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Jours tranquilles à Paris
5 octobre 2016

Théâtre. Les Damnés - Qu'en pensez ? Le mieux est d'aller le voir pour se faire une opinion....

q18

Un article virulent de Stéphane Bugat

Voici donc le spectacle qui occupe la tête de gondole en ce début de saison à la Comédie- Française, après avoir eu les honneurs du Festival d'Avignon.

Ivo van Hove, metteur en scène belge, renommé et prolifique, s'approprie l'oeuvre de Visconti, comme il l'a déjà fait pour deux autres films du maître italien, « Rocco et ses frères » et « Ludwig ».

Il se targue de n'avoir pas revu le film en question, affirmant s'en tenir strictement au texte. Mais il figure aussi parmi ces metteurs en scène qui considèrent que leur pouvoir artistique leur autorise toutes les libertés à l'égard des textes.

Des tableaux morbides

Ainsi, il ne faut pas chercher la moindre référence à l'esthétique si forte et si marquante du cinéma de Visconti. Même si l'élément le plus marquant de la scénographie, c'est cet écran qui occupe le fond du plateau et va concentrer l'essentiel de l'attention du public. Le spectacle alterne en effet, les scènes filmées en direct - le travail du vidéaste Tal Yarden est finalement ce que l'on retiendra de plus intéressant - et l'agitation des acteurs qui, lorsqu'ils ne se livrent pas à une assez pitoyable pantomime, passent beaucoup de temps à s'habiller et à se déshabiller. Des acteurs qui sont affublés de micros, parce qu'il est bien connu que les comédiens du Français ne sont pas capables de jouer à voix nue.

L'intrigue est connue. En pleine ascension du régime nazi, les membres de la famille Essembeck, à la tête d'un puissant groupe sidérurgique (toute ressemblance avec ce que furent les Krupp n'est pas à écarter), se déchirent allègrement pour se gaver de la richesse que va leur apporter l'essor de l'industrie militaire allemande. Chaque scène s'achève sur un meurtre. Toutefois, Ivo van Hove se libère assez vite de l'intrigue pour se concentrer sur une série de tableaux morbides qui confinent au grand guignol.

Une comédienne en nuisette court en criant dans les couloirs du théâtre suivie par la caméra, comme on le fait pour les sportifs avant leur entrée dans le stade. La même comédienne qui a bien du mérite, sera plus tard couverte de goudron et de plumes (Lucky Luke, lui, manque à l'appel).

Plus délicate encore, cette scène interminable où deux comédiens nus se vautrent sur le sol arrosé de bière. Ce qui est censé nous rappeler la nuit des Longs Couteaux et le massacre des SA. On a retenu le message : les nazis étaient vraiment pervers et super-méchants. Utile rappel.

Deux longues heures

On a quelques scrupules à s'attarder sur les interprètes compromis là, car ils font scrupuleusement, avec abnégation est-on tenté de dire, ce qu'on leur demande. Surtout, on cherche en vain durant cette représentation de deux heures qui dure si longtemps, ce qui fait l'essence du théâtre : la présence des acteurs et la puissance des mots pour inspirer l'imaginaire et l'émotion.

Cet été, le président François Hollande, répondant à l'appel de la branchitude qui faisait de ces « Damnés » le spectacle à ne pas manquer, s'est donc installé avec sa cour dans la Cour d'Honneur du Palais des Papes. Jusqu'à devoir s'esquiver prématurément. Ce soir-là, un drame d'une tout autre teneur se déroulait sur la promenade des Anglais, à Nice.

Au moins a-t-il échappé à la scène finale. Martin, ultime héritier des Essembeck, dégénéré d'entre les dégénérés, nu (encore), s'enduit le corps avec les cendres des autres membres de sa famille précédemment occis, monte sur une table et tire à la mitraillette sur le public.

Rideau. Ouf.

"Les Damnés" de Visconti

https://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Damn%C3%A9s_(film,_1969)

Les Damnés à la Comédie Française

http://www.festival-avignon.com/fr/spectacles/2016/les-damnes

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