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Jours tranquilles à Paris
24 septembre 2019

Iran : pour Macron, « quelque chose peut se passer à New York »

Par Marc Semo, envoyé spécial à New York

Le président français veut mettre à profit l’Assemblée générale des Nations unies, qui s’ouvre lundi 23 septembre, pour apaiser les tensions entre Washington et Téhéran.

Un mois après le sommet du G7 de Biarritz, où il avait réussi à faire – un peu – bouger les lignes, créant un espoir de désescalade dans le golfe Arabo-Persique et mobilisant ses hôtes sur l’Amazonie, le président français tente de transformer l’essai lors de l’Assemblée générale des Nations unies (ONU) qui s’ouvre lundi 23 septembre.

« Cela nous permet de mettre en œuvre la dynamique entamée au G7 », a confié Emmanuel Macron dans l’avion qui l’emmenait à New York, parlant à un petit groupe de journalistes.

Ce sont les deux priorités du chef de l’Etat, qui cherche à conforter sa nouvelle stature internationale en affichant son engagement sur le climat, un thème politiquement porteur, mais aussi l’efficacité de sa diplomatie pro-active. Une gageure alors que la réunion des chefs d’Etats et de gouvernement des 193 Etats membres de l’ONU s’ouvre dans climat international particulièrement lourd.

La tension entre Washington et Téhéran a encore monté ces deux derniers jours avec l’annonce de l’envoi de renforts américains et les mises en garde de la République islamique affirmant par la voix de son ministre des affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, que « la guerre ne sera pas limitée ». Mais, parlant à la chaîne américaine CNN dans l’après-midi du 22 septembre, le ministre iranien, nettement plus mesuré, a affirmé que le président Hassan Rohani était prêt à rencontrer son homologue Donald Trump « si [ce dernier] est prêt à faire le nécessaire », c’est-à-dire à lever les sanctions en échange « d’inspections permanentes des sites nucléaires iraniens ». Quelque chose semble donc bouger.

« Unité de lieu »

« Il y a un enjeu à New York. Les deux protagonistes de la crise sont là. Il y a une unité de lieu et pas tout à fait une unité d’action car nous ne sommes pas en Arabie saoudite mais quelque chose peut se passer », a affirmé Emmanuel Macron tout en admettant qu’après l’attaque contre les installations pétrolières saoudiennes attribuées à l’Iran « les chances d’une rencontre n’ont certes pas augmenté ».

Et d’en rappeler toutes les difficultés, y compris en raison des approches diamétralement opposées entre Washington et Téhéran, qu’il a pu vérifier lors de ses nombreux entretiens téléphoniques avec MM. Trump et Rohani.

« Les Iraniens sont flexibles sur les paramètres mais inflexibles sur le rendez-vous qui, à leurs yeux, ne doit venir qu’à la fin du processus alors que l’objectif des Américains est d’avoir ce rendez-vous à court terme », explique-t-il, précisant que « Donald Trump décide vite et seul. Il a des logiques très transactionnelles et il n’est pas très difficile à convaincre. Hassan Rohani lui a besoin pour négocier de se caler avec tout un système et quarante ans d’histoire. »

Sur l’Iran, tout s’est encore compliqué depuis un mois. L’accord de principe obtenu à Biarritz auprès de Donald Trump et auprès du président iranien pour une rencontre que M. Macron espérait organiser lui-même a été balayé depuis le bombardement revendiqué par les rebelles houthistes – soutenus par Téhéran – du site de la Saudi Aramco le 14 septembre. Comme Riyad, les Etats-Unis ont accusé l’Iran d’avoir organisé l’attaque mais ils déclarent vouloir éviter un conflit armé tout en annonçant un nouveau durcissement des sanctions. La France, elle, a dépêché des experts sur place.

« Ne pas faire de politique-fiction »

« Il faut être très prudent dans l’attribution ; il y a pour le moment des faisceaux d’indices mais ce bombardement est un fait militaire de nature nouvelle qui change l’écosystème dans lequel était la région et qui crée une nouvelle donne », analyse Emmanuel Macron affirmant « ne pas vouloir faire de politique-fiction sur cette escalade et sur le rôle de l’Iran entré sur le chemin d’une montée en tension qui est une erreur stratégique majeure aussi bien pour lui-même que pour toute la région ».

