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Jours tranquilles à Paris
13 août 2018

En Australie, pas de pitié pour les kangourous

Par Pierre Sorgue - Le Monde

« Vermine », selon les fermiers, source de profits pour l’industrie de la viande et du cuir, le marsupial est massivement chassé, parfois cruellement, sans égard pour son statut d’emblème national. Un abattage légal dénoncé par les écologistes.

Enfouis dans les belles collines d’eucalyptus et de gommiers qui s’étendent au nord de Sydney, les bâtiments sont toujours là. Deux maisons basses au toit plat copient une esthétique américaine, avec cette inscription, qui a survécu elle aussi, en lettres blanches sur le bois brun : « Ranger Headquarters, Waratah Park ». En fait, ce parc national n’a jamais existé, pas plus que les rangers censés y avoir établi leur quartier général. Pourtant, les constructions, désertées depuis longtemps, viennent d’être classées au patrimoine de Nouvelle-Galles du Sud, avec les 13 hectares de forêt autour, que des bénévoles défrichent après des années de déshérence.

A leur tête, Jennifer Harris, présidente d’une association de résidents, s’est battue pour que soit reconnue l’importance « culturelle » et « historique » de ce « site emblématique ». Car, pour n’avoir été que décor de fiction, ces arpents de bush furent celui de la plus célèbre série télévisée produite en Australie : il y a tout juste cinquante ans, Skippy, « notre ami le kangourou », bondissait sur les écrans nationaux avant de séduire 300 millions d’enfants dans 127 pays du monde.

Marsupial star

Malgré des conditions de tournage peu charitables pour les animaux – enfermés dans des sacs de jute ou saoulés au whisky pour qu’ils se tiennent tranquilles –, cette histoire d’amitié entre un gamin et un kangourou qui déjouait les pièges, aidait à combattre les méchants et était presque doué de parole (« tchk, tchk, tchk… »), fit du marsupial une star mondiale, à ce point installée dans l’imaginaire des habitants du pays que les journaux emploient parfois son nom pour désigner l’espèce : « Il est le symbole de notre nature exceptionnelle, de nos valeurs, de notre vie », s’enthousiasme Peter Staff, l’un des volontaires.

Peut-être. Mais, cinquante ans plus tard, en mars 2018, un nouveau film, documentaire celui-là, est sorti en Australie, qui décrit une autre réalité. Celle d’un animal certes attendrissant et théoriquement protégé, comme toutes les espèces indigènes, mais que la plupart des fermiers tiennent pour nuisible, que les industriels de la viande et du cuir voient comme une ressource à 200 millions de dollars australiens (127 millions d’euros) par an, que l’on chasse nuitamment en toute légalité dans plusieurs Etats (près de trois millions de bêtes sont abattues chaque année).

« IL FIGURE SUR LES AVIONS DE NOTRE COMPAGNIE AÉRIENNE, SUR LES MAILLOTS DE NOS JOUEURS DE FOOT ET DE RUGBY, POURTANT ON LE TUE CHAQUE NUIT. »

MICHAEL MCINTYRE, RÉALISATEUR DE « KANGAROO. A LOVE-HATE STORY »

Le titre du film, Kangaroo. A Love-Hate Story, dit bien l’ambivalence des sentiments que suscite le marsupial, à la fois emblème national et ennemi à abattre : « Il est la troisième icône la plus reconnue derrière la statue de la Liberté et la tour Eiffel, figure sur les avions de notre compagnie aérienne, sur les maillots de nos joueurs de foot et de rugby. Pourtant, on le tue chaque nuit dans ce qui est le plus grand massacre d’animaux sauvages de la planète », s’agace Michael McIntyre, qui a réalisé le film avec Kate, son épouse. Attablé dans une librairie-café de Glebe, un quartier de Sydney, le couple rentre de France, où il espère trouver un distributeur.

Le film a été bien accueilli aux Etats-Unis, moins bien en Australie. Salué par les défenseurs des animaux et certains écologistes, il a été vertement critiqué par les éleveurs et les industriels, mais aussi par une cohorte d’environnementalistes ou zoologistes qui travaillent habituellement pour ces secteurs économiques ou des agences gouvernementales : « Notre film aura au moins donné un peu d’écho à un débat acharné, y compris au sein de la communauté scientifique », commente Kate McIntyre.

