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Jours tranquilles à Paris
27 janvier 2018

A Davos, Trump tente de rompre l’isolement des Etats-Unis

Par Sylvie Kauffmann, Davos, Suisse, envoyée spéciale - Le Monde

« L’Amérique d’abord ne veut pas dire l’Amérique seule », a assuré le président américain, qui ne parle plus de « leadership » mais de « partenariat ».

Dès la deuxième phrase, le ton était donné : « Je suis ici pour représenter les intérêts des Américains. » Fidèle au mot d’ordre qui l’a fait élire, « America First », le président Donald Trump a tenu à rappeler d’emblée, vendredi 26 janvier, devant le public très international du Forum économique de Davos, que sa première priorité était l’état de son pays et de ses électeurs, pas celui de la planète.

C’était la première fois que Donald Trump participait au Forum de Davos. Sa décision de venir avait surpris : en quarante-huit ans d’existence, ce forum, qui attire aujourd’hui 3 000 participants, est devenu le symbole du rassemblement des élites mondiales, celles-là même contre lesquelles le candidat Trump avait fait campagne. Pourquoi donc ce président qui déteste voyager prenait-il la peine d’aller à la rencontre d’élites si violemment dénoncées ?

La réponse tient sans doute dans le slogan que M. Trump a placé au cœur de ce discours d’un quart d’heure, en clôture du Forum : « L’Amérique d’abord ne veut pas dire l’Amérique seule. » Non, assure-t-il, l’Amérique n’est pas isolée. Le slogan, à vrai dire, n’est pas nouveau. C’était même le titre d’une tribune signée de deux hauts responsables à la Maison Blanche, Gary Cohn, chef du conseil économique, et le général H. R. McMaster, conseiller à la sécurité nationale, publiée par le Wall Street Journal le 30 mai 2017, au lendemain du premier voyage à l’étranger du nouveau président.

Cette tournée, qui avait emmené M. Trump en Arabie saoudite, en Israël, puis en Europe, avait suscité de grosses interrogations sur l’abandon par les Etats-Unis de leur leadership sur la scène internationale. Les deux conseillers de M. Trump avaient alors voulu redresser cette image : « America First, écrivaient-ils, est bien le signe du rétablissement du leadership américain et du rôle traditionnel de notre gouvernement à l’étranger. »

Eviter toute embardée

Huit mois plus tard, à l’évidence, une nouvelle remise à niveau s’imposait. Donner la priorité à la prospérité de ses concitoyens plutôt que de se lancer dans de désastreuses aventures militaires en Irak est une chose, s’effacer de la scène internationale au point de laisser le président chinois Xi Jinping ou le premier ministre indien Narendra Modi s’y pavaner en est une autre. Le spectacle du premier ministre canadien Justin Trudeau annonçant triomphalement, mercredi, la conclusion du TPP (Trans-Pacific Partnership), accord de libre-échange entre onze pays du Pacifique, en dehors des Etats-Unis, avait quelque chose d’humiliant pour Washington.

M. Trump est donc venu à Davos délivrer un message, dûment retransmis à ses électeurs : les Etats-Unis, loin de se couper du monde, ont retrouvé leur splendeur économique. Il s’y est employé avec discipline. Ceux qui s’attendaient à une des gaffes dont il a le secret ont été déçus : la brièveté du discours du président américain et les deux questions anodines que lui a posées ensuite le président du Forum, le professeur Klaus Schwab, ont permis d’éviter toute embardée – les deux hommes avaient d’ailleurs passé une heure ensemble dans la matinée pour préparer cet échange de dix minutes.

Le naturel revenant au galop, Donald Trump n’a pas pu s’empêcher d’attaquer à nouveau, dans cette brève conversation, la presse, dont il a découvert, depuis qu’il fait de la politique, à quel point elle est « méchante, vile, vicieuse, et fausse ». Ces remarques lui ont valu de se faire huer.

Pourtant, s’il n’a eu droit ni aux applaudissements chaleureux ni à l’ovation debout réservés à MM. Modi et au président Macron, Donald Trump n’a pas non plus eu à se plaindre de l’accueil de Davos. La salle était pleine à craquer, la curiosité énorme, les PDG conquis par son programme de réductions d’impôts et la hausse des indices boursiers. Le président américain a eu beau jeu de se vanter vendredi d’avoir gagné « quinze nouveaux amis », les quinze PDG européens qu’il avait invités à dîner la veille, et qui ne s’étaient pas plus fait prier que ceux que M. Macron a invités à Versailles.

Argumentaire de VRP

Dans tous ces milieux, l’Amérique est attendue, tant son poids reste central. Mais son rôle dans le monde tel que l’a défendu le président vendredi est bien en rupture avec la tradition américaine de l’après-deuxième guerre mondiale. M. Trump ne parle plus de « leadership » américain (le mot n’a pas été prononcé à Davos) mais de « partnership », de partenariat. Lorsque M. Trump ou ses collaborateurs parlent de « l’ordre international », c’est un ordre fait de relations bilatérales dans lesquelles chacun est encouragé à « défendre ses intérêts », comme dans un deal immobilier.

Washington ne peut envisager de rejoindre les accords multilatéraux dont il s’écarte – TPP, accord de Paris sur le climat, accord sur le nucléaire iranien – que s’ils sont modifiés pour convenir aux intérêts américains. Lorsque Donald Trump vante les mérites de son pays aux investisseurs étrangers, on est plus près de l’argumentaire du VRP que de celui de Ronald Reagan et de la fameuse « ville qui brille sur la colline ».

Le chef de la Maison Blanche demande la réciprocité dans les échanges avec la Chine, qu’il a accusée vendredi, sans la nommer, de « comportements prédateurs ». Ce souci est partagé par les Européens. Mais l’administration américaine choisit de le gérer par des mesures unilatérales, comme des barrières tarifaires sur les panneaux solaires, plutôt que devant des instances multilatérales.

« Les guerres commerciales ont toujours existé, fait valoir le secrétaire au commerce, Wilbur Ross. Ce qui est nouveau, c’est que les troupes américaines montent à l’assaut. » Cette vision du système international reste l’une des différences marquantes avec les Européens. Une autre a été l’absence frappante, dans les propos de M. Trump, de thèmes largement évoqués à Davos, comme ceux des inégalités, des valeurs, du changement climatique, ou de l’égalité hommes-femmes.

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