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Jours tranquilles à Paris
27 février 2020

La lettre politique de Laurent Joffrin - L'ouvrage de Penelope

fillon99

François Fillon assure qu’il arrive à son procès avec de nouvelles preuves qui l’innocenteront. On l’espère pour lui : il en aura grand besoin. Il est accusé de «détournement de fonds publics» pour avoir fait rémunérer son épouse en échange d’un travail que les juges d’instruction tiennent pour inexistant.

La présomption d’innocence doit évidemment jouer, dans la procédure, comme dans le commentaire. Mais il demeure qu’au terme de leur investigation, les juges ont estimé nécessaire de renvoyer l’affaire devant un tribunal. Un «présumé innocent», en fait, n’est ni innocent ni coupable : il est soupçonné d’avoir commis un délit et doit bénéficier des égards et garanties qu’on confère à tout prévenu, en ménageant avec rigueur l’hypothèse où il serait effectivement innocent. Nuance.

L’ennui pour le couple Fillon, c’est que de multiples enquêtes de presse et de police ont cherché à déterminer la nature du travail effectué par Penelope Fillon. Aux dires des enquêteurs, ils ont tous fait chou blanc. A cela s’ajoute, pour l’opinion, le fait que l’épouse du candidat avait déclaré elle-même à une journaliste qu’elle ne s’occupait pas de la carrière de son mari. Oups…

Certains pensent qu’on reproche à l’ancien député de la Sarthe d’avoir employé des membres de sa famille, pratique courante au Parlement, prohibée depuis, et qu’on jugerait de manière anachronique. Erreur : on lui reproche d’avoir employé son épouse fictivement pour une somme totale qui avoisine le million d’euros. C’est toute la différence.

Au fond, les Pénélope ne se ressemblent pas. Pour endiguer l’ambition de ses prétendants, Pénélope, l’épouse de l’industrieux Ulysse, défaisait la nuit le travail qu’elle effectuait dans la journée. Elle rendait fictif un travail réel. Celle de l’industrieux Fillon doit rendre réel un travail qu’on juge fictif. La tâche est plus malaisée.

Le procès permettra aussi, on l’espère, d’éclaircir une petite affaire dans l’affaire : la thèse du complot politique contre le candidat, ourdi par des puissances obscures, de gauche ou de droite. Personne n’apporte le moindre commencement de preuve à l’appui de cette romanesque hypothèse. Le seul «complot» pourrait être celui fomenté, dit-on, par Robert Bourgi qui aurait piégé Fillon en lui offrant des costumes Arnys. Mais ce pan de l’affaire n’est pas dans la procédure. Il a ridiculisé le candidat, mais il ne l’a pas incriminé.

La seule bizarrerie réside dans l’inhabituelle célérité du parquet financier, qui s’est saisi aussitôt de l’affaire et a mis en examen Fillon tout aussi rapidement. Mais s’il ne l’avait pas fait, on aurait pu lui reprocher d’avoir laissé élire un président soupçonné de malversation, lequel aurait été ensuite protégé par son immunité présidentielle. Le cas se discute…

Le candidat a accusé à plusieurs reprises un «cabinet noir» élyséen. Trois ans après, on attend les preuves de son existence. Quels étaient les conseillers supposément chargés de ces basses œuvres ? Qu’auraient-ils fait ? Pouvaient-ils donner des ordres au parquet financier, plutôt jaloux de son indépendance ? Sur aucun de ces trois points on ne donne le moindre détail. Le Canard explique qu’il a enquêté lui-même. Rien ne prouve le contraire. Au demeurant, pourquoi le président Hollande aurait-il voulu nuire à Fillon, alors qu’il s’était retiré de la course bien avant que l’affaire n’éclate ? Pour favoriser Macron, alors que son ancien conseiller et ministre avait joué contre lui et contribué à son empêchement ? Incompréhensible manœuvre… On passe de l’emploi politique fictif à l’emploi politique de la fiction. La justice devra démêler cet écheveau. C’est l’utilité des procès : on pourra examiner au grand jour preuves et contre-preuves. Il est temps.

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