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Jours tranquilles à Paris
17 mai 2019

Louise Bourgeois

arrrr

"Maman", de Louise Bourgeois, ici à Bilbao en Espagne, devant le musée Guggenheim• Crédits : BLANCHOT Philippe - AFP

« Maman » cette sculpture particulièrement inquiétante, mise aux enchères cette nuit à New-York à a été adjugée à 33 millions de dollars un record pour l’artiste franco-américaine, qui augure un bouleversement du regard sur les femmes artistes. Mais pourquoi ?

Parce que cette araignée à huit pattes faite de marbre, d’acier inoxydable et de bronze, qui pèse 22 tonnes, mesure 10 mètres de diamètre et 10 de hauteur, constitue un formidable symbole. Le début d’une nouvelle reconnaissance des femmes dans le marché de l’art mais aussi la fin d’une vielle méfiance...

Il faut dire que c’est un rééquilibrage, comme toujours dans l’Histoire, qui est devenu perceptible depuis quelques temps. Mais cette vente aux enchères cristallise le faisceau de signaux qui indiquaient qu’un changement était en cours. D’ailleurs en 2015, déjà, une première araignée de Louise Bourgeois avait déjà été vendue 28 millions de dollars.

C’est que les œuvres des femmes peintres abstraites, et des artistes féminines en général, sont de plus en plus prisées des collectionneurs. « Alors que pendant des décennies, la valeur marchande de ces artistes dont les œuvres sont tout aussi puissantes que celles de leurs contemporains masculins, se situait loin derrière eux » confirme-t-on chez Sotheby’s.

Une réévaluation qui s’était faite sentir par exemple, avec la formidable peintre Joan Mitchell, disparue en 1992. Dans la mouvance des expressionnistes abstraits, ses toiles demeuraient anormalement sous cotées au regard de ses contemporains Jackson Pollock, Mark Rothko, et autres Franz Kline. Mais avec son « Blueberry » adjugé pour plus 16 millions de dollars l’année dernière, Joan Mitchell a commencé enfin à être estimée plus sérieusement.

Alors que se passe-t-il au juste ? Il y a une explication bassement financière, les cotes des artistes masculins contemporains de ces femmes artistes ayant tellement explosé qu’on se « rabat » sur les femmes! Aussi talentueuses et moins chères : c’est le bon plan. Mais pas seulement.

L’attention commune des institutions, et des médias (quand ils le font) pour valoriser ces derrières années les travaux d’artistes majeures influentes, décisives et souvent ignorées porte progressivement ses fruits.

Mais cette bascule dépasse le marché de l’art. Elle révèle en creux, ce qui biaisait le regard et le biaise encore.

Selon une récente étude menée par l’université du Luxembourg, élégamment intitulée « le regardeur perçoit-il le genre dans les œuvres d’art ?» : les pièces réalisées par des femmes sont vendues 47,6% moins chères que celles des hommes.

Après avoir sous pesée différentes explications : un monde de collectionneurs essentiellement masculins, des productions qui dans leurs thématiques « forcément  féminines » intéresseraient moins, des carrières plus rares expliquées par l’accès longtemps difficiles des femmes aux ressources éducatives et artistiques etc... l’étude concluait que cette différence de cote s’expliquait de manière beaucoup moins complexe. Ces œuvres faites par des artistes femmes sont vendues moins cher parce qu’elles sont faites par des femmes.

Qu’aujourd’hui « Maman » de Louise Bourgeois avec ses immenses pattes et ses 26 œufs de marbres dans l’abdomen, qui font frémir, franchisse un nouveau record, marque une vraie révolution du regard. Et si les femmes artistes ne faisaient-elles plus peur?

Evidemment cela n’empêche pas le lapin de Jeff Koons adjugé cette nuit à 91 millions de dollars - record un artiste vivant - d’écraser l’araignée.

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