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Jours tranquilles à Paris
30 octobre 2019

Brexit : les élections du 12 décembre, un pari risqué pour Boris Johnson

Par Cécile Ducourtieux, Londres, correspondante

Le premier ministre a finalement arraché, mardi, l’organisation du scrutin qu’il défendait depuis plusieurs semaines. Sans garantie d’obtenir la majorité nécessaire pour mener à bien le divorce avec l’UE.

La quatrième tentative fut la bonne. Mardi 29 octobre, après trois votes ratés ces dernières semaines (dont un la veille), Boris Johnson a finalement réussi à décrocher la tenue d’élections générales anticipées. Elles devraient avoir lieu le 12 décembre, comme il le souhaitait. Si les Lords vont dans le même sens que les députés, ce qui est probable – ils doivent examiner la proposition gouvernementale mercredi 30 octobre –, les Britanniques seront donc appelés aux urnes pour la troisième fois en trois ans (après le référendum de 2016, et les élections générales de 2017).

Le premier ministre tenait à cette date du 12 décembre : elle tombe un jeudi, traditionnel jour de scrutin au Royaume-Uni. Il s’agissait surtout d’une des seules disponibles pour une élection avant Noël, étant donné que le Parlement britannique doit être dissous au plus tard vingt-cinq jours avant la tenue du vote, que Westminster a besoin d’encore quelques jours pour expédier les affaires courantes, et qu’au-delà de mi-décembre, les lieux publics (écoles, etc.) disponibles pour aller voter sont mobilisés par les fêtes de fin d’année.

Sortir de l’ornière

Cela fait près d’un siècle que les Britanniques n’ont pas voté à cette saison : le précédent remonte aux élections générales de 1923, organisées un 6 décembre. D’habitude, les scrutins ont lieu à la fin du printemps : les commentateurs politiques ont répété ces jours derniers à quel point l’hiver britannique (l’humidité et le manque de soleil) risquait de peser sur le taux de participation. Que le 12 décembre coïncide avec le premier jour d’un Conseil européen à Bruxelles, ayant probablement du Brexit au programme, n’a en revanche suscité aucun commentaire, ni à Westminster, ni dans les médias du pays tout entiers tournés vers cet enjeu de politique intérieure.

Boris Johnson, lui, risquait la paralysie totale : sans majorité parlementaire, et avec un accord de divorce fraîchement renégocié mais suscitant de plus en plus de résistances chez les députés. Ces élections, dont son conseiller spécial Dominic Cummings se faisait l’avocat depuis des semaines, lui permettent de sortir de l’ornière. Vont-elles pour autant l’aider à regagner cette majorité absolue que les conservateurs ont perdue lors du scrutin de 2017 ? Surtout : vont-elles aider le pays tout entier à sortir de l’impasse du Brexit ?

S’il gagne son pari, l’actuel locataire du 10 Downing Street pourra retenter une ratification de son accord de divorce au Parlement britannique. Peut-être même avant le 31 janvier 2020, la nouvelle « deadline » du Brexit formellement acceptée par les Européens mardi.

Si c’est Jeremy Corbyn, le leader des travaillistes (deuxième force du pays), qui l’emporte, ce dernier a promis d’aller renégocier à Bruxelles le traité, puis de le soumettre à un deuxième référendum. Les libéraux-démocrates proposent, eux, d’annuler purement et simplement le divorce avec l’Union européenne, mais ils n’ont quasiment aucune chance de l’emporter dans un scrutin uninominal majoritaire à un tour.

Un pays profondément divisé et lassé du Brexit

Déjà en campagne, Boris Johnson a proposé, mardi soir, à dix élus conservateurs modérés exclus du parti début septembre de revenir dans le giron tory, après avoir, pendant deux mois, choisi de diriger en flattant l’aile droitière et « brexiter » dure de la formation. Le Labour, lui, inondait les réseaux sociaux de clips de campagne : « Le changement arrive ».

Mais rien n’est joué d’avance, dans un pays profondément divisé et lassé du Brexit. Pour l’instant, selon le Financial Times, qui a compilé de récents sondages, les conservateurs sont crédités de 36 % des voix, contre 25 % aux travaillistes. Mais « les Britanniques sont de plus en plus enclins à changer de parti, la volatilité de l’électorat est désormais considérable », prévient Simon Usherwood, politologue à l’université du Surrey.

Charismatique, positif, dynamique : Boris Johnson est un homme de campagnes électorales. Mais Jeremy Corbyn n’est pas mauvais non plus quand il s’agit de mobiliser les électeurs, même si son leadership est contesté en interne et qu’il est à la tête d’un parti très divisé sur le Brexit. Il est pugnace, et il compte bien pousser l’agenda travailliste – fin de l’austérité, de la crise du logement, etc.

Car tout le monde parie sur une élection centrée autour du Brexit. Mais qui sait ? « J’en suis à ma septième élection. C’est toujours la même chose. Au début, on pense que ce sera sur une thématique, et cela dévie très vite sur une autre. Theresa May, en 2017, pensait à une élection sur le thème du Brexit. Mais on a eu des attentats terroristes et on a abouti à tout autre chose », racontait, mardi, l’élu travailliste David Lammy, lors d’une conférence de presse en faveur d’un deuxième référendum.

Le cauchemar serait que le 13 décembre au matin, les Britanniques se réveillent de nouveau avec un « hung Parliament » (sans majorité). « Que ferons-nous si nous nous retrouvons dans cette situation ? Est-ce que nous saurons nous engager à trouver un consensus entre nous [sur le Brexit], ou est-ce que nous allons continuer à nous diviser comme cela pour l’éternité ? », a demandé la député travailliste Jess Phillips à ses collègues, mardi, depuis la Chambre des communes. Sans recevoir de réponse.

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