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Jours tranquilles à Paris
13 septembre 2020

Affluence modeste et tensions pour la journée de mobilisation des « gilets jaunes »

gilets jaunes

Par Aline Leclerc - Le Monde

Une série d’actions et de rassemblements ont eu lieu à Paris et dans plusieurs villes. Dans la capitale, où 2 500 personnes ont manifesté, des affrontements ont eu lieu autour des Champs-Elysées et 275 personnes ont été arrêtées.

Près de deux ans après la naissance de leur mouvement, à l’automne 2018, des « gilets jaunes » avaient prévu samedi 12 septembre une série d’actions et de rassemblements à Paris et dans plusieurs grandes villes. L’affluence fut modeste. Ils étaient 8 500 à s’être rassemblés samedi en France, dont 2 500 à Paris, selon le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, en déplacement à la Préfecture de police de Paris. « Ces manifestations ont pu se tenir dans un calme qui permet à l’ordre républicain d’être tenu », a-t-il déclaré.

Dans la capitale, pour prévenir d’éventuelles violences et destructions, la Préfecture de police avait interdit toute manifestation aux alentours des Champs-Elysées, de la tour Eiffel, de l’Assemblée nationale, de l’île de la Cité et de l’Hôtel Matignon, destinations habituellement privilégiées par les « gilets jaunes ». Plusieurs stations de métro ont été fermées. D’autres points de rendez-vous étaient annoncés, hors des zones interdites.

Dans la matinée, plusieurs centaines de personnes se sont ainsi rassemblées place de Wagram, dans le 17e arrondissement. Des « gilets jaunes » de la première heure, pour la plupart, comme Maxime Nicolle, alias « Fly Rider », Priscillia Ludosky ou Jérôme Rodrigues. Ce dernier a diffusé activement sur les réseaux sociaux, avec tweet et vidéos, l’appel à manifester ce samedi. Un message brouillé par une polémique survenue jeudi, après qu’il a traité un syndicat de police de « bande de nazis » dans un tweet. Ce samedi matin, caméra sur le ventre pour filmer toute intervention de police, il tentait de recentrer l’attention sur son message :

« Ce n’est pas “la rentrée” ou “le retour” des “gilets jaunes”, ça, c’est une construction médiatique ! On nous a mis au placard, fracassés, déglingués. Mais la colère est là, dans les foyers, dans les entreprises autour des machines à café. Elle n’est peut-être pas jaune, mais elle est là. Ceux qui ont tenu à bout de bras la France pendant les deux mois de confinement, ce sont des aides-soignants, des caissiers, des éboueurs, ce sont des “gilets jaunes” ! »

Comme en écho, séparés des « gilets jaunes » par un cordon de sécurité, une cinquantaine de patrons de discothèque et des chauffeurs de VTC parisiens étaient venus place de Wagram alerter sur leur situation. « On est à l’arrêt depuis le 13 mars, aujourd’hui on est à l’agonie », explique Morgan Dalle, qui tient la discothèque L’Antique, à Béthune (Pas-de-Calais). Ses dix salariés sont au chômage partiel, mais lui n’a aucun revenu depuis sept mois et tous les bénéfices des cinq dernières années ont été engloutis dans la gestion de la crise. « Nous n’avons eu aucune aide spécifique et sommes les derniers à ne pas avoir repris. »

287 interpellations en France

En début d’après-midi, certains manifestants, tout de noir vêtus, la tenue des blacks blocks, ont tenté d’avancer vers les Champs-Elysées, repoussés par les forces de l’ordre avec des gaz lacrymogènes et des grenades de désencerclement. Des affrontements se sont poursuivis dans des rues alentours.

Emmené par un groupe de « gilets jaunes » qui a toujours tenu à être « légaliste », un petit cortège d’une cinquantaine de personnes seulement a suivi l’itinéraire de défilé accordé au départ de la place Wagram par la Préfecture de police. Ils revendiquaient, comme depuis deux ans, le référendum d’initiative citoyenne ou un nouveau système politique. Une seconde manifestation autorisée – entre la place de Bourse et la porte de Champerret – a rassemblé également dans le calme plusieurs centaines de personnes.

Dans le même temps, des petits groupes de manifestants ont joué au chat et à la souris avec les forces de l’ordre dans le nord-ouest parisien une bonne partie de l’après-midi, mettant le feu ici et là à des poubelles, des scooters, des voitures et se voyant dispersés par les lacrymogènes.

