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Jours tranquilles à Paris
27 septembre 2019

Mort de Chirac : Macron loue « une certaine idée de la France »

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Par Cédric Pietralunga, Olivier Faye

L’actuel chef de l’Etat s’est adressé aux Français pour dire sa « tristesse » et son « émotion », lors d’une allocution télévisée, jeudi, jour de la mort de l’ancien président de la République.

Le 8 janvier 1996, a noté Emmanuel Macron, Jacques Chirac avait su trouver des « mots lumineux » pour saluer la mémoire de François Mitterrand, tout juste décédé. C’est dire la montagne qui se dressait face à l’actuel chef de l’Etat, jeudi 26 septembre, au moment de s’adresser aux Français pour dire sa « tristesse » et son « émotion » après la mort de son si populaire prédécesseur corrézien. De cet « homme d’Etat que nous aimions autant qu’il nous aimait », de ce « destin français », comme l’a souligné le président de la République, lors d’une allocution prononcée depuis le palais de l’Elysée. De ce héraut de la politique à l’ancienne, qui mit trente ans à conquérir le pouvoir suprême, là où Emmanuel Macron s’y est propulsé en moins de trois ans.

Le 8 janvier 1996, Jacques Chirac avait su capter l’émotion du pays, et s’installer dans la lignée des chefs d’Etat de la Ve République. Jeudi, son lointain successeur s’est efforcé d’attraper l’esprit de celui qui sut incarner mieux que personne le rôle de père de la nation. Chirac, héritier de Charles de Gaulle et surtout de Georges Pompidou, « incarna une certaine idée de la France », selon M. Macron, en présidant aux destinées de ce pays « dont il a constamment veillé à l’unité, à la cohésion, et qu’il a protégé courageusement contre les extrêmes et la haine ». Un homme qui dut affronter, comme lui, l’extrême droite au second tour de l’élection présidentielle. C’était en 2002, face à Jean-Marie Le Pen, quand Emmanuel Macron a trouvé face à lui Marine Le Pen, en 2017.

« A la hauteur de l’histoire »

Jacques Chirac, aux yeux du chef de l’Etat, incarnait aussi « une certaine idée du monde », par son engagement en faveur de l’environnement, qui l’a hissé « à la hauteur de l’histoire », estime M. Macron. « Notre maison brûle, et nous regardons ailleurs », avait-il déclaré, en 2002. Par son opposition, aussi, à la guerre menée par les Etats-Unis en Irak, en 2003, représentant alors une « France indépendante et fière », loue M. Macron. Ces deux aspects, l’actuel locataire de l’Elysée les a mis en avant comme pour tendre un miroir qui refléterait sa propre action, lui qui entend porter la question écologique de par le monde, tout en érigeant la France en « puissance d’équilibre » sur le plan géopolitique.

Enfin, Emmanuel Macron a tenu à souligner les qualités d’un homme qui « aimait profondément les gens dans toute leur diversité ». « Les plus humbles, les plus fragiles, les plus faibles, furent sa grande cause », a-t-il souligné. Une attention constante qui valut à Jacques Chirac un « attachement affectueux, quasi filial » des Français. Son successeur, parfois qualifié de « président des riches », tente pour sa part de construire ce lien et de dépasser l’acrimonie exprimée à son endroit lors de la crise des « gilets jaunes ».

Pointilleux comme à son habitude, Emmanuel Macron avait soigné les détails de cette intervention, préparée durant la journée avec sa garde rapprochée. Sur le bureau du Salon doré, au premier étage de l’Elysée, le chef de l’Etat avait posé un seul objet : un petit cadre en bronze représentant le Général de Gaulle. Il lui avait été offert par Jacques Chirac, en juillet 2017, lors de leur seule rencontre, pour « marquer la continuité de la République par-delà les appartenances politiques ». On le sait moins, mais M. Macron travaille également tous les jours, dans le salon d’Angle du palais, sur un bureau utilisé un temps par le Corrézien après son départ de l’Elysée : une pièce de béton signée Francesco Passaniti.

« Il faut laisser le pays se recueillir »

Selon son entourage, Emmanuel Macron n’a pas hésité plus de quelques minutes à annuler sa participation au grand débat sur les retraites qui était prévue à Rodez, jeudi soir, pour lancer la concertation sur cette réforme phare de la deuxième partie de son quinquennat. « En avril, le président avait déjà reporté sa conférence de presse de sortie du grand débat national à cause de l’incendie de Notre-Dame. La décision a été, cette fois aussi, facile à prendre », assure un proche. L’heure est au recueillement, pas aux dossiers qui fâchent.

Comme au moment de la mort du colonel de gendarmerie Arnaud Beltrame, en mars 2018, ou de Johnny Hallyday, en décembre 2017, Emmanuel Macron veut accompagner l’émotion populaire. Mais il sait, cette fois, qu’il doit agir avec tact. Le chef de l’Etat n’a jamais été un proche de Jacques Chirac, et n’a pas plus revendiqué de filiation avec celui que Nicolas Sarkozy avait dépeint en « roi fainéant ». « Il n’était pas trop dans le radar », reconnaît un ex-membre du cabinet élyséen. « Il ne faut pas surjouer l’empathie, et donner le sentiment qu’on veut récupérer l’événement », met d’ailleurs en garde un élu macroniste. D’autres, à droite, comme François Baroin ou Christian Jacob, auraient plus de légitimité à le faire.

Dans une forme d’œcuménisme républicain, le chef de l’Etat a d’ailleurs décidé d’ouvrir l’Elysée en hommage à l’ancien président. Dès 21 heures jeudi soir, un recueil a été installé dans le vestibule d’honneur de l’Hôtel d’Evreux, afin que les Français puissent y « exprimer leurs condoléances ». L’Elysée restera ouvert jusque dimanche soir, pour absorber la longue file qui se formait dès le début de la soirée. C’était aussi une demande de la famille Chirac, qui souhaitait qu’un lieu soit trouvé pour que les nostalgiques de l’ancien président puissent lui dire au revoir, lui qui n’avait jamais connu d’année sans mandat électoral entre 1967 et 2007.

Comme pour le Général de Gaulle, en 1970, pour Georges Pompidou, en 1974, et pour François Mitterrand, en 1996, une journée de deuil national a été décrétée par le chef de l’Etat, même s’il ne s’agit pas d’une obligation. Elle se tiendra le lundi 30 septembre. Une cérémonie religieuse se déroulera à midi dans l’église Saint-Sulpice, à Paris, la cathédrale Notre-Dame n’étant plus accessible depuis son incendie. Nombre de chefs d’Etat, de responsables politiques et de dignitaires y sont attendus. Le débat sur l’immigration, prévu lundi 30 septembre, à l’Assemblée nationale, avec notamment un discours du premier ministre, Edouard Philippe, a été reporté. « Il faut laisser le pays se recueillir », explique-t-on à l’Elysée. Il sera bien temps, ensuite, de reprendre le combat politique.

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