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Jours tranquilles à Paris
22 janvier 2020

A Davos, Donald Trump s’est posé en climatosceptique assumé

Par Sylvie Kauffmann, Davos, Suisse, envoyée spéciale

Le président a fustigé les « prophètes de malheur » qui promettent « l’apocalypse », mardi, devant Greta Thunberg. Il a également livré un discours triomphaliste sur les performances de l’économie américaine.

La grande salle du centre de congrès de Davos (Suisse) était pleine, mardi 21 janvier, pour écouter Donald Trump, mais ce n’est pas à cette assistance-là qu’il s’est adressé. Le discours triomphaliste livré par le président américain ne visait manifestement qu’un seul auditoire, à plus de 6 000 km de là, de l’autre côté de l’Atlantique : son électorat, devant lequel il se représente le 3 novembre. Et plus précisément « les travailleurs », sur lesquels il a affirmé avoir concentré tous les efforts de son premier mandat.

Les organisateurs du Forum économique mondial, eux – et notamment son fondateur, Klaus Schwab, qui se tenait aux côtés de M. Trump – ont eu droit à un camouflet.

Alors que cette 50e édition du Forum de Davos, résolument verdie, a été placée sous le signe de la priorité à la lutte contre le changement climatique, le président américain s’est posé en climatosceptique assumé, fustigeant ouvertement les « prophètes de malheur » qui promettent « l’apocalypse ». Venue l’écouter, Greta Thunberg, la jeune militante écologiste suédoise, a quitté la salle avant la fin du discours parce que, a-t-elle confié plus tard, « elle en avait eu assez ».

Pendant une demi-heure, M. Trump a décrit un pays qu’il a trouvé en ruines en arrivant à la Maison Blanche il y a trois ans, et dont il a fait un paradis, « un geyser d’opportunités » que l’on entend « rugir ». Il s’est lancé dans une longue litanie de chiffres plus mirobolants les uns que les autres sur les créations d’emplois, la baisse du chômage et les hausses de salaires, signes « d’un boom économique comme le monde n’en a jamais connu ».

Un contrepoint médiatique tout à fait opportun

Alors qu’aux Etats-Unis ses rivaux démocrates s’apprêtent à ouvrir la saison des primaires pour choisir leur candidat, le slogan Workers First, « les travailleurs d’abord », a remplacé l’America First de la campagne de 2016 dans la rhétorique du républicain. Et pour ne pas oublier ses électeurs évangéliques, le président a clos son discours par une envolée sur les « grandes cathédrales d’Europe » qui « nous ont appris à poursuivre de grands rêves », sans oublier Notre-Dame de Paris qui renaîtra de ses cendres.

M. Trump n’a en revanche pas dit un mot de la procédure de destitution à son encontre dont le Sénat américain débat cette semaine à Washington ; son déplacement à Davos a permis d’y apporter un contrepoint médiatique tout à fait opportun. Il a d’ailleurs préféré s’abstenir de la traditionnelle séance de questions-réponses qui suit ce type de discours à Davos.

Sur place, les propos du locataire de la Maison Blanche ont été diversement accueillis. Sous le choc, le coprésident des Verts allemands, Robert Habeck, a jugé son intervention « désastreuse pour le multilatéralisme » et pour le message qu’essaie de faire passer le Forum cette année sur l’urgence climatique. « Cela confirme notre problème, a-t-il dit : Il y a des leaders et des économies qui nous précipitent encore plus dans le désastre que nous essayons de combattre. » Pour le leader écologiste, cette attitude montre que les demi-mesures ne peuvent plus suffire.

La directrice de Greenpeace International, Jennifer Morgan, pense, pour sa part, que le président américain « vit sur une autre planète, car il semble penser que le bien-être des Américains est indépendant des limites de notre planète ». Le prix Nobel d’économie Joe Stiglitz a également reproché à Donald Trump d’avoir « totalement évacué » la question climatique ; il a aussi contesté la description « complètement erronée » de ses exploits économiques.

Inter

D’autres patrons et économistes reconnaissent cependant les belles performances de l’économie américaine, même s’ils jugent excessif d’en attribuer le crédit au président actuel. « Ce qui est vrai, commente ainsi l’économiste Kenneth Rogoff, c’est que l’économie va bien. Il est faux de dire qu’elle allait mal quand il est arrivé, mais je crois qu’elle s’en sort mieux que ce que à quoi s’attendaient la majorité des gens ici à Davos. Nous avons eu une bonne décennie, et ces trois ans ont été plutôt meilleurs que prévu. » Tout au plus le secrétaire au trésor, Steven Mnuchin, concède-t-il, au cours d’un débat à Davos, que, compte tenu de la hausse du déficit budgétaire, « il va falloir regarder le taux de croissance des dépenses publiques ».

C’est tout le problème de ceux qui détestent Donald Trump : entre la bonne santé de l’économie des Etats-Unis, la signature de la phase 1 du traité commercial avec Pékin qui permet de faire retomber la tension, celle du traité avec le Mexique et le Canada, et l’assassinat du dirigeant iranien Ghassem Soleimani qui, pour l’instant, ne s’est pas soldé par une escalade, l’hypothèse de sa réélection pour un second mandat en novembre paraît de plus en plus réaliste.

Trump est revenu à Davos « faire son tour de la victoire », résume le politiste Ian Bremmer, car, « quoi qu’il dise sur la mondialisation, il est parfaitement à son aise ici, au milieu de patrons qui sont ravis de ses réductions d’impôts et qui, sur le climat, se sentent beaucoup plus proches de lui que de Greta Thunberg ». Bien sûr, poursuit Ian Bremmer, « il exagère son bilan économique, mais le fait est que les patrons à Davos lui font nettement plus confiance qu’il y a trois ans ». Si le premier ministre britannique Boris Johnson a décidé de bouder Davos parce que, selon Downing Street, sa priorité est de travailler pour le peuple, « pas de boire du champagne avec des milliardaires », le populisme trumpien, lui, est moins regardant.

La tâche était rude pour le vice-premier ministre chinois, Han Zheng, qui a succédé à la tribune au président américain. Comme lui, M. Han a préféré éviter les sujets épineux et n’a donc pas dit un mot de la situation à Hongkong, pas plus qu’il n’a accepté de répondre à des questions. Le dirigeant chinois s’en est prudemment tenu au registre qui avait fait le succès de son maître, le président Xi Jinping, lorsqu’il est venu à Davos en 2017 : promotion de la mondialisation, condamnation du « protectionnisme et de l’unilatéralisme ». Avec, quand même, une pique pour le président des Etats-Unis : « Blâmer la mondialisation économique ne correspond pas aux faits, pas plus que cela n’aide à résoudre les problèmes », a dit M. Han. A Pékin aussi, on doit commencer à se préparer à un deuxième mandat de Donald Trump.

Sylvie Kauffmann (Davos, Suisse, envoyée spéciale)

davos greta

Greta Thunberg estime que « rien n’a été fait » pour le climat. Plus tôt dans la matinée, Greta Thunberg avait déploré l’inaction des élites politiques et économiques pour le climat en dépit de tous les discours en faveur de l’environnement. Certes, « le climat et l’environnement sont un sujet d’actualité aujourd’hui », mais « en pratique, rien n’a été fait », « les émissions de CO2 n’ont pas diminué », a-t-elle rappelé devant les grands patrons et des responsables politiques. Ce n’est pourtant pas faute de recevoir de l’attention médiatique, a-t-elle estimé, avec comme une pointe d’amertume. « Je ne peux pas me plaindre de ne pas être écoutée. On m’écoute tout le temps », a dit l’adolescente.

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