmes, ni les pratiques ou les idées majeures de l’islam classique. Ils ont en fait considéré l’islam en tant que régulateur institutionnalisé des sociétés arabo-musulmanes et refusé la séparation entre la religion et la politique.

Les concepts de tanwir ou anwar en arabe (rushangiri en persan), qui signifient “lumières”, représentent en réalité un effort intellectuel marginal dans la pensée musulmane, qui s’est surtout révélé durant les trente dernières années du XXe siècle, en réaction à la montée de l’islamisme.

En Égypte, le penseur Hassan Hanafi en particulier, sous influence de la phénoménologie et de l’idéalisme allemands, a tenté dans les années 1980 de construire une philosophie islamique des Lumières, mais elle n’a eu aucun effet sur l’évolution de la pensée religieuse. Son impact s’est limité aux étudiants en sciences humaines, en raison de ses incohérences, de son éclectisme et de son militantisme.

Ce chantier a été repris par des intellectuels musulmans plus critiques et analytiques comme Nasr Hamid Abu Zayd en Égypte et Abdolkarim Soroush en Iran, qui ont envisagé les Lumières comme méthode critique de la pensée religieuse, directement appliquée aux textes religieux. Mais ces intellectuels ont été rapidement écartés de l’espace public et ont tous les deux cherché exil en Occident.

Les intellectuels modernistes n’ont en fait pas cherché “à produire de l’islam”, c’est-à-dire de la pensée religieuse, des dogmes, des normes ou des pratiques de cette religion sous influence de la critique, du rationalisme ou du sécularisme des Lumières françaises. Leur volonté était davantage d’historiciser cette pensée, c’est-à-dire de l’inscrire dans un contexte historique, et de s’émanciper du legs de la civilisation islamique mourante et de sa pensée religieuse traditionaliste.

Bref, les réformistes faisaient de l’islam sans lumières (ou peu) et les modernistes des lumières sans islam (ou peu).

1991, la naissance de l’expression “islam des Lumières”

L’islamologue franco-algérien de premier plan Mohammed Arkoun, tout en parlant d’un âge des lumières à Bagdad aux Xe et XIe siècles, refuse de le comparer aux Lumières européennes. Les historiens parlent d’ailleurs plutôt d’un essor civilisationnel.

La tâche à effectuer, selon lui, consiste en une critique des mythes et des récits-cadres de la pensée musulmane, comme étape nécessaire à la désacralisation de la vérité religieuse et à la refondation d’une pensée humaniste, plurielle, rationaliste et séculariste dans le monde musulman.

Parallèlement, Mohammed Allal Sinaceur, philosophe marocain écrivant en français, désignait en 1991, dans Le Monde diplomatique, l’interprétation coranique effectuée par Jacques Berque (anthropologue, historien et islamologue français) comme un “Coran des Lumières”, dans le sens d’une “révélation comprise dans les limites de ce que la raison peut comprendre”.

C’est ainsi, en fait, qu’est née l’expression “l’islam des Lumières” : un commentaire d’un philosophe sur l’œuvre d’un érudit et traducteur du Coran. Mais tout cela est malheureusement resté anecdotique. La montée de l’islamisme qui a spectaculairement frappé le monde occidental à travers les événements du 11 septembre 2001 a motivé quelques intellectuels musulmans franco-maghrébins à imaginer un autre islam dans une perspective apologétique : se défendre contre la violence islamiste par la promotion d’un islam à visage humain.

Bien que ceux qui utilisent l’expression soient nombreux, le seul intellectuel à avoir réellement produit un effort pour “construire” un islam des Lumières est Malek Chebel, anthropologue et penseur franco-algérien. Celui-ci a publié en 2004 Le Manifeste pour un Islam des Lumières. 27 propositions pour réformer l’islam.

Dans la lutte contre le fondamentalisme, Chebel a souhaité un islam de l’illumination, de la rationalité et de la tolérance qui croit dans le progrès, la jeunesse et l’avenir. Mais les trois premières propositions de ce manifeste – à savoir produire une nouvelle interprétation des textes, la primauté de la raison et la reconsidération du rôle guerrier du djihad – sont restées lettre morte.