Mitchell Clapham n’a pas vu le film. Il a d’autres choses à faire : outre la gestion de l’exploitation agricole qu’il dirige avec sa compagne, Daryl, à Ilford, sur les contreforts des Blue Mountains – 1 400 hectares pour 1 500 moutons et 500 têtes de bétail –, il est l’un des piliers de la Fédération des fermiers de Nouvelle-Galles du Sud, l’un des Etats australiens où l’on tue le plus de kangourous avec le Queensland.

N’en déplaise aux « végans qui voudraient supprimer la viande », lui voit bien que sur ses terres les kangourous sont en « plague proportion » (« dimension épidémique »), l’expression qui revient sans cesse, avec celle de « pest » (« vermine »), pour justifier les abattages nocturnes : « Cette année, avec mon neveu, on a tué 300 bêtes, un chasseur professionnel est venu en tirer 150 de plus en un mois, et on ne voit pas la différence », dit-il.

Il reprend les arguments traditionnels : comme le dingo (chien-loup sauvage d’Australie), qui était le prédateur naturel des kangourous, a été exterminé, ils prolifèrent, d’autant que les pâturages et les réservoirs d’eau aménagés pour le bétail leur offrent des conditions favorables. Les comptages aériens officiels annoncent plus de 47 millions de kangourous : « Près du double du nombre d’habitants [24 millions] », ont aussitôt clamé les médias, sans préciser qu’on recense trois moutons pour une personne dans le pays.

« AUPARAVANT, NOUS ÉTIONS ENTRE FERMIERS. MAINTENANT, DES CITADINS ACHÈTENT DES MAISONS DE CAMPAGNE… ET ILS APPELLENT LA POLICE AU MOINDRE COUP DE FEU »

MITCHELL CLAPHAM

Chapeau du cow-boy australien sur la tête, Mitchell Clapham conduit son pick-up sur ses terres à l’herbe rase que ponctuent quelques bosquets. Chacun des immenses enclos est barré d’une clôture qui coincera les pattes de l’animal s’il prend appui en la sautant. Il pleut à verse depuis ce matin, mais il faudrait plus d’eau pour effacer une sécheresse qui dure. Comme presque tous les fermiers d’Australie, Mitchell estime que les pâturages appauvris ne peuvent supporter la concurrence des kangourous aux dépens du bétail et des moutons. Ce n’est pas qu’il n’aime pas les animaux aux grandes oreilles, ce n’est pas qu’il les aime non plus :

« Mais la manière dont nous produisons ne peut en tolérer plus. »

Ici et là, quelques carcasses noircies se dessèchent sur le sol. Pour commercialiser la viande, Mitchell devrait disposer d’une licence spéciale, « mais c’est trop de bureaucratie ». Sa femme préfère manger du lapin, lui ne jure que par un bon morceau de bœuf. Alors il coupe les cuisses des marsupiaux pour ses chiens et abandonne le reste. On trouve aussi des cartouches de chevrotine vides. Pourtant, un code de « bonne conduite » prévoit, en Nouvelle-Galles du Sud, que le kangourou soit tué d’une balle dans la tête. Difficile, en pleine nuit. « Auparavant, poursuit Mitchell Clapham, il n’y avait pas de controverse, nous étions entre fermiers qui connaissent le terrain. Mais maintenant, des citadins achètent des maisons de campagne, ils n’ont aucun passé paysan. Ils appellent la police au moindre coup de feu. »

Tirés comme des lapins

Diane et Greg Keightley entreraient sûrement dans cette catégorie honnie. Depuis douze ans qu’ils ont quitté les environs de Sydney pour acheter une maison et 200 hectares de forêts près de Lithgow, ils s’opposent au fermier voisin. Bénévoles au sein d’une organisation qui porte secours aux animaux autochtones, ils ont ouvert leur propriété aux kangourous. Ils voulaient aussi accueillir des amoureux de la nature, installer quelques bungalows pour faire de l’écotourisme. Mais le projet est mort sous les balles des chasseurs, qui tirent trop près de leur propriété.