Le programme new-yorkais d’Emmanuel Macron consacré à la question iranienne pour le 23 septembre est dense. Il doit rencontrer à la fois le premier ministre britannique Boris Johnson et la chancelière allemande Angela Merkel, les dirigeants des deux pays européens signataires de l’accord de Vienne de juillet 2015 (JCPOA), mais aussi Donald Trump et Hassan Rohani. Et il n’avait toujours pas décidé la veille dans quel ordre il rencontrerait les présidents des Etats-Unis et de l’Iran.

Depuis le début de la crise entraînée en mai par un nouveau durcissement des sanctions américaines et par la fin des exemptions dont bénéficiaient les huit principaux clients du brut iranien – dont la Chine, le Japon et l’Inde – le président français tente de se poser en médiateur entre Washington et Téhéran.

En mai 2018 les Etats-unis s’étaient retirés du JCPOA qui gelait et mettait sous contrôle international pour dix ou quinze ans selon les points le programme nucléaire iranien. Depuis juillet la République islamique a commencé à revenir sur ses engagements reprenant l’enrichissement de l’uranium au-delà du taux maximum autorisé de 3,67 % et elle annonce de nouvelles entorses pour le 6 novembre.

Agir sur quatre points

« Je ne suis pas un fétichiste du JCPOA et l’on est forcé de constater que ses deux principaux protagonistes l’ont quitté ou sont en train de le quitter », reconnaît Emmanuel Macron qui n’en estime pas moins nécessaire de préserver l’accord en le complétant.

« Alors même que les Etats-Unis en avaient été le moteur leur retrait affaiblit la position américaine d’autant qu’ils n’offrent pas d’alternative », insiste le président français, rappelant la nécessité affirmée par Paris avant même la décision de Donald Trump de le renforcer en agissant sur quatre points – la consolidation du traité lui-même, le fait de le compléter pour l’après 2025, la nécessité de contrôler les activités balistiques de l’Iran et d’arrêter ses actions de déstabilisation régionale.

« Ces deux ans depuis le retrait américain n’ont permis ni de résoudre la question du programme nucléaire iranien ni de réduire la conflictualité dans la région », relève Emmanuel Macron soulignant que « les discussions se focalisent sur le nucléaire (…) alors même que la grammaire dans laquelle nous rentrons est un peu différente ; elle a été imposée par les Iraniens et pas seulement sur le nucléaire ». Le président français évoque les attaques de pétroliers dans le détroit d’Ormuz, l’abattage d’un drone américain auquel Washington n’a pas répondu, les tensions régionales et ce dernier bombardement des installations pétrolières saoudiennes.

Appelant à « un multilatéralisme robuste et agile », Emmanuel Macron veut montrer à la fois l’importance et les limites du multilatéralisme pour gérer des crises. « Le cadre du multilatéralisme s’est affaibli par exemple pour le JCPOA remis en cause par certains de ses garants qui ont décidé d’en sortir ce qui a entraîné une remontée des tensions ; cela montre que quand on sort de ce cadre il y a le risque de l’escalade », a noté le président français relevant « qu’un multilatéralisme faible récompense les Etats voyous – comme on l’a vu en Syrie en 2013 quand les lignes rouges fixées à Bachar Al-Assad n’ont pas été respectées ce qui donné deux gagnants dans la région, l’Iran et la Russie – ; en revanche, un multilatéralisme robuste, comme celui qui a été montré avec les Etats-unis en avril 2018 pour répondre à une attaque chimique a donné des résultats ».

Cette action diplomatique qu’il mène à New York, Emmanuel Macron la voit aussi en résonance directe avec le quotidien des Français. « La sécurité régionale dans le Golfe, c’est le prix de l’essence avec de rapides répercussions sur le pouvoir d’achat, a indiqué le chef de l’Etat, mais c’est aussi notre sécurité tout court car s’il y a un embrasement il y aura des effets dominos très difficiles à maîtriser. »

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