Les autres propositions sont des désirs de voir les Lumières s’installer dans l’islam, par la liberté d’expression, l’égalité hommes-femmes, le sécularisme et la démocratie… La prémisse qui sous-tend cette pensée de Chebel est la nécessité de justifier les Lumières par l’islam : pour que quelque chose soit légitime, il faudrait que cela soit ancré quelque part dans la tradition ou dans l’histoire de l’islam. Or, il ne peut y avoir de Lumières que dans la rupture vis-à-vis de la pensée religieuse.

Islam des Lumières vs islam sombre

Cette pensée est aussi naïve et manichéenne : islam des Lumières vs islam sombre, les juristes-théologiens vs les philosophes, etc. Le monde musulman classique avait ses propres logiques d’action sociale et de pensée, tantôt cohérentes, tantôt contradictoires ; il n’est pas raisonnable de les classer en lumières et ténèbres ou en bons et en mauvais.

Le meurtrier de Samuel Paty, l’enseignant d’histoire au collège du Bois-d’Aulne, a justifié sur Twitter son acte par des motivations religieuses et politiques entrelacées :

Au nom d’Allah, le tout miséricordieux, le très miséricordieux […] à Macron, le dirigeant des infidèles, j’ai exécuté un de tes chiens de l’enfer qui a osé rabaisser Muhammad, calme ses semblables avant qu’on ne vous inflige un dur châtiment.”

La condamnation sans appel du blasphème à l’égard des symboles religieux de l’islam n’est pas le fait du développement récent de l’islamisme radical ou d’un obscurantisme quelconque ou encore de “victimes de colonialisme en quête d’émancipation” : c’est la norme de la loi islamique. Cela dit, la majorité des instances musulmanes dans le monde ne justifient pas la pratique de la violence pour venger le blasphème.

Pour ne citer qu’un exemple, au lendemain de l’affaire des caricatures danoises, une “Organisation internationale de soutien au Prophète” a été créée par plus de 300 leaders musulmans, de toutes sensibilités et régions du monde afin d’essayer de trouver des moyens de contenir la crise ; cette organisation est toujours active, même si elle est peu visible ces dernières années.

Emmanuel Macron a qualifié le meurtre de Samuel Paty d’acte obscurantiste, les représentants de l’islam en France ont parlé d’un acte isolé qui ne doit pas être associé à l’islam. Il n’est pourtant pas pertinent d’opposer un islam obscurantiste à un islam des Lumières.

L’assassinat de Samuel Paty est survenu quelques semaines après l’attaque près des anciens locaux de Charlie Hebdo, et quelques mois après celle à Romans-sur-Isère perpétrée par un réfugié soudanais. On a affaire à un type de violence contre des symboles civilisationnels, sans lien apparent avec des organisations terroristes particulières.

Ces attaques trahissent une insécurité culturelle chez certains jeunes qui considèrent que le blasphème est la marque d’une guerre civilisationnelle : une attaque de leurs symboles culturels, pris pour des enjeux existentiels, qui doit être vengée par une contre-attaque.

Ceux qui ont perpétré ces attentats viennent d’horizons différents (Tchétchénie, Pakistan, Soudan), mais leurs auteurs partagent une pensée religieuse-politique qui s’est nourrie depuis deux siècles de l’adversité et d’un désir de revanche vis-à-vis de l’Occident et de la modernité des Lumières (sachant que certains en Occident peuvent bien entendu également résister aux Lumières et à la modernité).

Islam des Lumières : pistes de réflexion

Depuis des siècles, la pensée religieuse de l’islam officiel, de l’islamisme et des courants traditionalistes dominants vit dans un détachement affectif entretenu par certains gouvernements autoritaires et des réseaux idéologiques et politiques transnationaux puissants, dans le but de maintenir les citoyens de cultures musulmanes à l’écart des évolutions du monde.