Diane et Greg documentent ces virées nocturnes avec leur caméra. A les voir, si doux et calmes parmi les marsupiaux, on les imagine mal en reporters de guerre qui filment, planqués derrière les arbres, des gens dont certains n’ont pas hésité à viser leur maison. Leurs images en noir et blanc sont les plus dures du documentaire de Kate et Michael McIntyre : des kangourous tirés comme des lapins dans la lumière des projecteurs, qui tressautent sous les coups de feu, des têtes et des membres coupés dans l’herbe, des viscères et des os couverts de mouches.

Le couple prélève les têtes pour prouver que nombre de bêtes ne sont pas tuées d’une balle dans le cerveau, mais agonisent après avoir été touchées plusieurs fois au corps : « C’est le cas de près de 40 % des animaux que nous étudions », affirme Diane – un rapport commandé en 2002 par l’Association des industries du kangourou (KIAA) à une organisation de protection estimait que 96 % étaient abattus correctement.

Depuis le film, les safaris nocturnes continuent : « La police m’a conseillé de ne pas provoquer les tireurs », poursuit-elle. « Nous avons sollicité le service des parcs chargé de faire respecter les règles d’abattage, mais il nous ignore », ajoute Greg. Quand le soir descend sur la maison en briques, une dizaine de kangourous s’approchent. Il n’y a plus de mâle. Diane raconte les deux big boys de 1,80 m et la trentaine d’autres qui assuraient l’équilibre des groupes : « Ils ont tous été tués, c’est tout ce qu’il reste », regrette Greg. Le couple s’accroche pour que le sanctuaire ne devienne pas cimetière.

Critiques virulentes

On aurait aimé rencontrer un roo shooter, un chasseur de kangourous professionnel, passer une nuit pour parler du métier, raconter la difficulté de viser un cerveau de 70 mm à une centaine de mètres de distance, de sortir les bébés des poches des femelles tuées pour les achever en leur écrasant la tête ou en leur tranchant la gorge. Raconter les carcasses accrochées à l’arrière du pick-up jusqu’à la chiller box (« chambre froide ») après une nuit peu rentable, quand le prix moyen est de 18 dollars par bête. On a envoyé des courriels, téléphoné, frappé à des portes : en vain.

Il y avait bien cette proposition de George Wilson de nous mener en avion dans l’ouest de l’Etat pour rendre visite à un professionnel. Mais il demandait 6 000 dollars, un peu cher le billet… Car George Wilson a plusieurs casquettes : il est pilote commercial (et participe aux comptages aériens des kangourous), il est aussi « environnementaliste », et dirige sa société d’études, qui défend ardemment la consommation de viande de kangourou.

« DES PROPRIÉTÉS GRANDES COMME LA SUISSE AVEC DES CLÔTURES AUTOUR, CELA PERTURBE L’ÉCOSYSTÈME ET RÉDUIT LA BIODIVERSITÉ » ROSIE COONEY, ZOOLOGISTE

Professeur honoraire à l’université, il est l’un des plus virulents critiques du « soi-disant » documentaire, qu’il accuse de faire le jeu des « animalistes ». En s’opposant à l’abattage, estime-t-il, tous contribuent à dégrader l’environnement et la condition animale : à cause de leurs campagnes, les industries de la viande et du cuir sont en crise, les prix chutent, les chasseurs ne gagnent plus leur vie, les tireurs amateurs et maladroits prennent le relais et abandonnent les cadavres, les fermiers se barricadent.

« Des propriétés grandes comme la Suisse avec des clôtures autour, cela perturbe l’écosystème et réduit la biodiversité », explique Rosie Cooney, zoologiste et consultante en matière de faune sauvage comme ressource durable (« sustainable use of wild resources »). Les quatre espèces de kangourous chassées (le rouge, le gris de l’est, le gris de l’ouest et le wallaroo commun) ne sont pas en danger, assure-t-elle. Puisque le marsupial, qui n’est pas un ruminant, produit bien moins de méthane que le bétail, qu’il mange moins d’herbe et boit moins d’eau qu’un mouton, il serait plus judicieux pour l’environnement d’en consommer plus et d’aider les fermiers à y trouver un revenu de complément : « Mais les quotas de prélèvement ne sont même pas atteints parce que les prix ont chuté après la fermeture de certains marchés étrangers », regrette-t-elle.

