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Jours tranquilles à Paris
28 août 2019

La lettre politique de Laurent Joffrin - L'autre vainqueur de Biarritz

Ave Macronus ! La plupart des commentateurs, Libé compris, ont à juste titre salué le succès – médiatique mais pas seulement – remporté par Emmanuel Macron à l’occasion du symposium de Biarritz. On a oublié l’autre gagnant de ce G7 devenu G2 : Donald Trump.

Mielleux, conciliant, chaleureux, laudatif, presque délicat, le tigre bling-bling de la Maison Blanche s’est changé soudain en Raminagrobis, ce «saint homme de chat, bien fourré, gros et gras», rond et ronronnant à souhait. Ce moment bisounours lui a d’abord permis de regagner des galons de chef d’Etat responsable, de spécialiste en «deals», capable lui aussi, tel Theodore Roosevelt, tonitruant président américain des années 1900, de changer sa manière en «parlant doucement avec un gros bâton». Toujours utile en période de campagne électorale.

Mais surtout, sur le fond, il revient avec quelques bonnes prises dans sa besace. Dans l’affaire iranienne, nombre de responsables et de commentateurs avaient stigmatisé sa rupture unilatérale de l’accord sur le nucléaire contracté avec Téhéran. Le compromis signé par Obama et les autres puissances démocratiques avait l’immense mérite, contrôle international à l’appui, d’écarter la menace de la bombe iranienne. La rupture, geste brutal et inconsidéré, autorisait le régime des mollahs à reprendre la construction d’une arme nucléaire, ce qu’il a commencé de faire. Voilà que la lune de miel macronienne avalise, justifie, légitime désormais, ce coup de force diplomatique. Il s’agit maintenant, a dit le président français, de négocier un nouvel accord, plus large, qui élimine le risque de prolifération nuc léaire et garantisse une meilleure stabilité dans la région. Exactement l’objectif que Donald Trump s’était fixé en rompant avec éclat le compromis obtenu par Obama. Mieux : le durcissement des sanctions contre l’Iran, dixit Macron, rend la négociation plus aisée. Erreur en deçà de Biarritz, utile manœuvre au-delà. Dès lors, le président américain aura beau jeu d’expliquer à ses électeurs que son coup de force partout fustigé aura permis de renégocier l’accord. A condition que les Iraniens l’acceptent, ce qui n’a rien d’acquis…

Même chose dans l’affaire amazonienne. Trump consent à prévoir une aide de 20 millions de dollars destinée à lutter contre les incendies qui ravagent cette immense forêt, si utile dans la lutte pour le climat. Concession hautement médiatisée et célébrée. Sauf que chacun voit maintenant que cette somme est en fait dérisoire au regard des enjeux, et que la mesure décidée en commun n’empêche en rien Trump, deux jours après le sommet, d’apporter un éclatant soutien à Bolsonaro l’incendiaire, quelles qu’aient pu être les insultantes éructations proférées par le butor brésilien contre le couple présidentiel français. Trump accepte un geste vert symbolique qui flatte son hôte de Biarritz, pour mieux conforter son climatosceptique allié de Brasília. Passez, muscade…

LAURENT JOFFRIN

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