La fonction de cette pensée est d’accompagner une façon d’être dans le monde en lutte, en combat, en revendication et en vengeance, en militantisme et en refus, et dans la dissidence : être dans la dissidence du monde tout en cherchant refuge dans une pensée autosuffisante et fermée à la modernité.

La force de l’islamisme, dans ses différentes formes, est d’avoir été souvent à la tête des combats du monde musulman durant le XXe siècle, et d’avoir su mobiliser les sociétés musulmanes par cette énergie de lutte.

L’islamisme de l’État turc, pour prendre un exemple récent, mobilise les audiences musulmanes en différentes langues, et dans divers contextes européens et arabo-musulmans, en faveur de l’intervention turque au Haut-Karabakh.

L’islamisme s’est approprié les dogmes aussi bien que les pratiques de la tradition dans une vision enseignée dans les écoles et les familles et diffusée dans les médias populaires dans le monde musulman et en Europe.

L’islam en lutte a inspiré les réformistes, le salafisme djihadiste et beaucoup de jeunes musulmans d’Europe aujourd’hui. Cette pensée militante surfe directement sur les frustrations, les aspirations de classe, et les ressentiments de nombreuses populations.

Un travail intellectuel doit être axé sur l’examen critique des évidences, des perspectives et des modes de pensée et d’agir musulmans. Une crise moderniste s’impose à tout intellectuel, théologien ou cadre musulman. Elle consiste à adopter des outils réflexifs de pensée, de critique, à voir la théologie musulmane à travers le monde et non le contraire, à historiciser les idées religieuses. Mais aussi à distinguer entre revendications sociales et revendications politico-religieuses, à rompre avec les illusions suprémacistes sur l’islam, à travailler sur les mentalités et sur les catégories de pensée, et à remettre en question l’éthique musulmane, et les conditions de sa genèse et de son développement.

Les Lumières ne peuvent rayonner par une pensée anecdotique, d’artifice et en marge de la religion elle-même, ou par une volonté politique. Libérer l’islam d’une idéologie de combats qui l’a transformé dans les vécus et les pensées en une religion de résistance à l’Occident, au rationalisme, au sécularisme, aux libertés, etc. ne peut se faire uniquement par le discours.

Ce sont les musulmans eux-mêmes, à commencer par les leaders religieux, qui doivent passer le test de la crise moderniste : c’est-à-dire éprouver certaines croyances, appartenances, pratiques, normes, surtout celles relatives à l’altérité, par les outils des sciences humaines, les valeurs des droits de l’homme et du pluralisme, les institutions de la démocratie et du sécularisme, et les exigences de la dignité humaine, avec tous les risques que cela induit, y compris celui d’abriter moins de mythes mais plus de libertés.

Abdessamad Belhaj

Source

The Conversation

LONDRES http://theconversation.com/uk

25 octobre 2020

Erdogan s’attaque à Macron, Paris dénonce la « propagande haineuse » de la Turquie

macron02

Le président turc s’est interrogé samedi et dimanche sur la « santé mentale » d’Emmanuel Macron. Le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, a dénoncé une volonté d’Ankara « d’attiser la haine » contre la France et a rappelé son ambassadeur.

Des tensions en Méditerranée au conflit en Libye, en passant par le Haut-Karabakh, les sujets de désaccord sont nombreux entre la Turquie et la France. La tension est encore montée d’un cran, ce week-end, après une passe d’armes entre Paris et Ankara à propos des caricatures de Mahomet et de la réaction des autorités françaises après l’attentat qui a coûté la vie au professeur d’histoire-géographie Samuel Paty.

Analyse : La France contre la Turquie, aux racines de l’affrontement

Samedi, le président turc s’était attaqué directement à son homologue français, Emmanuel Macron : « Tout ce qu’on peut dire d’un chef d’Etat qui traite des millions de membres de communautés religieuses différentes de cette manière, c’est : “Allez d’abord faire des examens de santé mentale” », a déclaré Recep Tayyip Erdogan lors d’un discours télévisé. Il y a deux semaines, M. Erdogan avait dénoncé comme une provocation les déclarations du président français sur le « séparatisme islamiste » et la nécessité de « structurer l’islam » en France, alors que l’exécutif présentait un projet de loi sur ce thème.

