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Jours tranquilles à Paris
9 avril 2019

Louise Bourgeois

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Malgré une reconnaissance tardive, Louise Bourgeois (1911–2010) est aujourd’hui considérée comme une figure artistique majeure du XXe siècle. Artiste inclassable et touche-à-tout, son œuvre composée d’araignées monumentales, de femmes-maisons et d’éléments phalliques interroge la place des femmes dans l’espace domestique, ainsi que la porosité entre le masculin et le féminin. Ayant fait de sa propre vie sa source principale d’inspiration, Louise Bourgeois a influencé toute une génération d’artistes, de Sophie Calle à Christian Boltanski.

Elle a dit : « L’art est une garantie de santé mentale. »

Sa vie

Née en 1911, au sein d’une famille de restaurateurs de tapisseries anciennes, Louise Bourgeois se familiarise assez jeune avec les arts manuels en prêtant main-forte à ses parents dans leur atelier. Découvrant petite la liaison adultérine de son père avec sa gouvernante, elle fera plus tard de cet événement marquant une source d’inspiration artistique. Élève douée en sciences, elle s’oriente, après son baccalauréat, vers des études de mathématiques à la Sorbonne avant de s’inscrire à l’École des Beaux-Arts de Paris en 1933. Dans les années 1930, la jeune Louise Bourgeois fréquente les salons et ateliers parisiens, où elle rencontre des figures telles qu’André Lhote ou Fernand Léger. Dès 1936, elle suit des cours à l’École du Louvre.

Elle épouse l’historien d’art américain Robert Goldwater en 1938 et s’installe dans la foulée aux États-Unis. Après une tentative avortée d’entrer dans le cercle des surréalistes parisiens – André Breton s’y étant toujours opposé –, Louise Bourgeois rencontre Yves Tanguy et Joan Miró. Elle noue également des liens d’amitié forts avec Marcel Duchamp, l’architecte Le Corbusier et le poète Ruthven Todd. C’est aux États-Unis qu’elle commence réellement sa carrière artistique. À l’époque, ses œuvres questionnent déjà la maternité, la féminité et l’espace domestique.

Louise Bourgeois délaisse ses pinceaux pour le marbre, le plâtre et le latex au début des années 1950. Elle sculpte alors des formes longilignes, des sortes de « totems », qu’elle nommera plus tard ses « personnages ». Lorsqu’elle commence ces sculptures, Louise Bourgeois vit aux États-Unis depuis presque vingt ans : elles auraient été pour elle une manière « d’exorciser le mal du pays ». L’artiste qui n’a alors de cesse de placer sa vie personnelle et ses émotions au centre de son art considère son travail comme thérapeutique.

À partir des années 1970, les thèmes de la sexualité, la maternité, la féminité et le corps, en filigrane dans son œuvre depuis le début de sa carrière, deviennent omniprésents, et avec eux arrive une certaine reconnaissance. La forme du pénis est récurrente depuis la fin des années 1960. L’art est pour Louise Bourgeois le lieu où s’exprime les pulsions sexuelles et où s’effectue une certaine sublimation de celles-ci. En 1982, le Museum of Modern Art de New York lui consacre sa toute première rétrospective. Les expositions, notamment au pavillon des États-Unis de la Biennale de Venise, se poursuivront jusqu’à sa mort en 2010, à l’âge de 98 ans.

Ses œuvres clés

D’inspiration surréaliste, la série Ensemble de femmes-maisons est la rencontre inattendue de différents objets organiques et architecturaux. Des corps sinueux s’y métamorphosent en maisons à l’architecture rigide, symboles du foyer et de la sphère privée, et encore associées à l’époque au genre féminin. Engagée, cette série dévoile aussi un autre pan du travail de l’artiste : l’autobiographie. Ici, la maison est aussi le lieu des souvenirs plus ou moins heureux de l’enfance. Ceux de Louise Bourgeois sont en grande partie liés à l’adultère de son père avec sa gouvernante anglaise Sadie, un événement qu’elle considère comme traumatique.

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Déjouant les attentes du spectateur, Fillette prend la forme d’un pénis. Un crochet situé au niveau du gland montre que l’œuvre était destinée à être suspendue, et indique comment Louise Bourgeois souhaitait que le public l’observe. Jouant sur l’ambiguïté du titre, l’artiste laisse à penser que cette sculpture – faite de plâtre et de latex – pourrait également représenter un torse de femme dont les deux formes sphériques seraient le haut des cuisses. Les genres masculin et féminin s’y confondent : Fillette exprime à la fois une force créatrice, sexuelle, mais aussi une fragilité propre aux attributs sexuels mâles, que la sculptrice considère comme « très délicats ».louise24

Avec les années 1990 apparaît la figure de l’araignée dans le travail de Louise Bourgeois. Associée à la figure maternelle, l’araignée tisse sa toile de la même manière que la mère de l’artiste tissait lorsqu’elle restaurait des tapisseries. Animal ambivalent, il a toujours été une figure positive dans l’œuvre de la sculptrice, qui explique sur l’un de ses dessins que sa « meilleure amie était [sa] mère et qu’elle était aussi intelligente, patiente, propre et utile, raisonnable, indispensable qu’une araignée. […] ».  Comme de coutume, Louise Bourgeois joue sur l’ambiguïté : cette araignée pourrait également être perçue comme un être menaçant, prêt à emprisonner ses victimes dans sa toile.

Voir mes précédents billets sur Louise Bourgeois

araignL'araignée de Louise Bourgeois dans le Jardin des Tuileries le 4 mars 2008 à l'occasion de l'exposition Louise Bourgeois réalisée au Centre Pompidou à cette même époque.

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