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Jours tranquilles à Paris
20 avril 2015

Le tabou du génocide arménien s’érode en Turquie

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Il y a un siècle, massacres et déportation firent 1,3 million de morts. La Turquie rejette le mot de génocide. Mais la société civile retrouve peu à peu la mémoire.

À l’approche du centenaire du génocide arménien, malgré le déni officiel qui perdure, le sujet n’est plus tabou en Turquie. Des commémorations, organisées par la société civile, ont lieu depuis 2010 dans plusieurs villes tous les 24 avril, de nombreux livres sont publiés et de plus en plus de jeunes chercheurs s’intéressent à la question. En 2014, un message de« condoléances », ne mentionnant pas le mot génocide mais parlant d’une« déportation inhumaine », a été publié à l’attention des descendants des victimes par Recep Tayyip Erdogan, alors Premier ministre, aujourd’hui président de la République. Comment les Arméniens de Turquie, réduits à une communauté de 70 000 personnes, alors qu’avant 1915, près de deux millions d’Arméniens vivaient dans l’Empire ottoman, vivent-ils cette évolution ? Pour Silva Özyerli, Arménienne originaire de Diyarbakir (sud-est), habitant aujourd’hui à Istanbul, le message de condoléances d’Erdogan a soulagé les Arméniens de Turquie, malgré ses nombreuses lacunes.« C’est un texte qui ne désignait aucun responsable et, si on regarde de plus près, on pourrait trouver de nombreuses choses à critiquer. Mais pour moi, le plus important, c’était la rupture avec le langage officiel de l’État. Au moins, on ne niait plus qu’il s’était passé quelque chose en 1915. Après tant d’années de déni, ça fait du bien » ,indique-t-elle.

Ankara durci le ton

Mais ce « pansement » sur la blessure n’a été pas suivi par de nouveaux pas positifs. Au contraire, le ton s’est durci à Ankara.« Le gouvernement a dû considérer qu’il est allé très loin l’année dernière avec les condoléances. Du coup, il a fixé cette année la commémoration du débarquement de Gallipoli au 24 avril (pour détourner l’attention, NDLR), alors que cet événement était célébré habituellement les 18 mars. C’est une attitude très malvenue », regrette Yetvart Danzikyan, rédacteur en chef d’ Agos, journal arménien d’Istanbul. Mercredi, le président Erdogan pestait contre les déclarations du pape, qui a évoqué le génocide dimanche, et la résolution du Parlement européen appelant cette semaine la Turquie à reconnaître le génocide.« Il y a près de 100 000 Arméniens vivant en Turquie. Nous aurions pu les expulser, nous ne l’avons pas fait. Nous les accueillons encore chez nous », a rétorqué Erdogan, sans même se rendre compte de la gravité de ces propos menaçants. De la révision des livres scolaires qui traitent encore les Arméniens comme des« traîtres » à la conservation du patrimoine architectural arménien en Anatolie, en proie à la destruction, Ankara a encore un long chemin à faire.« Si l’État ne veut rien faire, qu’il restaure au moins les églises en ruine, demande Silva Özyerli.Je ne voulais plus mettre les pieds à Diyarbakir, tellement ça me faisait mal de revenir sur ces terres. Mais la restauration de l’église Surp Giragos m’a guérie, m’a réconciliée. Des pas similaires pourront guérir les blessures des Arméniens. » Article de Burçin GERÇEK.

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