Le Drian dénonce un « comportement inadmissible »

Dimanche 25 octobre, le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, a dénoncé de la part de la Turquie « une volonté d’attiser la haine » contre la France et son président Emmanuel Macron, soulignant que l’ambassadeur de France en Turquie, rappelé « pour consultation », selon l’expression consacrée, sera de retour dès ce dimanche.

Le rappel d’un ambassadeur est un acte diplomatique rare et serait une première, semble-t-il, dans l’histoire des relations franco-turques. Le précédent rappel d’un ambassadeur français remonte à février 2019 quand Paris avait voulu protester contre une rencontre entre Luigi Di Maio, alors vice-premier ministre italien, et des « gilets jaunes ».

Depuis l’avion qui l’emmenait vers le Mali, le ministre des affaires étrangères a fustigé « un comportement inadmissible, a fortiori de la part d’un pays allié ». « A l’absence de toute marque officielle de condamnation ou de solidarité des autorités turques après l’attentat terroriste de Conflans-Sainte-Honorine, s’ajoute désormais depuis quelques jours une propagande haineuse et calomnieuse contre la France », a déclaré M. Le Drian, dans un communiqué.

La France a noté un manque de solidarité de certains autres pays, après l’assassinat du professeur d’histoire-géographie Samuel Paty, à sa sortie du collège où il enseignait en région parisienne, pris pour cible par un Russe tchétchène radicalisé pour avoir montré des caricatures de Mahomet en classe dans un cours sur la liberté d’expression.

Chronique : « Qui a perdu la Turquie ? La question risque de se poser aux Européens »

M. Le Drian a dénoncé aussi des « insultes directes contre le président [Emmanuel Macron], exprimées au plus haut niveau de l’Etat turc ». « L’ambassadeur de France en Turquie [Hervé Magro] a en conséquence été rappelé et rentre à Paris dès ce dimanche 25 octobre 2020 pour consultation », ajoute le ministre.

« Rien ne nous fera reculer, jamais », écrit Macron

Dimanche soir, Emmanuel Macron a écrit sur son compte Twitter : « Notre histoire est celle de la lutte contre les tyrannies et les fanatismes. Nous continuerons ». Et d’ajouter en anglais et en arabe :

« Nous continuerons. Nous respectons toutes les différences dans un esprit de paix. Nous n’acceptons jamais les discours de haine et défendons le débat raisonnable. Nous continuerons. Nous nous tiendrons toujours du côté de la dignité humaine et des valeurs universelles. »

L’UE appelle la Turquie à cesser « cette spirale dangereuse »

De son côté, le haut représentant de l’Union européenne (UE) pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Josep Borrell, a dénoncé dimanche des « propos inacceptables » de la part du président turc. Il a appelé « la Turquie à cesser cette spirale dangereuse de confrontation ».

Les propos du président turc avaient déjà été jugés « inacceptables », samedi, par l’Elysée, cité par l’Agence France-Presse (AFP) : « L’outrance et la grossièreté ne sont pas une méthode. (…) Nous exigeons d’Erdogan qu’il change le cours de sa politique car elle est dangereuse à tous points de vue. Nous n’entrons pas dans des polémiques inutiles et n’acceptons pas les insultes. » La présidence française relevait aussi les « déclarations très offensives [de Recep Tayyip Erdogan] de ces derniers jours, notamment sur l’appel au boycott des produits français », alors que ces appels se multiplient au Moyen-Orient.

Pour la présidence turque, les caricatures visent à « intimider » les musulmans

Nouvelle riposte d’Ankara, dimanche. Un responsable de la présidence turque a affirmé sur Twitter que les « caricatures offensantes » du prophète Mahomet étaient utilisées pour intimider les musulmans en Europe sous le prétexte de la liberté d’expression.

