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Jours tranquilles à Paris
10 septembre 2017

La mode jure par tous les seins

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Par Valentin Pérez - Le Monde

En transparence ou habilement soulignée, la poitrine est mise en valeur par les créateurs cette saison. Objet du désir, elle devient aussi un emblème de la cause féministe.

D’ordinaire, on les cache ou on les devine à peine. Mais cet automne, les seins seront de sortie dans la mode. Chez Lanvin, Saint Laurent ou Leonard, à une période pourtant fraîche, la poitrine est soulignée par de profonds décolletés, voire se dévoile entièrement sous une robe « glamazone » de Balmain ou sous un pull en laine et Nylon ivoire 3.1 Phillip Lim. Même les clientes ultra-fortunées de la haute couture peuvent cette saison se laisser aller en robe du soir Dior dans un tulle révélateur noir et rouge. « En hiver, il est compliqué de montrer des jambes ou des bras nus, explique Christine Phung, directrice artistique de Leonard. Mais on peut continuer de jouer avec cette partie du buste. »

Au-delà de cet aspect saisonnier, les seins prennent surtout cette année une signification féministe. « Libéré du corset dans les années 1900, aplati avec la tendance garçonne dans les années 1920, le sein a commencé à se découvrir intégralement en 1964, avec le “topless bra” de Rudi Gernreich, retrace l’historienne de la mode Catherine Örmen. Puis, dans les années de libération sexuelle, lorsque les féministes brûlaient les asservissants soutiens-gorge, Yves Saint Laurent fut le premier couturier à oser montrer les seins nus en transparence avec sa blouse de cigaline au printemps 1968. »

Quinze ans de robes monacales

Dans les années 1980, les seins seront fétichisés, cernés de cuir façon maîtresse dominatrice chez Thierry Mugler ou excroissances offertes dans une combinaison à trou dessinée par Jean-Paul Gaultier et portée par Madonna en 1992. Puis ces quinze dernières années, ils s’étaient éclipsés au profit de longues robes monacales, d’uniformes tailleur, de pièces unisexes qui minimisent les protubérances… Pour expliquer la mode féminine mais jamais aguicheuse qu’elle dessine pour Céline, Phoebe Philo confiait en avril dernier au New York Times : « Toutes ces images de femmes magnifiées, sexualisées, montrées comme des poupées pendant tant d’années ont eu un impact sur moi. »

Pourtant, cet automne, la mode, qui aime toujours appuyer là où ça fait mal, ressuscite la poitrine précisément à un moment où elle est « invisibilisée, notamment sur Facebook et Instagram, qui censurent le moindre téton féminin », souligne Julia Tissier, cofondatrice du média féministe Cheek Magazine. Avec des mouvances comme les Femen en Europe ou Free the Nipple aux Etats-Unis, elle glisse lentement d’un emblème érotique à un symbole en faveur des droits des femmes et de l’égalité des sexes.

Pas sûr néanmoins que les clientes oseront se vêtir comme sur le podium et dévoiler leur intimité dans la rue. « Le vêtement doit faire un va-et-vient : souligner le sein sans le découvrir », résume la créatrice Elise Chalmin, 26 ans, dont les tee-shirts blancs à motifs cœurs stratégiquement placés font un carton. Même recette chez Vivienne Westwood avec un modèle sur lequel la poitrine est grossièrement dessinée façon graffiti adolescent. Une présence-absence tout aussi symbolique, mais nettement plus commerciale.

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