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Jours tranquilles à Paris
23 septembre 2019

Emmanuel Macron danse sur le volcan de la contestation sociale

Par Olivier Faye, Alexandre Lemarié, Cédric Pietralunga

Réforme des retraites, marches pour le climat, PMA, crise des urgences hospitalières, « gilets jaunes »… Le chef de l’Etat est confronté à une multitude de départs de feu.

« Je marche sur la glace », confiait Emmanuel Macron en janvier, au sortir du plus fort de la crise des « gilets jaunes ». Neuf mois plus tard, le chef de l’Etat danse sur un volcan qui ne demande qu’à se réveiller.

Manifestations contre la réforme des retraites, marches pour le climat, contre l’ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) à toutes les femmes, crise des urgences hospitalières… Et toujours ces « gilets jaunes » qui n’en finissent pas d’ajouter un nouvel acte, chaque semaine, à leur mobilisation. Une multitude de départs de feu, certes différents, mais qui menacent d’embraser la plaine.

C’est la raison pour laquelle, samedi 21 septembre, Emmanuel Macron a tenu à faire savoir qu’il était sur le pont, alors que Force ouvrière mobilisait entre 6 000 (selon la police) et 15 000 (selon le syndicat) personnes à Paris contre la réforme des retraites. Que 15 000 autres manifestants marchaient dans les rues de la capitale pour le climat. Que les « gilets jaunes » reprenaient du service, en laissant tomber leur chasuble fluo (ils étaient notamment un millier à se réunir à Toulouse). Que des black blocs menaient des exactions – un millier de manifestants radicaux ont été signalés à Paris par la préfecture de police. « Le président de la République suit très attentivement la situation à Paris et en province. Il est mobilisé et mobilisable à chaque instant », faisait savoir l’Elysée tout au long de la journée.

Le pompier Macron va observer d’un peu plus loin la première manifestation de la CGT contre la réforme des retraites, mardi, et la grève à la SNCF, puisqu’il doit participer à l’Assemblée générale des Nations unies (ONU) à New York.

Mais la vigilance est là. Devant les parlementaires de la majorité, réunis le 16 septembre dans les jardins du ministère des relations avec le Parlement, le chef de l’Etat avait insisté sur le fait que « plusieurs catégories de la population restent extrêmement nerveuses, les inquiétudes sont là ». Et n’ont pas fini de s’exprimer.

« Ça s’allume partout sur le tableau de bord »

Cinq syndicats de la RATP ont appelé à une grève illimitée à partir du 5 décembre pour protester contre la réforme des retraites. Avocats, médecins et pilotes s’étaient déjà mobilisés, le 16 septembre, sur le même sujet.

Les personnels hospitaliers, en grève depuis de nombreuses semaines pour alerter sur leurs manques de moyens, ont eux aussi battu le pavé, le 11 septembre. Même les forces de l’ordre ont prévu de mener une « marche nationale de la colère », le 2 octobre, à Paris, pour dénoncer leurs conditions de travail. Une manifestation contre « la PMA pour toutes » est par ailleurs organisée, quatre jours plus tard, par un collectif d’associations comprenant notamment La Manif pour tous… « Ça s’allume partout sur le tableau de bord », convient-on dans l’entourage d’Emmanuel Macron. Devant ses parlementaires, ce dernier a mis en garde : il faut réformer « en veillant à chaque fois à répondre à telle ou telle inquiétude, et en évitant qu’elles ne se coagulent ».

Grands brûlés de la crise des « gilets jaunes », les macronistes assurent ne pas craindre « l’opposition parlementaire mais la rue ». En particulier les éruptions de colère spontanées, qui ne seraient pas maîtrisées par les syndicats. « Le risque que des mouvements sociaux s’agrègent a toujours existé », observe Sacha Houlié, député La République en marche (LRM) de la Vienne. « Dans le climat actuel de défiance généralisée à l’égard de tout ce qui est institutionnel, on peut craindre que cela légitime la création de collectifs autonomes, diffus et sans contrôle », abonde Amélie de Montchalin, secrétaire d’Etat chargée des affaires européennes. D’autant que les « gilets jaunes », dont on croyait la flamme éteinte, restent vivaces dans certains recoins du pays. « Il y a des endroits où [ils] reviennent sur les ronds-points, je le vois chez moi », relève un membre du gouvernement.

Les retraites, « c’est hyper inflammable »

Certains craignent que l’irruption de ce mouvement, avec son lot de violences, ne soit le prélude à de nouvelles formes de protestation, quasiment impossibles à arrêter. « Ce que je redoute surtout, c’est qu’on ait un pays, où, de soubresauts en soubresauts, on n’arrive pas à contrôler des foyers de pression qui se multiplient, alimentés par des “fake news” sur les réseaux sociaux, comme on l’a vu cet été avec le traité de libre-échange [avec le Canada] sur le CETA », confie un ministre, l’air soucieux.

Désireux d’apaiser les tensions, Emmanuel Macron s’est laissé convaincre de ralentir le rythme. « J’ai probablement donné l’impression que je voulais réformer contre le peuple. Et parfois mon impatience a été ressentie comme une impatience vis-à-vis des Français. Ce n’est pas le cas », a-t-il assuré dans un entretien au Time, jeudi. « Le chef d’orchestre sait ce qu’il veut faire, mais le tempo a changé », décrypte-t-on dans son entourage.

Signe de ce ralentissement, la réforme des retraites ne devrait pas être ficelée, au mieux, avant l’été 2020. Le temps de mener les négociations avec les partenaires sociaux mais aussi de convaincre les Français du bien-fondé de cette transformation systémique voulue par l’exécutif. « C’est hyper inflammable, donc nous prenons des précautions, cela va prendre un an. Il faut que les débats montrent que nous avons besoin de cette réforme », avance-t-on au sein du gouvernement. Jeudi 24 septembre, Emmanuel Macron se rendra à Rodez, où il doit participer à un débat sur le sujet avec un panel de Français, qui sera retransmis à la télévision. « Comme disait Michel Rocard, avec une réforme des retraites, il y a de quoi faire tomber dix gouvernements successifs ! », rappelle un poids lourd de la majorité.

Devant les parlementaires de la majorité, Emmanuel Macron avait résumé le climat de la rentrée d’une formule : « Les vents ne sont pas de face, mais certains sont de travers. » Et risquent dans tous les cas d’attiser les braises.

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