Fahrettin Altun, directeur de la communication de la présidence, a accusé l’Europe de diaboliser les musulmans. « La politique insidieuse des caricatures offensantes, des accusations de séparatisme contre les musulmans et des perquisitions de mosquées ne sont pas liées à la liberté d’expression », a affirmé M. Altun en anglais sur Twitter. « Il s’agit d’intimider les musulmans et de leur rappeler qu’ils sont les bienvenus pour continuer à faire fonctionner l’économie de l’Europe, mais qu’ils n’en feront jamais partie – sur fond de discours sur l’intégration », a-t-il ajouté.

« Certains dirigeants européens aujourd’hui ne visent pas seulement les musulmans parmi eux. Ils attaquent nos valeurs et nos textes sacrés, notre Prophète et nos dirigeants politiques – tout notre mode de vie », a ajouté M. Altun. Il a affirmé que les Européens devaient réaliser que « les musulmans ne partiront pas parce que vous ne voulez pas de nous. Nous n’allons pas tendre l’autre joue quand vous nous insultez. Nous allons nous défendre et défendre les nôtres à tout prix ». Il a encore soutenu que cette attitude à l’égard des musulmans était « étrangement familière » et ressemblait à « la diabolisation des juifs européens dans les années 1920 ».

M. Erdogan a quant à lui de nouveau attaqué dimanche Emmanuel Macron, réitérant ses doutes sur sa santé mentale proférés samedi. Lors d’un discours télévisé, le président turc a accusé M. Macron d’être « obsédé par Erdogan jour et nuit ». « C’est un cas, et en conséquence, il a vraiment besoin de subir des examens », a-t-il ajouté.

Nombreux contentieux entre Paris et Ankara

Ce contentieux vient s’ajouter à une longue liste de désaccords entre MM. Macron et Erdogan. Des tensions en Méditerranée avec la Grèce au conflit en Libye, en passant par les violences dans le Haut-Karabakh (où la Turquie soutient l’Azerbaïdjan contre l’Arménie), de nombreux dossiers opposent actuellement Paris et Ankara. « Depuis [qu’il a mené] son offensive en Syrie, la France n’a cessé de dénoncer le comportement du président Erdogan ; les dernières semaines nous ont donné raison », avait déclaré l’Elysée samedi à l’AFP.

La France réclame par ailleurs à nouveau « que la Turquie mette fin à ses aventures dangereuses en Méditerranée et dans la région », au même titre qu’elle dénonce le « comportement irresponsable » d’Ankara dans le Haut-Karabakh. « Des exigences sont posées. Erdogan a deux mois pour répondre. Des mesures devront être prises à la fin de cette année », précise l’Elysée à propos de la Méditerranée orientale.

Le Monde avec AFP

macron22

macron23

macron nous sommes 1

25 octobre 2020

L’Elysée dénonce les propos « inacceptables » d’Erdogan sur la « santé mentale » de Macron

Il y a deux semaines, le président turc avait dénoncé les déclarations du président français sur le « séparatisme islamiste ». L’Elysée note de son côté « l’absence de message de condoléances » d’Erdogan après l’assassinat de Samuel Paty.

Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, s’en est pris avec virulence, samedi 24 octobre dans un discours télévisé, à son homologue français, Emmanuel Macron. L’homme fort d’Ankara a fustigé son attitude envers les musulmans de France, mettant en doute sa « santé mentale » et l’invitant à « se faire soigner ».

« Tout ce qu’on peut dire d’un chef d’Etat qui traite des millions de membres de communautés religieuses différentes de cette manière, c’est : “Allez d’abord faire des examens de santé mentale” », a déclaré M. Erdogan, qui, il y a deux semaines, avait dénoncé comme une provocation les déclarations du président français sur le « séparatisme islamiste » et la nécessité de « structurer l’islam » en France.

