Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Jours tranquilles à Paris
25 mai 2019

En attendant la Palme d’or 2019, la migraine du jury cannois

cannes23

Par Thomas Sotinel

Sur la Croisette, l’alchimie des jurys change d’année en année, et rend le palmarès imprévisible. Mais « Le Monde » vous livre son verdict, à l’issue d’une quinzaine foisonnante.

Les deux derniers jours de la 72e édition du Festival de Cannes ont passé à l’ombre de Mektoub, My Love : Intermezzo d’Abdellatif Kechiche, pour toutes les mauvaises raisons auxquelles on s’attendait. La durée du film, 210 minutes, dont les trois quarts filmés à l’intérieur d’une boîte de nuit sétoise où l’on écoute Voulez-vous d’ABBA en boucle, l’exacerbation de l’obsession du réalisateur pour les fesses des femmes, ont poussé jusqu’à la transe une petite minorité des spectateurs – lors des projections de presse comme lors de la séance officielle. Les autres sont sortis pris d’un malaise qui devait moins aux lumières stroboscopiques et à la musique techno des années 1990 qu’au regard que porte le cinéaste sur le corps de ses interprètes féminines. La principale, Ophélie Bau, était absente lors de la conférence de presse très tendue, le 24 mai, au lendemain des projections.

Ce jour-là, il a fallu la créativité foisonnante de la cinéaste Justine Triet et l’interprétation de Virginie Efira dans Sibyl et la rêverie mélancolique d’Elia Suleiman dans It Must Be Heaven pour dissiper ce goût amer. Ces deux films ont conclu la compétition pour la Palme d’or, qui doit être décernée ce samedi 25 mai, par le jury présidé par Alejandro Gonzalez Iñarritu.

On le répète chaque année, les pronostics ne servent pas à grand-chose sur la Croisette. L’alchimie des jurys change d’année en année, que le président mène son équipe à la baguette ou qu’il laisse chaque membre attribuer un prix en se réservant la Palme d’or.

Deux œuvres se détachent nettement

Les appréciations des critiques sont loin de correspondre toujours au palmarès. Deux publications professionnelles, le Film français et Screen International font paraître chaque jour un tableau dans lequel des critiques (français pour le premier, du monde entier pour le second) attribuent une note aux films en compétition.

Cette année, deux titres se détachent nettement, dans les deux tableaux : Douleur et gloire de Pedro Almodovar et Parasite de Bong Joon-ho. Cette unanimité se défait en égrenant les autres candidats : les Anglo-Saxons ont beaucoup aimé Le Portrait de la jeune fille en feu de Céline Sciamma qui a divisé la critique française, à l’inverse de ce qui s’est passé pour Le Jeune Ahmed de Jean-Pierre et Luc Dardenne.

Pour une fois, les candidats aux prix d’interprétation sont aussi nombreux chez les actrices que chez les acteurs : Emily Beecham (Little Joe de Jessica Hausner), Noémie Merlant et/ou Adèle Haenel (Portrait de la jeune fille en feu), Virginie Efira ou Isabelle Huppert (Frankie, d’Ira Sachs) d’un côté ; Antonio Banderas (Douleur et gloire), Song Kang-ho (Parasite), Leonard DiCaprio (Once Upon a Time… in Hollywood, de Quentin Tarantino) ou Pierfrancesco Favino (Le Traître, de Marco Bellocchio) de l’autre. Il faut se souvenir qu’un film ne peut remporter qu’un prix, ce qui, par exemple, limite les chances d’Antonio Banderas.

Cette année, les paris pris sur les nouveaux venus (dont les quatre réalisatrices, Mati Diop, Justine Triet, Jessica Hausner et Céline Sciamma) dans la compétition ont payé. La présence de leur film n’a pas été remise en cause (seul Mektoub, My Love : Intermezzo, réalisé par un récipiendaire – enfin, corécipiendaire, avec Adèle Exarchopoulos et Léa Seydoux – de la Palme, a connu ce sort), la plupart ont été bien accueillis, par la presse comme par le public des séances officielles.

Le jury leur fera-t-il une place ? Entre le goût d’Iñarritu pour le spectacle et son attachement à la représentation du monde, entre le cinéma épuré et sensible de la réalisatrice Kelly Reichardt (Wendy & Lucy, Certain Women) et les envolées opératiques du dessinateur et cinéaste Enki Bilal, le jury cherchera-t-il une vision commune ou fera-t-il coexister plusieurs idées du cinéma ?

En attendant la réponse, donnée samedi à partir de 19 h 15 sur la scène du Grand Théâtre Lumière, voici ma version du palmarès :

Palme d’or : Douleur et gloire, de Pedro Almodovar

Grand Prix : Parasite, de Bong Joon-ho

Prix de la mise en scène : Le Lac aux oies sauvages, de Dao Yinan

Prix du jury : Atlantique, de Mati Diop

Prix du scénario : Les Misérables, de Ladj Ly

Prix d’interprétation masculine : Pierfrancesco Favino, dans Le Traître, de Marco Bellocchio

Prix d’interprétation féminine : Adèle Haenel et Noémie Merlant, dans Portrait de la jeune fille en feu, de Céline Sciamma

Il suffit de se livrer à cet exercice pour deviner le casse-tête auquel est confronté le jury : Parasite, par exemple, peut légitimement prétendre à trois ou quatre récompenses. Il n’y a pas de scénario plus puissant, sa mise en scène est éblouissante, ses interprètes impeccables. A l’inverse, plusieurs candidats se pressent pour la même case : Atlantique, de Mati Diop, aussi plein de promesses que de beautés ou le modeste et émouvant Matthias et Maxime de Xavier Dolan feraient de parfaits prix du jury. La migraine du jury, c’est la rançon des années fastes à Cannes.

cannes24

Publicité
Commentaires
Publicité