Une viande qui fait moins recette

Cela fait des années que des ONG anglo-saxonnes s’activent contre la commercialisation du kangourou, dénonçant par exemple les footballeurs qui adorent leurs chaussures au cuir si souple et résistant. En 2002, le quotidien Daily Star affichait les portraits de Michael Owen et de Fabien Barthez sous le titre « Les stars du foot sont les meurtriers de Skippy » et, en 2006, David Beckham préféra opter pour le synthétique (les équipementiers utilisent toujours la peau).

Malgré l’intense lobbying (sonnant et trébuchant) du gouvernement australien, la Californie interdit toute importation. Les Russes, qui achetaient 70 % de la viande produite pour la consommation humaine, ont fermé leurs portes en 2014, pour des raisons sanitaires, cette fois : des tests avaient révélé la présence de bactéries, salmonelle et escherichia coli. Les professionnels ont beau garantir toute l’hygiène nécessaire, les opposants avancent que les carcasses attendent trop longtemps dans la chaleur de la nuit, puis dans les conteneurs réfrigérés, avant qu’un camion ne vienne les collecter.

LES AUSTRALIENS SONT PEU AMATEURS DE SA VIANDE QUI, LONGTEMPS, FUT CONSIDÉRÉE COMME PAS ASSEZ NOBLE : ELLE FAISAIT PARTIE DE L’ALIMENTATION DES ABORIGÈNES…

D’autant plus ennuyeux que cette viande, que l’on présente comme bio, riche en fer et pauvre en graisse et en cholestérol, ne supporte pas d’être trop cuite. Dans son restaurant, le Monster Kitchen, l’un des meilleurs de Canberra, Sean McConnell, chef aux airs de rocker, vante la queue de kangourou cuisinée en ragoût, mais préfère le wallaby de Tasmanie : « C’est un peu comme l’agneau par rapport au mouton », dit-il en tendant une succulente assiette de viande cuite à basse température, puis grillée.

Pourtant, les Australiens sont peu amateurs. Peut-être pour ne pas manger leur bien-aimé Skippy, plus sûrement parce que la viande fut longtemps considérée comme pas assez noble : elle faisait partie de l’alimentation des Aborigènes méprisés (et massacrés), chasseurs depuis des milliers d’années de cet animal totem qui peuple le Dreamtime (« temps du rêve »), celui des esprits qui créèrent le monde. « En 1864, le premier livre de recettes australien comportait 12 plats de kangourou, mais c’était une viande de remplacement, habituellement réservée aux animaux domestiques, raconte Peter Chen, chercheur à l’Université de Sydney, qui travaille sur les politiques de bien-être animal. Vers 1880, la législation coloniale considéra les kangourous comme nuisibles et offrit des primes pour les abattre. Ainsi l’animal, qui figure sur le blason national, devait être éliminé, tout comme l’émeu, qui fut décimé à la mitrailleuse par l’artillerie royale en 1932. »

Le recensement de la discorde

Dans ses bureaux de Sydney, Lee Rhiannon, sénatrice écologiste, évoque cet élément invariable « dans la psyché australienne, d’une nature à conquérir, à nettoyer, à supprimer ». En mars, elle était à Bruxelles avec l’équipe du documentaire pour tenter de convaincre les Européens de cesser d’importer du kangourou : « La chasse doit être interdite, il est temps de réaliser que nous avons trop détruit dans ce pays… Depuis quatre ans, nous demandons une commission indépendante pour évaluer le recensement des kangourous, en vain. »

C’est le nœud de la discorde. Les quotas de prélèvement (environ 15 % de la population estimée) sont déterminés chaque année en fonction de sondages aériens qui comptent les bêtes sur des sections de territoire, puis élargissent aux autres zones au gré de coefficients assez opaques. Ce mode de calcul obsède Ray Mjadwesch, un jeune biologiste et environnementaliste indépendant. Dans sa maison de Bathurst, jolie ville au pied des Blue Mountains, il s’attable devant l’ordinateur, superpose images satellites et données du ministère de l’environnement – qu’on lui refusait jusqu’à ce qu’il invoque la loi sur la liberté d’information.