Les propos du président turc ont pour leur part été jugés « inacceptables » par l’Elysée : « L’outrance et la grossièreté ne sont pas une méthode. (…) Nous exigeons d’Erdogan qu’il change le cours de sa politique car elle est dangereuse à tous points de vue. Nous n’entrons pas dans des polémiques inutiles et n’acceptons pas les insultes », poursuit la présidence française, qui a annoncé le rappel de son ambassadeur à Ankara pour consultation.

Longue liste de contentieux diplomatiques

L’Elysée a par ailleurs noté « l’absence de message de condoléances et de soutien du président turc après l’assassinat de Samuel Paty », l’enseignant décapité il y a une semaine dans un attentat islamiste, à proximité de son collège de la banlieue parisienne. La présidence française relève aussi les « déclarations très offensives [de Recep Tayyip Erdogan] de ces derniers jours, notamment sur l’appel au boycott des produits français ».

Ce contentieux vient s’ajouter à une longue liste de désaccords entre MM. Macron et Erdogan. Des tensions en Méditerranée avec la Grèce au conflit en Libye, en passant par les violences dans le Haut-Karabakh (où la Turquie soutient l’Azerbaïdjan contre l’Arménie), ce sont de nombreux dossiers qui opposent actuellement Paris et Ankara.

« Depuis [qu’il a mené] son offensive en Syrie, la France n’a cessé de dénoncer le comportement du président Erdogan ; les dernières semaines nous ont donné raison », poursuit l’Elysée. Ce samedi, la France réclame de nouveau « que la Turquie mette fin à ses aventures dangereuses en Méditerranée et dans la région », au même titre qu’elle dénonce le « comportement irresponsable » d’Ankara dans le Haut-Karabakh.

Plusieurs pays du Moyen-Orient appellent au boycott des produits français. Les appels au boycott des produits français se multiplient depuis vendredi dans plusieurs pays arabes en réaction au discours présidentiel à la Sorbonne. Aux yeux de Paris, « il y a une campagne islamiste contre la France. Elle est organisée, elle n’est pas le fait du hasard, et les émetteurs sont très largement turcs ». Au Qatar, les chaînes de distribution Al-Meera et Souq Al-Baladi ont ainsi annoncé qu’elles « retiraient » les produits français des magasins jusqu’à nouvel ordre. Au Koweït, des images montrant les fromages Kiri et Babybel retirés des rayons de certains magasins ont été relayées sur les réseaux sociaux. Quelque 430 agences de voyages du Koweït ont par ailleurs suspendu les réservations de vols vers la France, a fait savoir le chef de la Fédération des agences de voyages de l’émirat. En Jordanie, le Front d’action islamique, un parti d’opposition, a appelé les citoyens à boycotter les produits français.

25 octobre 2020

JDD de ce 25 octobre

JDD 25 octobre

25 octobre 2020

Vu du Liban - Donald Trump, mon virus d’Amérique

trump64

L’ORIENT-LE JOUR (BEYROUTH)

PRÉSIDENTIELLE AMÉRICAINE J-9 – Qui est vraiment le président américain, l’homme qui, depuis quatre ans, ébranle la planète ? Pour tenter de répondre à cette question, l’écrivaine libanaise Dominique Eddé a esquissé son portrait. Sans indulgence.

Son regard sait tout. Il ne voit pas, il toise. Il regarde pour la forme. À un cran près, l’œil gauche est l’exacte réplique de l’œil droit. Un tour de force pour un homme aussi double. Ses yeux sont des clones. Où qu’ils soient, ils sont à table : ils parcourent la carte, passent commande, consomment et jettent ce qui n’est pas à leur goût. S’ils avaient des lèvres pour paupières, on dirait d’eux qu’ils n’aiment pas ce qu’ils mangent.

L’implantation de ses cheveux, couleur courge et avoine, coiffe son crâne d’une soucoupe volante, figée en couronne. Pour peu que la réalité lui résiste, ses épaules géantes montent et descendent, par à-coups, comme pour se débarrasser d’une bestiole.