A 20 heures, 287 personnes avaient été interpellées (dont 275 dans la capitale) et selon le parquet de Paris, 147 personnes étaient en garde à vue. Plus tôt dans la journée, la Préfecture de police avait fait également savoir sur Twitter que des personnes avaient notamment été arrêtées pour port de « tournevis, piolet, pince coupante, couteaux ».

« Il ne peut pas y avoir sur les Champs de destruction et de chaos », avait déclaré plus tôt le préfet de police de Paris, Didier Lallement, sur BFM-TV. Le nombre de forces de l’ordre mobilisées n’a pas été précisé, à l’exception de 160 motos des brigades de la répression de l’action violente motorisées (BRAV-M).

Comme depuis deux ans, les manifestants se sont divisés sur la question du rapport à la violence, certains s’interposant devant des voitures pour qu’elles ne soient pas détruites, d’autres tentant de dissuader des manifestants de desceller des pavés pour les jeter contre les forces de l’ordre. « On ne changera rien avec des chansons ! », crie un manifestant. « On ne va retenir que ça, les voitures cassées », déplore au contraire Pascale, aide-soignante et « gilet jaune » depuis 2018, venue spécialement de Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor). Elle ajoute :

« Moi je gagne 1 350 euros par mois, à 55 ans ! Ma fille qui a deux enfants à charge a perdu sa mission d’intérim dans l’aéronautique à cause du Covid. Eh bien, je ne peux même pas l’aider ! Que voulez-vous qu’on leur dise à nos enfants ? Ça ira mieux demain ? Mais on sait que c’est faux, c’est pour ça qu’on se bat encore. Peut-être que quand des gens avec des bons salaires auront été licenciés, ils se rendront compte de ce qu’on vit. »

D’autres déploraient les « guerres d’ego » qui ont entraîné l’organisation de différents cortèges et la dispersion des manifestants dans la capitale alors même qu’ils étaient peu nombreux. On s’écharpait aussi sur le port du masque, que certains jugeaient inutile. « S’ils nous font chier maintenant avec les masques, c’est juste pour flinguer la rentrée sociale » lançait un homme sans masque à une femme masquée.

Dans un autre rassemblement de « gilets jaunes », place de la Bourse, la situation s’était tendue dans la matinée, après l’arrivée de l’humoriste Jean-Marie Bigard, qui se présente comme proche du mouvement. Hué et malmené par des manifestants, qui lui reprochent de s’être désolidarisé de Jérôme Rodrigues, il a dû être exfiltré vers un café.

Dans la matinée de samedi, une trentaine de « gilets jaunes » ont également fait brièvement intrusion dans les locaux de BFM-TV à Paris, prenant à partie des journalistes et bousculant des agents de sécurité, a fait savoir la direction de la chaîne, qui a déposé plainte. Ils ont notamment échangé avec l’éditorialiste Christophe Barbier, qui quittait l’antenne, selon une vidéo postée par des manifestants sur les réseaux sociaux.

Ils ont « fortement bousculé des agents de sécurité » et dégradé une porte, avant d’être évacués par les forces de l’ordre arrivées peu après l’intrusion, a précisé à l’Agence Frace-Presse Arthur Dreyfuss, directeur général d’Altice Médias, dont fait partie BFM-TV. Les mesures de sécurité vont en outre être renforcées à BFM-TV, a-t-il ajouté. C’est la première fois que des « gilets jaunes » pénétraient dans les locaux de la chaîne d’information en continu.

D’autres rassemblements étaient prévus dans des grandes villes de France (Marseille, Lyon, Lille, Nantes, Nice, Bordeaux ou Strasbourg…). A Toulouse, un des bastions du mouvement, le rassemblement de « gilets jaunes » a été interdit vendredi par la préfecture de Haute-Garonne, notamment en raison « des taux élevés de propagation du Covid-19 ».

Vendredi, le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, a présenté les grandes lignes de la nouvelle doctrine de maintien de l’ordre du gouvernement, dont notamment l’emploi d’une nouvelle grenade défensive (grenade à main de désencerclement, GMD) censée être moins dangereuse que la précédente et dont l’emploi sera encadré par des « superviseurs ».

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