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Jours tranquilles à Paris
24 septembre 2019

La difficile recherche à l’ONU d’une désescalade entre Washington et Téhéran

trump iran

Par Marc Semo, New York, envoyé spécial

« Il est clair pour nous que l’Iran porte la responsabilité de l’attaque » du 14 septembre contre l’Arabie saoudite, ont assuré, lundi à New York, en marge de l’Assemblée générale des Nations unies, Emmanuel Macron, Angela Merkel et Boris Johnson.

La médiation est un exercice délicat. Le président français s’est activé toute la journée du lundi 23 septembre pour tenter de concrétiser une rencontre entre Donald Trump et Hassan Rohani à New York, en marge de la 74e Assemblée générale des Nations unies (ONU) à laquelle il croit encore. Emmanuel Macron a eu « une première rencontre informelle » lundi matin avec le président américain et dans la soirée il a rencontré son homologue iranien, à peine arrivé de Téhéran.

Prés de deux heures de discussion « directe » durant lesquelles le chef de l’Etat a rappelé à Hassan Rohani que « la voie de la désescalade était étroite mais plus que jamais nécessaire ». Le visage fermé d’Emmanuel Macron et de ses conseillers à l’issue de la rencontre semblerait montrer qu’une poignée de main historique entre les présidents américain et iranien reste encore pour le moins aléatoire.

En début d’après midi, le chef de l’Etat s’était entretenu avec la chancelière allemande, Angela Merkel, et le premier ministre britannique Boris Johnson, les dirigeants des deux autres pays européens signataires de l’accord de Vienne de juillet 2015 – ou Joint Comprehensive Plan of Action (JCPOA) –, mettant sous contrôle international le programme nucléaire iranien en échange d’une levée des sanctions économiques. Il devrait à nouveau parler avec Donald Trump dans la matinée de mardi.

Relâcher la pression des sanctions

« Je ferai tout pour que les conditions de discussions se créent, à la fois pour qu’il n’y ait aucune escalade et pour qu’on construise une solution utile, durable pour la sécurité dans la région », a affirmé le président français. Il veut croire à une « ouverture avec des conditions » de la part du ministre iranien des affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif. Ce dernier a, de fait, affirmé la veille à la chaîne CNN que Téhéran ne fermait « pas la porte à des discussions » avec les Etats-Unis, à condition que Washington relâche la pression des sanctions.

La montée des tensions après le bombardement en Arabie saoudite, le 14 septembre, d’installations pétrolières de l’Aramco Saudi complique la donne. L’attaque a été revendiquée par les rebelles houthistes du Yémen soutenus par Téhéran mais elle est attribuée directement à l’Iran, aussi bien par Washington que Ryad.

« Il est clair pour nous que l’Iran porte la responsabilité de cette attaque. Il n’y a pas d’autre explication plausible », assure aussi le communiqué commun publié après la rencontre des trois dirigeants européens. « Ces attaques ont été dirigées contre l’Arabie saoudite, mais elles concernent tous les pays et renforcent le risque de conflit majeur », souligne le communiqué appelant Téhéran à revenir au respect du JCPOA, et de s’engager dans une négociation sur son rôle dans la sécurité régionale ainsi que sur la limitation de son programme balistique.

Avec le poids symbolique d’une position commune, Londres, Paris et Berlin veulent marquer le coup mais aussi rappeler leur volonté d’une issue diplomatique à la crise.

Washington joue la retenue se limitant pour le moment à un durcissement des sanctions contre Téhéran et à un déploiement « modéré » de renforts militaires dans le Golfe. Le secrétaire d’Etat américain, Mike Pompeo, pourtant réputé être un « faucon » face à l’Iran, insiste sur la nécessité d’une « solution pacifique ». De son côté, la République Islamique a aussi fait un geste à la veille de l’Assemblée générale de l’ONU en laissant repartir un pétrolier battant pavillon britannique arraisonné un mois plus tôt.

Les Iraniens exigent des gestes très concrets

Pour sa médiation Emmanuel Macron a un certain nombre d’atouts en main et notamment la crédibilité acquise par la diplomatie française depuis 2003 sur le dossier du nucléaire iranien. En outre le président français est à même de parler à tous les protagonistes du dossier, aussi bien à Donald Trump qu’à Hassan Rohani, et le réchauffement des relations avec la Russie lui permet aussi de compter sur le soutien de Vladimir Poutine, même si Moscou, pourtant aussi signataire du JCPOA et allié de l’Iran, ne fait pas grand-chose.

Déjà lors de l’Assemblée générale de l’ONU de septembre 2017, Donald Trump avait demandé à Emmanuel Macron de jouer les intermédiaires pour une rencontre avec M. Rohani refusée alors par Téhéran. Un an plus tard, c’étaient les Iraniens sous le coup du retrait de Washington de l’accord et du rétablissement des sanctions américaines qui sondaient le président français pour une éventuelle rencontre sous condition avec le locataire de la Maison Blanche que ce dernier refusa estimant que sa politique de « pression maximale » n’avait pas encore porté tous ses effets. Cette fois pourrait donc être la bonne.

« Si c’est juste pour une photo sans résultat concret, cela ne fera qu’accroître les difficultés économiques des Iraniens », a déjà averti le ministre iranien des affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif. Téhéran exige des gestes très concrets et en premier lieu le rétablissement des exemptions dont bénéficiaient jusqu’en mai les huit principaux acheteurs de brut iranien. En échange, les Iraniens devraient revenir à leurs engagements dans le JCPOA. « Cette procédure de désescalade, amorcée à Biarritz [lors du sommet du G7] est toujours sur la table. Il faut que des actes soient posés et que la partie iranienne dise ce qu’elle veut faire dans cet environnement-là », a insisté le ministre français des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian.

Avant de s’envoler pour New York, le président Hassan Rohani a déclaré que l’Iran présenterait à l’ONU un plan de coopération régionale destiné à assurer la sécurité des eaux du Golfe. Patelin et bien rôdé à l’exercice de parler à la tribune de l’ONU, il a déjà bien préparé ses éléments de langage : « Les actions cruelles qui ont été engagées contre la nation iranienne, ainsi que les problèmes compliqués auxquels notre région est confrontée doivent être expliquées aux peuples et aux nations du monde. »

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