Un phénomène de recyclage

On ne peut pas dire de lui qu’il est un phénomène de la nature. Il est un phénomène de recyclage. Tout ce qu’il n’a ni vu ni appris ni connu – la masse d’ignorance qui l’habite – est recyclé en une formidable provision d’énergie.

Sa carrure à nuque engoncée l’oblige à hausser le menton pour s’inventer un cou. Il porte son corps comme un privilège et comme un poids. Cette ambivalence se lit à la débandade de son sourire. Il est toujours très content de lui, jamais content tout court.

On dirait qu’il en veut à quelqu’un de lui gâcher son plaisir. Qu’il soit en marche ou au repos, seuls ses pieds n’en font pas trop. Ils prennent sur eux l’arrogance clinquante du bâtiment. Ils le laissent commander, s’exécutent.

Le charisme d’un tank en temps de guerre

Sa voix, en revanche, est un raz-de-marée. Elle s’adresse au monde entier en n’ayant consulté que lui. Elle est bourrée de son désir : un désir irrépressible, mais sans objet précis. Une sorte de pulsion, mi-chair, mi-métal, que l’avenir intégrera sans doute un jour dans le comportement des robots.

Égale à elle-même, elle est préparée à gagner, à posséder, à tout rafler. Elle s’écoute sans s’entendre, elle a le charisme d’un tank en temps de guerre. Elle sécurise ceux qui ne savent pas quoi faire de la paix. Elle leur sert de berceuse. Basse et parfaitement monocorde, elle connaît de temps à autre des accents doucereux qui l’autorisent à feindre la compassion à l’instant où elle emmène la planète dans le mur.

En fait, elle lui sort du gosier avec de puissantes charges d’air qui laissent supposer qu’elle ne rencontre pas grand monde en chemin. Le fluide est redistribué, à petites doses, à la sortie, par une bouche en O : une ouverture statique qui, dans ce visage en chantier, dévoile brusquement les appareils de plomberie.

Deux rangées de dents publicitaires

Chaque mot reçoit la quantité de souffle voulu pour entretenir un petit feu artificiel et inextinguible. Pour peu que la colère monte, le tuyau lâche. Le flot tourne au torrent. Un trou béant actionné par une paire de mâchoires donne à voir une langue un peu coincée entre deux rangées de dents publicitaires.

Puis vient le moment menaçant où il ferme le robinet d’un coup sec. Le visage se ferme et se fronce. Il teste l’effet de son silence sur l’effet de sa tirade. Une fois relancée, sa voix peut continuer sans avoir à se souvenir de ce qu’elle vient de dire. Rien ne la ralentit quand elle change de registre. C’est la voix d’un acteur qui joue si bien son rôle qu’il ne voit pas pourquoi il en essaierait d’autres.

Calée sur un seul accord, un seul ton, elle enregistre de temps à autre de petites chutes de tension habilement exploitées comme autant de preuves de son humanité. De l’humanité, il en a si peu en réserve qu’il veille à mettre le peu qu’il a en vitrine.

Ses mains font le même boulot que sa voix, mais avec agitation. Elles la dirigent, se mettent en quatre pour la remplir. Chacune de ses phrases a droit au secours de ses bras. Les paumes écartées, réunies, écartées, réunies, debout l’une contre l’autre, en position de prière, en position de cogner, remises en marche, un poing tendu, un doigt levé… À le regarder faire, en coupant le son, on croirait assister à un concert symphonique dont la partition tiendrait du rapport comptable et du commandement militaire.

Le roi impassible de la façade

Toute sa personne est attroupée dehors. Le peu qui reste à l’intérieur est installé devant un miroir. Il est le roi impassible de la façade. L’amour qu’il se voue est si passionné qu’il lui arrive de craindre la trahison : un lâchage inopiné de lui par lui. Cet homme est sans mystère, mais il a un secret : il manque un lien entre son personnage et sa personne.