LE KANGOUROU GRIS A EN MOYENNE UN BÉBÉ PAR AN, UNE FERTILITÉ TROP FAIBLE POUR CORRESPONDRE AUX TAUX DE PROGRESSION ANNONCÉS OFFICIELLEMENT

Il montre comment le comptage inclut des portions de parcs nationaux (où les kangourous sont protégés) et des forêts avant d’extrapoler vers d’autres zones couvertes par les fermes : « En Nouvelle-Galles du Sud, ils ont même changé le coefficient multiplicateur en 2016, ce n’est pas sérieux », dit-il. Puis il conduit son pick-up le long des prés jaunis en demandant de chercher les kangourous. On en compte dix-sept : « Un rapport de 2014 énonce qu’ici même il y a 52 kangourous au kilomètre carré… Une plaisanterie. »

Cela fait près de dix ans que Ray scrute les chiffres, compile travaux scientifiques et récits historiques. Il essaie de rappeler qu’une vache mange comme 30 kangourous, qu’un mouton avale ce que consomment 2,5 marsupiaux ; que le kangourou gris a en moyenne un bébé par an, une fertilité trop faible pour correspondre aux taux de progression annoncés officiellement ; qu’en cas de sécheresse, la population décline de manière drastique ; que les renards, les voitures et les camions « régulent » la population à la place des dingos ; que si les quotas d’abattage ne sont pas atteints, ce n’est pas à cause de la fermeture du marché russe – les chiffres ont chuté avant – mais tout simplement parce que les chasseurs ne trouvent plus assez de bêtes :

« Personne ne me répond, même pour contester ce que j’avance. J’espère intéresser les chercheurs étrangers face à la chasse gardée de nos prétendus experts. »

Satisfaire les compagnies d’assurance

Hugh Tyndale-Biscoe, biologiste aujourd’hui retraité, fut l’un des grands spécialistes des marsupiaux au sein du CSIRO, l’équivalent de notre CNRS. Dans sa maison de Canberra, il parle toujours avec passion de l’ingéniosité biologique propre aux femelles kangourous, de ses recherches sur l’interruption de leur lactation. Il lui arrive de prendre la plume pour pester contre certaines « sottises sentimentalistes » avancées par les défenseurs des animaux.

Pourtant, lui qui fut longtemps membre du National Advisory Committee on Kangaroos, chargé de déterminer les quotas à éliminer, le reconnaît : « Les choses étaient politiques, pour satisfaire le lobby des fermiers. » Puisqu’il dirigea un centre de recherche sur les nuisibles, estime-t-il que le kangourou en est un ? Il réfléchit un instant : « Non… Les rats, les lapins peuvent devenir trop abondants, pas les kangourous. » S’il était responsable politique, lancerait-il des campagnes d’abattage ? Nouvelle réflexion, nouvelle gorgée de thé : « Non… Avec le fusil, nous ne contrôlons pas le nombre de kangourous, nous alimentons un marché. »

Dans son quartier verdoyant, il n’est pas rare que des kangourous se hasardent sur les pelouses bordant les trottoirs : « Ici, l’herbe est bonne, l’eau abondante et les bébés survivent », dit-il. La « capitale du bush », construite à l’intérieur des terres en 1913 par des aménageurs qui ont voulu des parcs et des réserves, serait, elle aussi, victime des kangourous qui, trop nombreux, dégraderaient l’écosystème et menaceraient la survie de deux espèces de lézards.

Depuis 2009, les pouvoirs publics locaux mènent un programme d’abattage (3 253 bêtes tuées cette année) et tentent la contraception depuis deux ans (145 femelles traitées). Ce qui agace les militants d’Animal Liberation, qui passent leurs nuits à perturber les chasses surtout destinées, disent-ils, à satisfaire les fermiers et les compagnies d’assurances (90 % des accidents de la route seraient provoqués par les marsupiaux). Hugh Tindale-Biscoe estime qu’elles sont indispensables. Mais, ajoute-t-il, « l’expansion urbaine est plus coupable de la fin des lézards que les kangourous… Et, après tout, cette terre était la leur… »

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