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Jours tranquilles à Paris
26 août 2019

A Hongkong, la violence monte d’un cran alors que Carrie Lam rechigne au compromis

Par Florence de Changy, Hongkong, correspondance

Un policier a tiré au moins une fois avec son arme à feu, hier, sans faire de victime. Un signe d’escalade dans cette crise qui dure depuis trois mois.

Un premier coup de feu tiré en l’air par la police et le premier déploiement de véhicules portant des canons à eau, dimanche 25 août soir dans un quartier populaire des nouveaux territoires de Hongkong. Ce douzième week-end de protestation a marqué une nouvelle étape dans l’escalade de la violence, entre des petits groupes de manifestants radicaux, de plus en plus équipés, et les « Raptors », la brigade d’élite de la police de Hongkong. La chef de l’exécutif, Carrie Lam a par ailleurs reçu, samedi matin, une vingtaine de poids lourds de la vie politique qui l’ont encouragée à accepter certaines revendications des manifestants afin d’enclencher une sortie de crise.

Depuis la nouvelle manifestation monstre du dimanche 18 août qui avait rassemblé 1,8 million de personnes selon les organisateurs – beaucoup moins selon la police –, Hongkong se félicitait de vivre une trêve : plus d’une semaine « sans gaz lacrymogènes »… Mercredi, la police avait toutefois eu recours à des gaz poivre pour disperser les participants à une manifestation marquant un mois de l’attaque brutale du 21 juillet dans la station de métro d’Yuen Long par des « chemises blanches », casseurs soupçonnés d’appartenir à des triades, les gangs locaux sur des voyageurs ayant, ou non, participé à la marche du jour qui avait eu lieu sur l’île de Hongkong. Reste que hormis cet incident, un certain calme était revenu dans la Région administrative spéciale, et avec lui, l’espoir d’une sortie de crise.

Deux cibles de la colère

Mais les deux principales manifestations autorisées ce week-end ont toutes deux dégénéré avec casse et heurts suivis de blessures et arrestations. Samedi après-midi, à Kwun Tong, quartier industriel et populaire, la colère des manifestants avait deux cibles : les nouveaux lampadaires « intelligents » installés dans les rues du quartier au titre d’un essai « pilote », et la société MTR, la société locale de transports en commun.

Les grands lampadaires, devant notamment améliorer la gestion du trafic et surveiller la pollution de l’air, avaient déjà créé la polémique lors de leur installation à cause de leurs fonctions d’observation, notamment des caméras avec reconnaissance faciale que les autorités avaient promis de ne pas activer. Nombre de ces énormes poteaux ont donc été abattus puis disséqués par certains manifestants qui en ont extrait les composants électroniques pour les étudier.

Les manifestants ont également ciblé la société MTR qui opère les stations de trains et métros de Hongkong et qu’ils accusent d’avoir désormais choisi le camp de la police. L’entreprise avait été critiquée par la presse chinoise pour avoir envoyé des trains supplémentaires lors d’un récent incident afin de permettre aux manifestants d’évacuer les lieux d’une confrontation. Depuis cette mise en cause par la propagande chinoise, MTR a changé diamétralement d’attitude et semble au contraire compliquer la tâche aux manifestants. Mais dans une ville où l’immense majorité des habitants n’a pas de voiture, une interruption des services habituels a immédiatement un impact énorme. MTR est par ailleurs reconnue dans le monde entier comme l’une des sociétés les plus performantes et les plus profitables du secteur.

Cache-œil devenu symbole

Dimanche, une marche initialement interdite, et finalement autorisée « en appel », a eu lieu dans un autre quartier populaire des nouveaux territoires, Tsuen Wan. Quelques petits groupes armés de grandes barres de fer, de lance-pierres et autres armes plus ou moins artisanales se sont rapidement séparés du cortège principal pour bloquer des rues. Plus tard, ils dévalisèrent quelques échoppes qui avaient baissé leur rideau de fer, dont deux cafés de Mah-jong, soupçonnés par les manifestants d’avoir protégé des gangsters lors de précédents incidents au même endroit, Yi Pei Square. Des rixes violentes ont eu lieu avec la police et c’est là que vers 20 heures, un policier a tiré un coup de feu en l’air pour disperser la foule alors que plusieurs autres policiers ont dégainé leur revolver et ont visé directement les journalistes et les manifestants qui avançaient vers eux.

Cette manifestation avait quant à elle comme thème les abus policiers et comme slogans « La police connaît la loi, la police ignore la loi » et « police de Hongkong, œil pour œil ». La grave blessure à l’œil d’une manifestante, le 11 août, sans doute par un tir de « sac à pois » de la police, a choqué. Depuis, l’œil et les cache-œil sont un nouveau symbole dans les manifestations. La presse locale a toutefois révélé vendredi soir que la victime ne perdrait sans doute pas la vue de son œil blessé.

« Peut-on s’asseoir et parler ? »

Mardi lors de son point de presse, redevenu hebdomadaire, Carrie Lam avait proposé une nouvelle « plate-forme de dialogue ». Mais le délégué du Front civil des droits de l’homme, Jimmy Sham, avait rejeté de but en blanc cette proposition qualifiée d’« hypocrite » alors que les revendications des manifestants n’ont quasiment pas changé depuis les débuts du mouvement.

Samedi, Carrie Lam a par ailleurs invité à Government house, sa résidence officielle, une vingtaine de personnalités du camp pro-Pékin dans le but de trouver une sortie de crise. Selon diverses informations recueillies par la presse locale, dont le South China Morning Post, plus de la moitié des participants à cette réunion ont encouragé la chef de l’exécutif à céder sur certains points, notamment l’« abandon » du projet de loi d’extradition (actuellement simplement « suspendu ») et une enquête indépendante dans les abus policiers. Mais, selon les participants, Carrie Lam s’en est tenue à sa ligne ultra-rigide : d’abord le calme, le dialogue ensuite. Après cette rencontre, Mme Lam a toutefois posté sur sa page Facebook un commentaire dans lequel elle écrit notamment : « Cela fait deux mois que cela dure. Tout le monde est fatigué. Peut-on s’asseoir et parler ? »

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