Il a beau couvrir le premier de compliments et de lauriers, la seconde est frustrée. Il lui arrive d’ailleurs d’être sur le point de se donner tort, rien que pour tester son droit à tout. Mais il a beau être malade, il n’est pas suicidaire : il se ravise aussitôt. Il retourne sa bouche et ses yeux comme s’ils étaient morts, prend trois secondes pour réfléchir et revient triomphant en se félicitant d’avoir été si rapide. Pour finir, il se sent revivre chaque fois qu’il change d’avis, chaque fois qu’il peut dire sans broncher : “C’est comme ça et pas autrement.”

Il s’amuse de ne pas rire

Ses retournements ne sont pas que sa marque de fabrique, ce sont ses points d’équilibre. Il compte sur eux pour déstabiliser l’adversaire. C’est un des moments qu’il préfère. C’est là qu’on le voit lever une lèvre et hésiter entre ricaner et sourire. Pour finir, il ne fait ni l’un ni l’autre, il s’amuse de ne pas rire. Il s’en vante. Est-ce qu’il sait rire ? Rien n’est moins certain. S’esclaffer sûrement, mais rire comme on se lâche lorsque à l’intérieur de soi l’enfant et l’adulte ne font qu’un ? Impossible.

Cet homme ne peut pas faire la différence entre se défouler et se laisser aller. Se défouler lui vient comme il respire. Se laisser aller, en revanche, supposerait qu’il y ait quelque chose de plus que lui en lui à relâcher. L’excitation, l’exaltation, il connaît. Mais la joie ? On a beau retourner son cas dans tous les sens, on ne voit pas comment il pourrait y goûter.

La joie c’est le contraire du gain. Il faut n’avoir rien d’autre qu’elle à obtenir pour y accéder. Il faut s’être un instant oublié. Comment pourrait-il ? Soyons justes, il est parfois à deux doigts de l’humour, sur le point de dire : “J’ai tort sur toute la ligne ? Et alors ? C’est moi le plus fort et je vous emmerde.”

Une forme d’intelligence instinctive

S’il ne le dit pas, c’est qu’à défaut du ridicule il a le sens de la conservation. Il ne veut pas qu’on voie de trop près le vide d’où il vient. “D’ailleurs à quoi bon vous dire d’où je viens, doit-il penser, puisque je suis là où je suis ?” Accordons-lui quand même une forme d’intelligence instinctive d’autant plus efficace qu’elle abat au lieu de ratisser.

Il y a deux humanités à ses yeux : celle qui le suit, l’applaudit, le prolonge, et l’autre, qui, en un mot, l’importune. Elle le gêne au même titre qu’un lacet qui résiste ou qu’une allumette qui ne prend pas. Quand son impatience l’aveugle, la Bourse et son gendre lui tiennent lieu de boussole.

Il n’a aucun mal à faire deux choses à la fois : il se trouve en déraillant, se calme en s’énervant, se découvre un métier en gouvernant. Je vous l’ai dit dès le début, cet homme est double, mais il n’y en a pas un pour éduquer l’autre. D’ailleurs, il a beau être debout, en costume, cravaté, coiffé de près, une partie de lui reste couchée.

Un petit fond de dégoût

Qu’il parle d’une guerre en cours ou d’un danger nucléaire, il a toujours sur le visage ce petit fond de dégoût vaguement surmonté par le plaisir d’être sur scène. En réalité, il boude son sujet de peur que cela lui prenne du temps, lui vole la vedette. Il n’y a qu’à voir sa moue : cette barque molle renversée qui fait le tour de la Terre. Elle résume son solipsisme : une grimace amusée d’être prise au sérieux et une autre excédée d’offrir son génie à un public inférieur.

En somme, il a pitié de ceux qui ne savent pas qui il est et il souffre en permanence, sans savoir pourquoi, de n’être pas un autre. Comment le saurait-il ? Il n’a jamais connu que lui. Cet homme est un virus qui révèle parfaitement le piteux état de notre planète : tout le monde l’a identifié, personne n’arrive à le mettre hors d’état de nuire.

Publicité
Publicité